Un archipel d'une singulière beauté. Un environnement idyllique, un incomparable coucher de soleil et pourtant, Kerkennah semble s'inscrire en marge de toute velléité de développement. Seuls les palmiers qui s'érigent sur le sol aride de cette région défient le temps. Un temps qui a marqué sa pause. A ce titre, Kerkennah est sans conteste le lieu indiqué pour organiser une session de formation sur l'Approche Basée sur les Droits Humains (HBRA) et la Gestion Axée sur les Résultats (GAR) tant cette région concentre les problématiques de développement en instance voire en urgence, justifiant, si besoin est, la pertinence de cette approche, la première prônée par le système des Nations Unies et l'autre par la déclaration de Paris, relative à l'efficacité de l'aide au développement dont la Tunisie est signataire. Du 1er au 4 juillet, à l'initiative du système des Nations Unies en Tunisie en partenariat avec le Fonds Mondial pour l'Environnement et le Lions Club SfaxThyna, quelques vingt-huit représentants d'associations locales de plusieurs régions de la Tunisie ont pris part, avec une fervente attention, aux travaux de cette formation qui a pour objectif d'outiller ces acteurs de base aux analyses conceptuelles et outils méthodologiques de cette approche. Un noyau dur de formateurs a dispensé, entre apport de connaissances théoriques, retour sur le cadre conceptuel et travaux pratiques, les fondamentaux de cette approche. Une pédagogie maîtrisée et subtile pour un contenu, estimé très concentré, a permis de mettre en exergue les liens entre Droit Humain et développement afin de parer à toute mise à l'écart, durant l'élaboration des politiques de développement, des populations les plus spécifiques et les plus vulnérables.
Quelle valeur ajoutée ? Les associations représentées ont fait preuve d'un intérêt particulier pour cette formation qui leur a permis de saisir le cadre normatif qui devrait sous tendre tout projet ou extensiblement politique de développement fondée sur les droits humains. L'invitation récurrente des formateurs à adopter une optique, par la symbolique de lunette droit humain, dans la démarche explicitée, a connu l'adhésion de tout un chacun. Cette approche, contrairement à celles qui l'ont précédée est garante d'une meilleure promotion des droits humains dans le processus de développement. Celle-ci s'ancre dans la charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et les dispositions à caractère obligatoire des traités relatifs aux droits de l'homme. Il ressort des enseignements de cette formation des notions telles que celles de droit et d'obligation qui viennent se substituer à celles d'assistance et de charité. Cette approche contraint les planificateurs ou concepteurs de projets de développement à regarder au-delà des évidences et permet une identification plus pointue des exclus et des plus démunis, particulièrement les victimes de discrimination pour mieux déterminer et conceptualiser les modes plus que les moyens d'intervention et venir en aide. Tout en explicitant les liens entre Droit Humain et Développement, les participants ont pris connaissance des outils propres à cette approche. En optant pour l'angle droit humain, il y implication et intégration de ceux-ci dans la logique de développement. Mieux encore, la démarche repose impérativement sur l'approche participative et autorise à ce titre plus d'ouvertures et d'angles dans l'analyse et le traitement d'un problème de développement. Sa méthode repose sur l'analyse dite causale. En effet, trois paliers de causes sont inhérents à une bonne analyse à savoirs : les causes directes, généralement en rapport avec la position directe des individus par rapport à leurs droits ; les causes sous jacentes qui reviennent sur les services disponibles, leur qualité, leur disponibilité...ou encore les causes structurelles qui touchent les structures, les valeurs, les mentalités, les substrats culturels, les politiques, les législations, les choix stratégiques... Dans cette méthode il est nécessaire de distinguer entre les trois causes. L'assimilation s'est fait à travers des exemples illustratifs autour de problématiques variées (rupture scolaire chez la jeune fille rurale, urbanisation anarchique et massive des villes, expansions anarchiques des oasis et toxicomanie et addiction des jeunes aux produits toxiques), les participants ont procédé " pas à pas " à l'arborescence des problèmes.
Le langage du changement La deuxième partie des travaux de cette session s'est articulée autour de l'adoption des principes de la Gestion Axée sur les Résultats " GAR ". Outre son aspect évolutif, la démarche explore des définitions de rôles tels que celles de Détenteurs de Droit (DD) qui font correspondre des Détenteurs d'Obligations. Cette définition des rôles a facilité l'opération d'analyse des capacités des DD et des DO. Les premiers étant en position de réclamer et revendiquer leurs droits et les seconds à réaliser leurs obligations. De cette analyse, ressort une appréciation fine des écarts de capacités chez les DD et les DO, nécessaires à combler pour une meilleure réalisation des droits. La GAR a été présentée comme étant une approche alternative à toutes les autres approches de planification et de gestion largement répandues, telle que l'approche basée sur les objectifs(PPO). D'où certaines résistances émanant de certains participants longtemps initiés à la PPO. Cette approche est axée sur les Résultats et adopte un langage de changement contrairement aux autres approches qui focalisent sur l'Action. Le concept de Changement concerne les capacités, les institutions, les comportements, les attitudes et les modes de vie. Des indicateurs de performances sont nécessaires pour les apprécier. S'inscrivant dans une logique de réalisation des droits humains, il y a investissement d' "indicateurs de Droits " à même de mesurer les niveaux de participation, d'engagement des partenaires, de responsabilité de chaque intervenant. Ceux-ci induisent des renseignements féconds sur le degré de " Transparence " et la notion de " Redevabilité " incontournables dans une orientation fondée sur les résultats. Ce sont là les éléments indiciels de valeurs ajoutées de cette approche. Le Dr Mohammed Belhocine, Résident Coordinateur/RR du Système des Nations Unies en Tunisie a procédé à la séance de clôture de cette formation. Face aux engagements exprimés par les participants dans la mise en application de cette approche au niveau de leurs projets associatifs voire personnels, celui-ci a affirmé que cette huitième session représentait la continuité d'une stratégie plus large qui gagnerait à faire tache d'huile tant la question de la promotion des droits humains est un défi à relever par tous et que cette vision du développement gagnerait à être adoptée par ceux qui décident en matière de lois et politiques publiques qu'au niveau des communautés de base.