Un proverbe dit : « la force c'est d'aimer ce qu'on fait et non de faire ce qu'on aime » Mais quand un étudiant (ou une étudiante) a l'impression d'avoir été orienté dans une filière qui n'est pas de son goût, c'est déjà le blocage... L'orientation universitaire fait parfois des mécontents : si la majorité des bacheliers sont satisfaits de leur affectation, il n'en demeure pas moins vrai que bon nombre d'entre eux ne se sentent pas à l'aise dans les filières où ils ont été affectés. Parmi ces derniers, il y a ceux qui vont à l'université à leur corps défendant. D'autres s'inscrivent mais ne marquent leur présence que rarement, histoire d'assurer la bourse et le foyer universitaire et d'obtenir une carte d'étudiant leur permettant d'avoir un abonnement de transport public à prix réduits et de manger au restaurant universitaire. D'autres encore préfèrent passer une année blanche en attendant les concours de réorientation ou changer complètement de cap pour aller faire une formation professionnelle répondant mieux à leurs ambitions. Bien de bacheliers, une fois entrés à l'université, se rendent compte qu'ils ne sont pas à leur place et se disent « victimes » du système d'orientation universitaire qui les a privés des études qu'ils auraient souhaité poursuivre et du métier dont ils auraient tant rêvé, si bien qu'ils pensent dès les premiers jours de la rentrée à se réorienter. C'est qu'il devient impossible pour ces nouveaux étudiants de continuer dans une filière qu'ils n'ont pas choisie ou qu'ils ont dû accepter, faute de mieux ou tout simplement à cause de leurs moyennes insuffisantes ou leurs mauvais scores au bac. Ils se retrouvent donc dans un amphithéâtre à suivre un cours d'histoire ou de philosophie, ou dans un laboratoire à étudier la biologie ou les sciences, alors qu'ils ne sont pas prédisposés à ce genre de discipline ; ils se sentent vite perdus et craquent dès la première semaine par ennui ou par manque d'intérêt. Il y a aussi ceux qui doivent accepter n'importe quelle autre filière parce que tout simplement ils ont échoué au concours d'accès aux filières qu'ils avaient choisies : ceux-là se trouvent souvent désemparés dans une section qui ne répond pas à leurs vocations, d'où abdication des volontés et des ambitions ; ils n'ont de solution qu'à attendre les prochains concours de réorientation qui, généralement, ont lieu au mois de février. Salima, nouvelle bachelière, a été affectée en français, alors qu'elle n'y a jamais pensé : « J'étais obligée d'accepter, faute de mieux, mais j'ai l'impression que je vais abandonner dans les toutes prochaines semaines, je pense déjà à refaire mon orientation dans l'un des ISET, là, je trouverai ma vocation ! » Raya qui a eu son bac en sciences expérimentales a été affectée à Kairouan pour faire des études littéraires, chose qu'elle a refusée : « Je n'ai même pas pris la peine d'y aller pour m'inscrire ; j'ai préféré passer une année blanche plutôt que de poursuivre des études qui ne correspondent pas à ma formation scientifique. C'est vrai que je n'ai pas eu de bonnes moyennes, mais ce n'est pas une raison de me trouver dans une branche littéraire, je sais d'avance que je vais échouer si j'accepte cette affectation. Autant rester chez moi, en attendant la réorientation ! »
Changer de cap Il y a aussi des étudiants qui ont déjà quitté l'université après trois ans d'études avec une licence appliquée et qui, faute de travail, décident de s'inscrire à nouveau dans une université privée tout en changeant de cap. Hayet, après avoir poursuivi des études en SVT avec succès, a décidé d'entrer dans un institut de beauté et d'esthétique pour obtenir un diplôme professionnel : « Inutile d'attendre encore un emploi qui peut-être ne viendra jamais ! Mais avec un BTS, je suis sûre que ça marchera. J'ai donc décidé de faire deux ans de formation professionnelle dans une boîte privée. D'ailleurs, toutes les collègues qui sont avec moi viennent des différentes facultés après avoir passé deux ou trois ans, parfois sans succès. Il paraît que le BTS est devenu une belle affaire pour la plupart des étudiants qui ont échoué dans leurs études universitaires ou qui n'ont pas trouvé d'embauche après la fin des études. » D'après ces témoignages, il est à constater que l'avenir des étudiants mal orientés n'est ni sombre ni bouché ; le recours à une réorientation pour accéder à une nouvelle branche plus convenable ou le choix personnel qui consiste à changer complètement de cap sont autant de moyens auxquels ces étudiants ont recours pour tirer leur épingle du jeu ; d'autant plus que les formations assurées par des établissements privés sont de nos jours très diverses et offrent d'autres chances aux étudiants croyant être victimes d'une mauvaise orientation ou ayant abandonné leurs études supérieures par manque de motivation. Ce passage de l'université à une formation professionnalisante prouve une capacité d'adaptation et une volonté pour réussir de la part de ces jeunes.
15 mille réorientés Le nombre d'étudiants inscrits dans les différents concours de réorientation ne cesse d'augmenter d'une année à l'autre. Ainsi, des statistiques officielles révèlent qu'en 2008-2009, le nombre des bacheliers orientés avoisine les 75 mille. Celui des élèves réorientés, 15 mille, sachant que 75% des demandes de réorientation ont été accordées. L'on se demande quel serait le sort des 25% restants ! Ils vont sans doute chercher leur chance ailleurs, dans des établissements privés, quitte à changer totalement de cap. Des cas d'orientation inadéquats sont la raison principale du taux d'échec élevé enregistré surtout dans les premières années du cursus universitaire. « Beaucoup de mes amis, nous a confié Nabil, détestent les études qu'ils font à l'université ou les font juste par obligation ou pour tuer le temps ; je suis sûr qu'une grande partie de l'échec universitaire est expliqué par le manque de motivation chez ces étudiants, comment peuvent-ils être motivés alors qu'ils n'ont pas obtenu au moins une des trois premières filières choisies. Accorder le dernier choix au bachelier ou l'affecter dans une filière qu'il n'a pas choisie, c'est déjà une forme de conditionnement. » Heureusement que plusieurs institutions supérieures organisent chaque année des concours de réorientation à l'attention de ces étudiants mal orientés afin qu'ils puissent tenter encore une fois leur chance en obtenant la filière qui corresponde le mieux à leur vocation, à leurs ambitions, à leurs projets d'avenir.