Après avoir séduit tout le long d'une campagne électorale époustouflante, le président Barack Obama prend maintenant conscience qu'il doit convaincre. Au Congrès, devant les deux Chambres réunies, il aura amalgamé (selon les analystes) du Roosevelt et du Reagan. Mettre en relief les peurs des Américains pour, ensuite, distiller un message d'espoir : ce fut la gymnastique de Roosevelt. Reprendre à son compte des slogans émanant de la classe moyenne du genre : « Nous ne sommes pas des dégonflés », c'est, en effet, l'un des secrets de la métamorphose d'un saltimbanque de seconde zone (Reagan), en homme d'Etat ayant réussi à ramener la croissance aux Etats-Unis. Si Bush était encore à la Maison Blanche, le monde aurait un sentiment d'aigreur et de dépit à l'endroit de l'Amérique. Or, voilà que cet homme noir qui scandait « Yes we can » - et dont on comprend maintenant que cet appel ne s'adressait qu'aux siens – réussit à nous faire apitoyer sur le sort de cette Amérique, pourtant la seule et unique responsable de cette crise mondiale. Car, non seulement une sorte de transfert affectif s'opère au bénéfice de cette Amérique « meurtrie », mais le mécanisme de conditionnement et de mobilisation, typiquement américain, font que presque toutes les nations du monde se font un devoir et un honneur de compatir au sort de l'Amérique. Peut-être est-ce dû au fait que l'Amérique d'Obama est vulnérable et, donc, devenue humaine par opposition à l'ogre de Bush qui a tout détruit dans la civilisation humaine jusqu'à ses propres « Tours jumelles ». Sans doute ne peut-on guère reprocher à Obama de tenir des propos presque exclusivement « nationalistes » pour sa première sortie devant le Congrès. Mais, au moins, cet homme est cohérent. Pour l'heure, toute son énergie sera concentrée sur son pays. Et lorsqu'on sait que le président de la FED vient de déclarer qu'il n'y aura pas de sortie de crise aux Etats-Unis avant 2010, cela prouve que la situation est très grave et qu'Obama ne s'occupera pas sérieusement des affaires du monde avant deux ans. Soit, déjà, la moitié de son mandat. « Nous allons nous reconstruire. Nous allons guérir et les Etats-Unis d'Amérique sortiront plus forts qu'avant », déclarait-il, avant-hier. Il n'y a, donc, de thérapie américaine que pour l'Amérique elle-même, une Amérique qui a tout l'air de vouloir s'isoler, se détacher du monde, et de ne plus avoir à réparer le mal qu'elle a fait. L'ennui c'est que l'attitude des autres démocraties occidentales ne change pas. Face à l'Amérique omnipotente de Bush, elles abdiquent. Face à l'Amérique qui leur tourne le dos en pleine crise, elles acquiescent. Nous les voyons, d'ailleurs, s'agiter comme dans une plaque tectonique, les gouvernants européens. Car, personne n'ose demander des comptes à cette Amérique qui a, d'abord, fait le lit d'Al Qaïda, provoqué le conflit des civilisations et la guerre des religions, encouragé Israël dans le génocide pour, enfin, provoquer une récession mondiale encore plus sévère que celle de 29. Et qu'il soit « churchilien », « reaganien » ou même « rosseveltien », le discours d'Obama alternant lyrisme incantatoire et formule rédemptrice, met un bémol aux attentes en dehors de l'Amérique. Chacun pour soi et l'Amérique n'est même plus pour tous, en somme.