La table ronde organisée hier à Tunis à l'occasion de la célébration de la IIème Journée mondiale de l'huissier de justice visait justement et en priorité à façonner une image plus reluisante du métier, à souligner la dimension humanitaire d'une profession jugée à tort comme imperméable aux sentiments, à la compassion et aux attitudes compréhensives et conciliantes. La rencontre s'est organisée autour du thème " Justice et enjeux sociaux " et la Chambre des huissiers notaires de Tunis qui en a pris l'initiative compte beaucoup sur la contribution des médias tunisiens pour un regard plus objectif et moins accablant sur ce métier tant décrié.
Dilemme cornélien Au cours de la table ronde, l'accent fut mis à plusieurs reprises en effet sur le rôle incontestable de l'huissier dans la résolution pacifique des conflits et litiges familiaux, sociaux ou économiques et dans la préservation de l'ordre social ; et le préjugé qui présente cet officier de justice comme un fauteur de trouble et un sans-cœur fut battu en brèche par tous les représentants du corps présents à la réunion. Mais en même temps, chacun d'eux tenait à ce que les citoyens fassent preuve de compréhension à leur égard ; leur profession les met souvent dans des situations très embarrassantes, dans des sortes de dilemmes cornéliens où il faut choisir entre le devoir d'exécuter les décisions de la justice, de faire prévaloir la souveraineté de la loi et par voie de conséquence l'état de droit, et de l'autre côté la nécessité de tenir compte des difficultés financières ou autres des personnes contre lesquelles les peines sont prononcées. " Nous nous trouvons souvent, s'exclama l'un des membres de la Chambre de Tunis, entre le marteau et l'enclume, entre l'obligation d'appliquer les jugements et le devoir humain d'en assouplir et l'exécution et les effets. Ne croyez pas que nous accomplissons notre tâche avec froideur et impassibilité. Peut-être que l'exercice de notre fonction nous oblige parfois à observer une certaine raideur, mais jamais nous ne le faisons de bon cœur ni avec l'intention de nuire à un justiciable quelconque. D'autre part et si l'on se place du point de vue de la personne qui bénéficie de nos services, on comprend mieux que nous ne faisons pas que des malheureux ! "
Abus ou charges légales ? Mais la rencontre permit aux intervenants d'aborder quelques " travers " et " abus " relevés dans l'exercice de cette profession. On a ainsi remis en question certains excès constatés dans les tarifs pratiqués par les huissiers et dans leurs honoraires. Le court-circuitage auquel recourraient certains fonctionnaires ministériels et qui risque de nuire aux intérêts des avocats fut également dénoncé ainsi que les prérogatives indues et rémunérées que se seraient attribuées certains hommes du métier. Répondant aux reproches qu'on adresse au corps des huissiers, les membres de la Chambre de Tunis et quelques autres notaires présents se sont relayés pour souligner leurs nombreuses charges et le prix de plus en plus élevé qu'elles leur coûtent. Concernant leurs honoraires, les huissiers ont surtout démontré que dans la majorité des cas, les sommes perçues sont réglementées par des textes officiels émanant du ministère des finances et de celui de la justice. Idem pour les services rendus dans le cadre des consultations juridiques, et qui entrent dans les tâches autorisées et légales de l'huissier notaire. Pour les professionnels présents, ce dernier n'est pas un fonctionnaire vorace et sans scrupules qui accumule des fortunes sur le dos des justiciables et porte préjudice aux autres corps de la justice. Il s'évertue au contraire, selon eux, à travailler en symbiose avec tous les partenaires sollicités ou qui bénéficient de ses services. Mais le plus urgent pour tous c'est d'œuvrer à la diffusion d'une nouvelle image de la fonction, une représentation qui humanise davantage l'huissier et qui lève l'injustice et l'a priori immérité dont ce dernier pâtit. Badreddine BEN HENDA ------------------------------------ Quand deux maîtrisards mariés se retrouvent dans la rue La représentante de l'Union Nationale de la Femme Tunisienne (UNFT), Maitre Souad Khalfallah a rapporté hier le drame de deux maîtrisards mariés et avec deux enfants à leur charge qui ont été expulsés de leur maison et qui se sont trouvés pour une certaine période dans la rue. Le mari ayant été licencié de son entreprise, il n'avait plus de quoi honorer le loyer et les autres dépenses de son ménage. C'est un huissier de justice qui a appliqué contre ce couple la décision d'expulsion. L'avocate semblait se demander si l'officier ministériel en question avait pensé au drame humain qu'allait provoquer l'exécution de la peine. En tout cas, la famille a été hébergée pour un temps dans un centre de Tunis relevant de l'UNFT, mais cette organisation peut-elle à elle seule secourir les victimes de telles décisions judiciaires. La solidarité de tous est souhaitable, finit par dire la représentante de l'UNFT. ------------------------------------ Des chiffres à retenir *Actuellement, 800 huissiers notaires exercent sur le territoire national dont 247 dans le seul Grand Tunis. A l'Ariana, on en compte 9, et 20 dans le district de Tunis. Pour ce qui est des avocats exerçant dans le Grand Tunis, leur nombre actuel est de 4470 dont près de 2900 ont leurs études à l'intérieur du district de Tunis. *Le corps des huissiers notaires s'est relativement féminisé depuis 1997. La proportion des femmes qui exercent actuellement ce métier se situe entre 10 et 15% de l'ensemble des huissiers tunisiens. * La part qui revient au notaire dans une vente aux enchères de biens hypothéqués est fixée à 0,75 % pour les valeurs dépassant 1000 dinars, cas extrêmement rares selon les huissiers qui précisent que la majorité des ventes ne rapportent pas plus de 300 ou 400 dinars. *35 % des affaires dans lesquelles les huissiers interviennent concernent les jugements d'expulsion.