Le Temps-Agences - Le corbeau et le falsificateur présumés des listings Clearstream, imputant à des personnalités des comptes occultes dans des paradis fiscaux, se sont mutuellement accusés hier devant le tribunal correctionnel de Paris d'avoir ajouté le nom de Nicolas Sarkozy, sous deux pseudonymes, à ces fichiers. Jean-Louis Gergorin, vice-président d'EADS à l'époque, qui a reconnu avoir transmis ces listings à l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin et à la justice, dit avoir été "trompé" par le mathématicien Imad Lahoud, qu'il avait recruté dans l'entreprise aéronautique. "J'étais drogué, j'étais intoxiqué. J'y ai cru longtemps (à l'authenticité des fichiers, NDLR), j'y ai cru trop longtemps, mais j'y ai cru de bonne foi", a plaidé M. Gergorin, "bouleversé" à l'époque par le décès de son patron Jean-Luc Lagardère qu'il soupçonne alors d'avoir été assassiné. Il se reproche aujourd'hui ses "erreurs de jugement", aveuglé par Lahoud un homme "très doué, très intelligent, très séduisant". C'est Imad Lahoud qui lui a remis début 2004 les listings de comptes Clearstream sur lesquels apparaissaient les noms des rivaux légendaires de Lagardère, ainsi que ceux de Brice Hortefeux, Nicolas Sarkozy, sous les noms de Stéphane Bocsa et Paul de Nagy, ses deuxième et troisième prénoms et le complément de son patronyme, ou encore Patrick Bruel... Imad Lahoud, qui a nié tout au long de l'instruction, a réaffirmé hier que c'est son "patron" qui lui avait fait faire ces faux. "Je n'ai jamais transmis le nom de Sarkozy (...) J'ai recopié sur un modèle papier que m'a tendu Jean-Louis Gergorin les noms et des dizaines de colonnes derrière" qui "ont ensuite été intégrés aux listings Clearstream", a expliqué M. Lahoud. Le président du tribunal, Dominique Pauthe, a rappelé que l'expertise des ordinateurs d'Imad Lahoud avait montré qu'il était vraisemblablement le seul falsificateur. Il a notamment effacé plus de 600.000 fichiers en 2005 alors que l'enquête était déjà en cours. "Un accident informatique", assure Lahoud. Au coeur de cette affaire se trouve l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, soupçonné d'avoir fait transmettre à la justice les listings falsifiés comportant les noms de nombreuses personnalités, dont Nicolas Sarkozy, afin d'écarter l'actuel président de la course à l'Elysée. Il doit être interrogé mercredi prochain. Ces faux listings de comptes et fichiers de transactions imputaient à un certain nombre de personnalités une participation à des opérations de corruption et de blanchiment issues de commissions illégales ou du produit du trafic de drogue.