C'est bien un étrange spectacle que celui de toutes ces personnes qui se rendent à la banque chaque matin. T'as celui qui y va tous les jours pour verser l'argent des autres, chèques et espèces, boulot-boulot, sérieux, sans passion et sans enthousiasme. Et puis t'as celui qui n'y va qu'une fois par mois pour y retirer tout son maigre salaire, d'un coup. Il palpe régulièrement sa poche, comme pour s'assurer, se rassurer. Apparaît ensuite la secrétaire de direction, le sac à main coincé contre son corps, marchant avec assurance. Elle vient là pour gérer l'argent de son patron, qui saura se montrer généreux avec elle. Elle a le regard effronté de celles qui foncent, qui osent, qui iront loin, en utilisant tous les moyens. Puis il y a la toute vieille, " qui n'en finit pas de vibrer " comme disait Brel. La mort ne l'épargnera pas malgré son carnet d'épargne. Elle jette des regards perdus, inquiets. Parano la vieille. La sécurité n'est pas sociale pour elle. Arrive alors celui qui vient demander un crédit, des papiers soigneusement tamponnés et rangés dans un dossier sous le bras. Il attendra patiemment des heures durant, assis là, penaud, confus, le bon vouloir du chef d'agence. Et pêle-mêle vient celui qui veut ouvrir un compte et celui qui veut changer de banque, celui à qui on a joué un mauvais tour en ne lui versant pas son argent, une victime de chèque en bois et celui qui vient vérifier son maigre avoir et retirer ses intérêts. Sort enfin le gros, le gras, avec ses dents jaunes et sa bedaine qui boufferait le monde entier sans vergogne, sans demander pardon. C'est un rapace qui saisit les billets avec des griffes, avec des serres que jamais il ne desserre. Des billets arrachés à des êtres fragiles, des esclaves à son service, à ses sévices. Le spectacle de ces gens qui sortent est vraiment impayable !