Lui, c'est un quadragénaire, un célibataire endurci qui n'a eu pratiquement, sauf en de rares occasions, aucune expérience, ni encore aucune relation avec l'autre sexe, celui dit faible. Elle, c'est une veuve, qui aurait pu perdre tout goût à la vie le jour où son défunt époux l'avait lâchée pour partir loin, très loin, emporté par une longue maladie. Elle a eu pourtant le courage et les ressources nécessaires pour batailler afin de subvenir aux besoins de sa petite famille, composée essentiellement de sa vieille mère et de ses deux enfants, dont l'aîné était à peine âgé de sept ans. Lui, le jour des faits, était soûl ; il venait tout juste de se séparer de son vieux compagnon Bacchus, à la suite d'une veillée avec deux de ses pairs, ayant également des penchants vinicoles. Il tenait, par ailleurs, difficilement debout, mais continuait, malgré son état, son chemin. Il semblait, en tout cas assez épuisé. Elle, elle était également aussi épuisée, mais pour avoir bossé, la pauvre, toute la journée, d'abord chez une famille aisée, ensuite dans un établissement privé où elle s'occupe de l'entretien des bureaux. Qu'advient-il lorsque les chemins de ces deux personnages se croisent ? A priori, une aventure passagère au cas où la bonne dame marche dans la combine, ou alors une agression en bonne et due forme. Alors faites vos jeux pour deviner laquelle des deux thèses était-elle la plus plausible. En tout état de cause, ne vous fatiguez pas trop, et ne vous creusez pas inutilement les méninges, puisque la réponse était fort heureusement bien libellée dans la déposition de la jeune femme. Cette dernière était, d'après cette déposition, en route vers son logis, du côté de Kalaat Andalous, après une longue journée de labeur, lorsqu'elle a fait la rencontre du sinistre individu, lequel ne semblait lui accorder aucun intérêt de prime abord, étant lui-même en difficulté apparemment avec sa démarche qu'il tenait à soigner. C'est ce qui aurait encouragé manifestement la femme à continuer sa route sans trop d'appréhension, tout en ne manquant pas de lorgner le bonhomme du coin de l'œil. Elle ne pouvait d'ailleurs pas faire autrement, s'agissant en fait du seul chemin lui permettant de rejoindre sa demeure. Un chemin en outre étroit et non moins sinueux, de telle sorte que les deux passants devaient se rencontrer inéluctablement, presque à se toucher ! C'est au moment où ils n'étaient plus qu'à deux ou trois mètres l'un de l'autre que le bonhomme semblait enfin se rendre compte de la présence de la jeune femme. Mieux encore, à sa vue il semblait également subitement revigoré, retrouvant toute sa verve et, surtout, sa lucidité ! Ce fut dès lors un nouveau personnage, ou plutôt un animal affamé, à sa façon notamment de reluquer la bonne dame qui s'est soudainement arrêtée, paralysée par la peur qui l'envahissait. Certes, le gus s'est montré "presque" affable en l'invitant "gentiment" à l'accompagner quelque part, dans un bosquet, mais la rudesse de sa voix ne pouvait aucunement apaiser les craintes de la femme, encore moins la rassurer. Elle a pourtant tenté de se dérober, prétextant une indisponibilité périodique, mais rien n'y fit, son assaillant était bien décidé à aller jusqu'au bout de ses intentions. Joignant d'ailleurs le geste à ses profondes idées, il s'est emparé de sa proie, l'obligeant à le suivre. Pour plus de persuasion, il n'a pas manqué d'exhiber un couteau qu'il lui a flanqué au flanc pour l'amener à un endroit où la végétation était plus touffue. Ce n'est que plus de deux heures plus tard que la femme allait retrouver sa liberté, c'est-à-dire après le départ de son agresseur, lequel enfin repu s'est retiré calmement, la laissant seule rassasier son chagrin et sa honte ! Il lui a fallu un certain temps pour retrouver ses esprits et aller déposer plainte, donnant au passage le signalement détaillé de l'individu, permettant ainsi son arrestation dans les heures qui suivirent. Coincé, il n'a pu qu'avouer son forfait au cours de l'instruction, mais il s'est rétracté à l'audience pour soutenir que la femme était consentante. Cette nouvelle version n'était pas de nature à convaincre la Cour, qui l'a condamné à quinze ans de prison ferme...