Le début de l'Internet en Tunisie s'est fait, il y a une dizaine d'années, dans le cadre du projet de mise en place d'un réseau Internet entre les Ecoles d'Administration (ENA) africaines. Depuis, plusieurs programmes ont été lancés pour numériser les communications en Tunisie et instaurer l'infrastructure de l'e-gouvernance. Diverses nouveautés ont été introduites dans l'administration et les services comme la numérisation du registre de l'état civil, l'inscription universitaire à distance, le paiement électronique des impôts, la floraison des DAB, la communication à distance avec quelques administrations, etc. Mais ces nouveautés ont été accompagnées par des hauts et des bas et il est temps de faire le bilan de l'e-gouvernance en Tunisie. Tout d'abord, il y a lieu, de constater qu'au bout de 10 ans, on n'est plus, en principe, en phase expérimentale pour ce genre de programmes d'exécution. L'e-administration est un ensemble d'applications auxquelles il faut assurer une infrastructure adéquate et des ressources humaines formées pour la mettre en marche. Elle fait gagner du temps et de l'argent dans la gestion des services. Ensuite, et vu que le constat est à la faiblesse de la performance, comme le prouve la 106ème place de la Tunisie, dans l'étude financée par la Banque Mondiale pour le développement du projet « e-gov » qui a été publiée en mai 2008, on ne peut que se rabattre sur le bilan de cette décennie d'exercices pour en extraire les défaillances afin d'y pallier à l'avenir. Ce plan de redressement ne peut se concevoir en dehors du développement des Techniques de l'Information et de la Communication. Enfin, il y a lieu de constater que, selon les usagers, les services en ligne, ne sont pas généralement, performants et que l'accès des citoyens y est limité. Et ce, malgré la multiplication des initiatives qui sont restées, en général, au niveau des expériences. Les personnes physiques et morales sont sidérées face aux négligences en matière d'administration électronique.
Des manquements à gogo Côté Internet, les chiffres de mars 2008 de l'Agence Tunisienne d'Internet « ATI » montrent que 271.208 Tunisiens ont des e-mails. Le nombre d'abonnés au haut débit se limite à 105.855 et le nombre de sites web est de 6.029. Côté administration, les deux exemples les plus significatifs de l'application de l'administration électronique, sont le registre de l'état civil et l'inscription universitaire à distance. Pour le premier, l'expérience a montré que les problèmes de faiblesse du réseau, affectent souvent le retrait des pièces de l'état civil, notamment, à l'intérieur de la République. Quant à l'inscription universitaire, moins de 300.000 étudiants (sur les 370.000) se sont inscrits à distance, pour l'année universitaire 2008-2009. D'ailleurs, il a fallu mobiliser les maisons de jeunes et de culture pour obtenir ces résultats qui signifient que près de 20 % des étudiants n'ont pas fait d'inscription à distance. Côté services publics, ce petit récit d'un fait curieux résume en quelques sortes les tares et lacunes dans l'exécution de l'e_administration : un pâtissier avait, au cours de l'année dernière, des retards dans le paiement de ses redevances auprès de la CNSS. Il s'est présenté en juin 2008 aux services concernés et a tout régularisé. En août 2008, un huissier notaire est venu lui signifier qu'il encourait la vente de ses équipements s'il ne se présentait pas à la régularisation. « Il s'agit d'une ancienne requête, transmise depuis un an à l'huissier notaire », lui a-t-on expliqué. « Tu dois toutefois payer les honoraires de l'huissier notaire », lui a-t-on ajouté ! Le même pâtissier a reçu de la CNSS, en décembre 2008, une notification le sommant de payer des arriérés, sous réserve des sanctions prévues par la loi alors qu'il avait déjà payé ses redevances depuis la mi-octobre : « nous nous excusons », s'est-on limité à lui dire. Côté bases de données disponibles, rares sont les sites web des ministères qui sont actualisés et régulièrement, mis à jour. La majorité des services de presse de l'administration, utilise le support papier et ne font recours au support numérique que sur demande. Même le portail Edunet du ministère de l'Education et de la Formation, il n'est pas actualisé. D'ailleurs, il suffit de vérifier la partie des anciens examens de la 9ème et du baccalauréat pour constater les défaillances. Les gestionnaires du site annoncent que les épreuves de la 9ème et leurs corrections sont disponibles et ce, à partir de l'année 2001. Ils prétendent, également, que la même chose est disponible pour les épreuves du baccalauréat à partir de 1994. Or, en s'amusant à appliquer, on remarque que, pour l'examen de la 9ème, les corrections de 2001, 2002, 2007 et 2008 sont absentes. Les épreuves de 2004 et 2008 sont absentes. La dernière mise à jour du site de l'examen de la 9ème remonte au 15 mai 2008. Pour ce qui est des épreuves du baccalauréat, un grand nombre d'épreuves n'est pas disponible. Pourtant, il ne s'agit point de manœuvres difficiles et de telles données peuvent aider les candidats. C'est tout juste l'initiation de l'administration à la culture numérique qui nécessite une mise à niveau. Donc, les Tunisiens disposent de huit millions de lignes de téléphones portables mais, ils utilisent moins de 300.000 e-mails. Les sites web sont pratiquement rares car les 6.000 ne représentent même pas le quart du nombre d'entreprises en Tunisie (30.000). Ils couvrent à peine le nombre d'entreprises exportatrices. Sans compter les associations et les clubs de sports et de loisirs. La culture du numérique a encore du chemin à parcourir en Tunisie.
L'évaluation Les services publics tunisiens en ligne sont encore loin d'être performants. Une étude financée par la Banque Mondiale, pour le développement du projet « e-gov » (gouvernement électronique), a classé la Tunisie à la 106e place mondiale, une place jugée "médiocre" par divers responsables tunisiens. Mme Khadija Zammouri, Directeur Général au Premier ministère, chargée du dossier de l'administration électronique, a reconnu dans ses interventions lors des colloques sur l'e-gov que « quelque chose ne va pas », même si « beaucoup de choses ont été faites en Tunisie ». Concernant l'étude de la Banque Mondiale, Mme Zammouri pense que : « le diagnostic de l'étude n'était pas réel sur certains aspects ». De son côté, M. Zouhaier Moudhaffer, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et du développement administratif, a fait un bilan sévère de l'administration électronique : « nos services en lignes ne sont pas performants et l'accès du citoyen y est limité. Les services ne sont même pas utilisés par les usagers de l'administration », a-t-il souligné en reprochant aux ministères le manque de formation : « il n'y a pas de formation au sein des différents ministères alors qu'un budget de cinq millions de dinars, alloué par l'Etat, n'est pas exploité », a-t-il regretté. Selon M. Moudhaffer, l'Administration tunisienne n'a pas encore réussi à développer la bonne stratégie pour promouvoir les services en ligne à tous les niveaux. "Une Administration sans papier est la seule voie pour éradiquer tous les maux du service public et éviter les va et vient du citoyen", a-t-il ajouté, précisant que cela contribuera à réduire le coût des prestations administratives représentant actuellement 13 % du PNB. «Nous avons le cadre juridique qu'il faut, mais l'infrastructure et la pratique de l'Administration ne suivent pas», pense-t-il.
Besoin de redressement La Tunisie vit donc un écart entre la législation et l'utilisation réelle des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le secteur public. L'administration est encore loin des normes de l'e-Government ou gouvernement électronique qui est un moyen intégré et continu pour fournir des services publics en utilisant de façon optimale les technologies de l'information et de la communication (TIC). Le e-Government ne se limite donc pas à la simple mise en ligne d'informations sur les sites Web des administrations publiques. Il implique une profonde refonte de la structure et du fonctionnement des administrations (ce que l'on regroupe sous le vocable "back office"). Les procédures administratives telles que la collecte, le traitement et l'échange électronique des données au sein ou entre administrations doivent être adaptées à la fourniture de services publics électroniques qui répondent aux besoins des citoyens et des entreprises. A ce niveau, la Tunisie, qui se classe à un assez modeste 124ème rang (classement de l'ONU) et 106ème (classement de la Banque mondiale), derrière bon nombre de pays arabes et africains, a encore du pain sur la planche pour s'élever au rang des nations développées en la matière. On ne vise pas à rejoindre les pays scandinaves qui trustent le podium avec, dans l'ordre, la Suède, le Danemark et la Norvège juste devant les Etats-Unis. Mais, on déplore que l'on soit 13ème au niveau des pays arabes. Ce sont les Emirats Arabes Unis qui mènent la danse, devant le Bahraïn, la Jordanie et Qatar. Beaucoup de travail reste à faire.