Mercredi dernier, nous attendions le bus à l'entrée sud de l'avenue Mohamed V, lorsque nous vîmes une première voiture conduite par une jeune dame s'arrêter à un feu rouge, suivie deux secondes après par une autre qu'occupait un quinquagénaire élégant qui ne lâchait pas d'un regard la conductrice voisine. Il lui souriait même et faisait de la tête quelques signes à son adresse. La dame se tournait du côté opposé et s'impatientait en attendant de quitter les lieux. Notre Don Juan ouvrit même la vitre la plus proche de l'autre voiture et prononça quelques mots que nous ne pûmes entendre, vu le boucan qui emplissait le carrefour. Quand s'alluma le feu vert, la voiture de la dame s'élança la première et l'autre la prit en filature. La suite de la poursuite amoureuse échappa à nos regards, mais des scènes de drague pareilles nous sont devenues familières. Ce sont surtout les jeunes conducteurs qui en sont les héros. Il n'y a pas longtemps, dans une ville de l'intérieur, une lycéenne trouva la mort après qu'un séducteur de vingt ans l'eut tirée par ses cheveux alors qu'il était au volant de sa voiture. La jeune fille tomba sous les roues et sans s'en rendre compte, l'agresseur passa sur son corps. D'autres coureurs stationnent leurs voitures ou leurs motos devant les facultés et les foyers universitaires à l'affût d'une charmante étudiante que séduiraient une virée en banlieue, une soirée en boîte ou un week-end à Hammamet. Sur la route des stades et en en revenant, les supporters à deux ou à quatre roues accomplissent les acrobaties les plus dangereuses et les slaloms les plus risqués au vu et au su de tous. La télévision les a montrés plus d'une fois en train de braver toutes les interdictions en vigueur : nous les avons vus danser sur le toit des voitures en course, sortir presque tout leur corps par les vitres de leurs véhicules, ils étaient sans casques sur leurs motos et doublaient toutes les voitures qui les devançaient.
Chauffards invétérés En été, l'alcool coule à flots dans les petites et grandes cylindrées conduites à même les plages par des plus de 20 ans immatures et irresponsables. Le soir, la drague motorisée se fait plus insolente et n'épargne ni les filles célibataires ni les femmes mariées. En plein jour, des motards bien rodés arrachent sacs à main, portables et autres bijoux à plus d'une passante paisible. Ils conduisent parfois sans permis, brûlent les feux, roulent sans phares, en sens interdit, dépassent toutes les vitesses autorisées. Ça chahute aussi, ça dit de gros mots et des blasphèmes, ça téléphone au volant, ça monte sur le trottoir, ça gêne la circulation, ça culbute un ou deux piétons, ça cabre puis démarre à l'américaine, ça met la musique à fond et folichonne jusqu'au lever de soleil. Dans certains quartiers, les habitants terrorisés n'osent pas se plaindre redoutant d'éventuelles représailles ou gardent le silence parce que leurs propres enfants sont de la partie. Quelques chauffards sont arrêtés ou verbalisés, mais les mesures prises à leur encontre ne suffisent que rarement à les dissuader. Seules les tragédies qu'ils causent ou dont ils sont eux-mêmes victimes les raisonnent parfois.
Toujours plus de fermeté Combien de jeunes ont perdu la vie à cause d'une conduite légère en voiture ou à moto ! C'est pourquoi nous appelons en urgence à décider des mesures encore et toujours plus rigoureuses pour l'obtention de certains permis de conduire. Les examinateurs doivent montrer davantage de fermeté avec les jeunes candidats. Les auto-écoles dont les clients s'avèrent insuffisamment ou très mal formés doivent être pénalisées et l'on devrait inversement récompenser celles qui accomplissent convenablement leur travail. Les contraventions doivent être doublées, quintuplées s'il le faut, en cas de récidive. Le retrait de permis est à rendre systématique et immédiat dans certaines infractions routières. S'il est jeune, le candidat au permis doit subir davantage d'épreuves que les adultes et sa formation doit durer plus longtemps. Instituons dès l'école de base des cours qui sensibilisent les élèves aux dangers de la route et les préparent à plus de mesure et de prudence quand ils pourront eux-mêmes conduire une voiture, une moto ou même une bicyclette ! Il est de l'intérêt des grands et des petits que l'on soit toujours plus sévère et plus exigeant avec les jeunes conducteurs. La conduite des véhicules cause plus de drames que la cigarette. Menons donc des campagnes aussi larges contre les chauffards de tous âges et surtout contre les plus jeunes d'entre eux ! Et bannissons à la télé ces scènes de drague au volant, d'acrobaties au guidon du vélo, de coups de fil donnés depuis la voiture. Que l'on visionne de nouveau certains spots publicitaires et feuilletons locaux : on ne peut pas en dire qu'ils incitent toujours à la conduite prudente et sage !