Mercredi dernier, vers le coup de 18 heures, nous avons rencontré à la station de métro de la Place de Barcelone une amie de la famille mariée et mère de trois enfants dont deux au primaire. Elle travaille au ministère du Transport et lorsque nous l'avons croisée, elle allait faire quelques commissions pour le petit-déjeuner du lendemain et ensuite prendre de nouveau le métro vers Le Bardo. C'est le rythme infernal auquel elle s'est « heureusement » (comme elle dit) habituée. Sa journée commence à 6 heures : réveiller les enfants, les aider à s'habiller, leur donner à manger, faire leurs lits aux deux plus jeunes, laver la vaisselle du matin, préparer et emballer le déjeuner de chacun et le sien en dernier, puis sortir en vitesse pour ne pas rater les premiers métros qui sont moins encombrés de passagers. Pendant la pause de midi, elle quitte rarement son bureau et si elle le fait c'est pour des courses en ville en compagnie de quelques collègues. Son mari travaille dans une entreprise privée située sur la route de la banlieue nord. C'est lui qui a la voiture et le matin comme l'après midi, il se charge du transport des trois enfants. De retour à la maison le soir, nous nous partageons les tâches, mais c'est moi qui ai les plus dures tout simplement parce que mon époux ne sait pas faire à manger ni repasser : il s'occupe donc des enfants et moi du repas de demain. Le linge c'est moi qui le fais à la machine et je repasse au besoin certains vêtements secs. Pour la vaisselle, on se relaie et les enfants nous y aident mais nous les laissons plutôt préparer leurs leçons et s'amuser un peu avant de s'endormir. Dans la plupart des cas, je fais 14 heures et plus de travail par jour entre mon bureau et la maison.
Vivement la délivrance ! Il y a quelques jours, une journaliste, encore célibataire à plus de 35 ans, nous confia qu'elle rêvait de mener après le mariage la vie de sa grand-mère qui n'avait ni le souci du salaire, ni celui des achats en ville. « Se décharger de toutes ces responsabilités sur le mari, quelle délivrance », disait-elle d'un ton vraiment sincère. C'est que de nos jours, le travail de la femme mariée et mère d'enfants ne lui laisse pas vraiment de temps (ni d'argent d'ailleurs) pour son propre épanouissement. Dans le cas de notre amie évoquée plus haut. Encore heureuse que son mari lui vienne en aide dans certaines tâches ménagères, parce que de nombreuses épouses n'ont pas cette chance : pendant qu'elles triment à la maison et dans la rue après une journée de labeur, monsieur joue une partie de cartes et fume son narguilé avec les amis. Si bien sûr, il ne picole pas en bonne compagnie dans un bar du centre-ville. Très souvent, c'est la mère qui contrôle les études des enfants le soir ou bien au petit matin. Et c'est encore elle qui les dépose avec sa voiture devant la crèche, l'école, le lycée où ils sont inscrits et qui les reprend l'après-midi.
Bénévolat ! Sur le lieu de travail, elles ne se tournent pas toutes les pouces ! Souad est dans un service qui accueille des centaines de clients tous les jours : « C'est affolant si vous n'y mettez pas la dose convenable de sang-froid voire d'insouciance ! A la maison, ce n'est pas la fête non plus, pas même dimanche ni pendant les vacances des enfants. En moyenne et pour ne rien exagérer, la plus libérée d'entre nous fait 12 heures de travail par jour. Et ne croyez pas que les robots de la cuisine et nos autres machines sophistiquées nous épargnent du temps pour les loisirs. Quant aux femmes de ménage, elles ne vous débarrassent pas tout. Le soir, vous devez relaver certains vêtements et ustensiles ou bien repasser la serpillière par endroits, ou encore ranger autrement vos effets et ceux de votre mari. Lorsque nous sortons en ville, c'est d'une certaine façon une aération ; mais les courses à faire nous bouffent le temps de la promenade véritable. C'est du travail ça aussi ! Si au moins c'était rémunéré !