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- Je déplore l'effritement de l'université et son éclatement en plusieurs structures et établissements -
Les universitaires parlent du cinquantenaire de l'Université tunisienne - Tahar Ayari, l'un de ses pionniers :
Publié dans Le Temps le 05 - 03 - 2009

- Les études et les diplômes universitaires sont comme dévalués et les universitaires eux-mêmes n'ont plus le même profil -
C'est le 7 novembre 1958 qu'est publiée la loi organisant l'enseignement supérieur en Tunisie. Cette année-là, il n'y avait dans le pays que six établissements universitaires pour seulement 4 secteurs de formation,
à savoir les sciences fondamentales, la formation des maîtres, les lettres et les sciences humaines, les sciences juridiques, économiques et de gestion. Le nombre des étudiants ne dépassait pas 2459 dont 379 filles (soit une proportion de 15%). Ils étaient encadrés par 54 enseignants ! Pendant les années 60, l'enseignement supérieur ne se donnait qu'à Tunis, la capitale ; mais à partir de 1970, les villes de l'intérieur seront progressivement dotées d'un nombre toujours croissant d'établissements universitaires. En 2008, l'enseignement supérieur est dispensé dans 190 établissements à 350.828 étudiants dont une majorité de 58,8% est composée de filles, soit 206.354 étudiantes. Le nombre des enseignants est passé à 18.608 professeurs qui exercent dans 7 secteurs de formation différents : les sciences fondamentales, les sciences médicales, les sciences agronomiques, le sport et l'éducation physique, les sciences juridiques, économiques et de gestion, les sciences techniques, les lettres, arts, sciences humaines et islamiques. La liste des universités (ou rectorats si l'on veut) est relativement longue aujourd'hui : à Tunis, nous avons La Zitouna, El Manar, l'Université libre (fondée en 1973), l'Université virtuelle (depuis 2003), l'Université du 7 novembre de Carthage, l'Université de technologie et l'Université centrale privée d'administration des affaires et de technologie. Dans les autres gouvernorats, on compte l'Université de La Manouba, celles de Sousse, Monastir, Sfax, Gabès, Gafsa, Jendouba et Kairouan. Concernant le logement des étudiants, la Tunisie dispose actuellement de 96 cités et foyers (entre étatiques et privés) mais le taux d'hébergement reste tout de même faible (18%). Quant aux restaurants universitaires, il y en a 73 qui servent quotidiennement 76.891 repas.
Tous ces chiffres n'ont peut-être rien d'impressionnant s'ils sont comparés à d'autres données relatives à l'enseignement supérieur dans les pays occidentaux. Mais pour une université aussi jeune que la nôtre, qui en 2008-2009 fête ses cinquante ans d'existence, les bonds quantitatifs et qualitatifs réalisés sont de nature à forcer le respect.
En cette année du cinquantième anniversaire de l'Université tunisienne, nous avons choisi de nous entretenir avec l'un de ses pionniers et un contemporain de quasiment toutes les phases de son évolution. Il s'agit de M.Tahar Ayari, qui cumula pendant de longues années les fonctions de professeur de psychologie et de secrétaire général essentiellement à la faculté des Lettres 9 avril, à la faculté de médecine de Tunis et à La Faculté des Lettres de La Manouba. Son parcours initial ne l'orientait pourtant pas vers une telle carrière : ayant très tôt perdu père et mère, il choisit l'école normale des instituteurs pour devenir au terme de ses études maître d'application dans l'une des écoles primaires du pays. Mais c'était sans compter la forte ambition que l'homme nourrissait en cachette et qu'il tenait à concrétiser en dépit de plusieurs écueils rencontrés en cours de route : avoir le baccalauréat et entrer à l'université, c'était là le rêve qu'il finit par réaliser au prix de multiples sacrifices et de quelques frayeurs. Notre invité nous intéresse aussi pour les multiples contacts qu'il a pu établir au cours de ses trente ans d'enseignement et de gestion administrative, trente années de la vie de l'université tunisienne en fait dont Tahar Ayari peut aujourd'hui témoigner en pionnier humble et lucide.
Tahar Ayari est né en février 1936 d'un père kairouanais et d'une mère monastirienne. Il vécut à Kairouan jusqu'à l'âge de 12 ans mais après le décès de son père et de sa mère, il alla vivre chez sa grand-mère à Monastir où il acheva son cours élémentaire. De 1955 à 1959, il étudia à l'Ecole normale des instituteurs de Tunis dont il obtint son diplôme de fin d'études secondaires normales au milieu d'une promotion de 19 élèves qu'il n'a pas tous oubliés comme il le confirmera dans l'entretien suivant. Interview.

Le Temps : Vous n'étiez pas destiné, initialement, à suivre des études universitaires. Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivé à l'université ?
Tahar Ayari : En effet, j'étais inscrit à l'école normale des instituteurs entre 1955 et 1959. Avec mon diplôme de fin des études secondaires normales, j'étais promis à une carrière d'instituteur. Pour un tel poste le baccalauréat n'était pas exigé. Mais dans notre promotion, nous étions cinq à préparer en parallèle et sans que personne ne le sache, l'examen du bac. Il y avait avec moi, Abdelbaki Hermassi, Mustapha Tlili, Mokhtar Zouaoui et Noureddine Mkacher ; nous fûmes tous reçus et avons failli être traduits devant le conseil de discipline de l'école normale des instituteurs, dirigée alors par M.Mahjoub Ben Miled. Mais nous échappâmes de justesse à la sanction. Entretemps, je fus nommé maître d'application à l'école de Tourbet El Bey mais, pour je ne sais quelle raison, on changea d'avis et l'on me fit parvenir une nouvelle nomination à Lala dans le gouvernorat de Gafsa. Mon école se trouvait dans un hameau difficile d'accès parce que perché presque au sommet d'une montagne. C'était ma première grande désillusion et la frustration fut immense quand au bout d'une année d'exercice sur les lieux je n'ai pas été titularisé. Néanmoins et grâce à l'intervention de quelques connaissances et à ma ferme volonté de poursuivre mes études à l'université, j'ai pu réintégrer la capitale où l'on m'affecta à l'école normale de la rue de la Gare. J'en profitai pour m'inscrire à la faculté des lettres 9 Avril et préparer une licence de psychologie (à l'époque il n'y avait pas encore la maîtrise). J'étais donc maître d'application et en même temps étudiant à l'université. Marié et déjà père de mon fils aîné, je m'organisais de manière à concilier entre les exigences de mon métier et l'assiduité aux cours de la faculté. Ma nomination plus tard, au poste de surveillant général à l'école normale des professeurs adjoints, ne m'empêcha pas non plus d'étudier jusqu'à l'obtention en 1966 de ma licence.

Qui était le doyen de la faculté des lettres à cette époque et y avait-il un recteur de l'université ?
Le doyen de la faculté c'était Mohamed Talbi et il avait pour secrétaire général M.Hassine Alaya. Mais il n'y avait pas de recteur ; pour des raisons sur lesquelles il serait inutile de revenir, l'université n'avait alors qu'un pro-recteur, en l'occurrence feu Ahmed Abdessalem.
Parlez-nous un peu du montant de la bourse, des foyers universitaires, de l'atmosphère qui régnait à la faculté.
Vous savez, moi je ne touchais pas de bourse puisque j'avais mon salaire de fonctionnaire. Mais si mes souvenirs sont bons, les boursiers touchaient entre 20 et 25 dinars, montant largement suffisant pour les dépenses de l'étudiant. Les cités universitaires n'étaient pas très nombreuses : il y en avait une à la rue de Madrid, le foyer de Ras Tabia existait déjà et aussi celui des étudiantes de la cité Ezzouhour. A la faculté du 9 Avril, un des étages tenait lieu de foyer pour les normaliens. En classe notre nombre ne dépassait pas la trentaine et nous nous donnions tout entièrement aux études, nous nous voyions déjà comme les futurs grands cadres du pays. Faire la grève ne nous tentait guère mais les étudiants fortement politisés ne manquaient pas pour autant : Taoufik Baccar en faisait partie.

Quels sont les professeurs qui vous ont le plus marqué ?
Il y en a beaucoup : je retiendrai plus particulièrement les noms de Abdelwahab Bouhdiba, Sebbag, Camileri,Widever,Michel Foucault, Drevet,Chedli Fitouri et aussi feu Sleim Ammar. Certains conférenciers français dont notamment René Dumont et un certain Fraisse m'ont marqué également.
Comment s'est effectué votre recrutement en tant qu'enseignant à l'université ?
Pour être assistant à la faculté, il fallait avoir son CAR (certificat d'aptitude à la recherche) et le DRA (diplôme des recherches approfondies). Personnellement, j'ai soutenu un premier mémoire sur la psychologie du raisonnement chez Alfred Binet et un deuxième pour l'obtention du DRA sur l'éducation préscolaire. Je me rappelle encore les membres de mon jury à la tête duquel il y avait M. Bouhdiba secondé par le professeur Drevet et M. Fitouri. Je fus nommé assistant à 35 ans et mon premier salaire avoisinait les 500 dinars. L'instituteur touchait lors 30 dinars.

Et que fallait-il pour être promu au grade de maître-assistant ?
Le maître-assistant se recrutait sur dossier et sur la base de son ancienneté dans l'enseignement. Il devait également passer devant une commission paritaire pour faire valoir ses travaux et publications.
La majorité des enseignants était-elle tunisienne ou étrangère ?
Les Tunisiens étaient peu nombreux au sein du personnel enseignant. Il faut dire qu'on n'encourageait pas beaucoup les assistants à effectuer à l'étranger des études et des recherches plus poussées. Avec nos collègues français, les rapports n'étaient nullement conflictuels, mais quelquefois de petits différends surgissaient comme lorsqu'un chef de département voulut imposer à l'administration de la faculté des lettres, dont j'étais déjà devenu le secrétaire général, de s'aligner sur le calendrier des examens de La Sorbonne. Je me rappelle m'y être énergiquement opposé.

Et entre enseignants tunisiens, comment était l'ambiance ?
Je peux surtout parler des littéraires : ils étaient partagés en deux clans. La Gauche était menée surtout par des professeurs comme Taoufik Baccar, Taieb Baccouche, Salah Guermadi, Khélil Zammiti. Dans le clan des partisans du pouvoir, il y avait surtout Amor Chedli, Mongi Bousnina et Abdelwahab Abdallah. Entre ceux-ci et ceux-là, l'atmosphère était plutôt tendue et il régnait entre les deux clans un climat de méfiance et d'hostilité quasi permanent.

Sous quels ministres avez-vous exercé votre métier d'enseignant et les autres fonctions administratives que vous avez assumées ?
Il y en a eu plusieurs : Mahmoud Messaadi, Mohamed Mzali, Abdelaziz Chaabane, Driss Guiga, Abdessalem Mseddi et Mohamed Charfi.
En tant que gestionnaire, il semble que vous ayez eu un profil particulier, notamment lorsque vous assumiez la fonction de secrétaire général. Dites-nous ce qu'il en était.
C'est vrai : on me trouvait trop sévère, j'étais un dur pour certains. En fait, j'appliquais rigoureusement les règlements de l'institution et ceux des différents établissements où j'ai travaillé. J'y ai peut-être mis trop de zèle et je m'étais montré intransigeant avec le personnel administratif et ouvrier. Mais je détestais et déteste encore la nonchalance et la négligence. Je suis un maniaque du travail bien fait. Cela m'a coûté, au début des années 80, de faire l'objet d'une pétition syndicale publiée sur les colonnes du journal Echchaab et qui exigeait mon départ de la faculté de médecine. A un certain moment je me sentais menacé dans ma sécurité et même dans ma vie. Il a fallu envoyer auprès de Habib Achour, une délégation présidée par le professeur Mohamed Ismail (cardiologue et enseignant à la faculté de médecine) afin de faire calmer puis cesser la campagne qui me visait. Aujourd'hui encore, j'en garde un souvenir amer et il faut dire que c'était un moment très douloureux de ma carrière !

Vous étiez aussi rigide avec les étudiants ?
Je ne pense pas leur avoir fait beaucoup de mal ; au contraire j'en ai sauvé quelques uns des errements politiques et idéologiques auxquels ils cédaient passivement et dangereusement. J'estime avoir été compréhensif à leur égard et attentif à leurs doléances.

En quelle année avez-vous pris votre retraite ?
En fait, j'ai continué à enseigner jusqu'en 2003, mais en tant que vacataire, à la faculté 9 Avril et à La Manouba. Mais j'avais déjà obtenu ma retraite anticipée en 1987.

Quel regard portez-vous maintenant sur l'université telle qu'elle fonctionne aujourd'hui ?
L'Université tunisienne a subi une métamorphose totale et positive sur plusieurs points. Néanmoins, je déplore son effritement, son éclatement en plusieurs structures et établissements. D'autre part, les études et les diplômes universitaires sont comme dévalués et les universitaires eux-mêmes n'ont plus le même profil ni ne jouissent de la même considération qu'autrefois. Et c'est vraiment dommage !
Entretien conduit par Badreddine BEN HENDA


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