Heykel Mganem, un nom étroitement lié au handball tunisien depuis plusieurs années. Une période qu'il a marquée de son empreinte à l'Espérance S.T et en Equipe nationale en passant par des clubs prestigieux en France dont la célèbre équipe de Montpellier. Heykel Mganem, ce n'est pas uniquement le joueur mais un meneur d'hommes aux grandes qualités humaines qui ne triche pas sur un terrain de handball et encore moins dans la vie courante. A 33 ans, il reste un exemple à suivre par cette nouvelle génération de handball en laquelle il voit une relève de qualité pour le moyen terme, pour un sport qui continue à polariser l'attention en dépit des problèmes qu'il a rencontrés ces toutes dernières années. Nous l'avons longuement interviewé juste au terme d'un tournoi qui a conduit notre équipe nationale en Hongrie. Il nous livre ci-après avec sa franchise coutumière ses impressions sur ledit tournoi, sur la situation de notre handball et sur la participation de ses coéquipiers internationaux évoluant en France.
• Le Temps : Si l'on commençait par la fin. Une impression sur le tournoi auquel l'équipe de Tunisie vient de prendre part ? -Mganem : C'est le genre de tournoi que l'on est en mesure de qualifier de haut niveau. La Hongrie, pays organisateur tout comme la Serbie et la Roumanie préparent fébrilement l'Euro 2010 qui aura lieu en Autriche. Ces mêmes sélections ont aligné à une ou deux unités près les formations qu'elles aligneront dans un peu plus de deux mois. Pour nous, joueurs tunisiens, l'occasion était appropriée pour renouer avec les rencontres qui poussent à se surpasser pour faire jeu égal ou plutôt rivaliser avec ces équipes. • Justement, côté équipe tunisienne. Un bon match pour son premier match face à la Hongrie, moins bon contre la Roumanie et fort décevant devant la Serbie ? -D'abord, une remarque : la Tunisie n'a jamais battu la Serbie contrairement à ce qui a été écrit. Autre remarque, les joueurs européens disputent soixante à soixante-dix matches par saison entre équipes nationales et clubs, ce qui n'est pas le cas pour nous joueurs tunisiens. Le haut niveau, c'est bien sûr ce nombre important de matches joués. Ceci explique en grande partie le bon, voir, le très bon match réalisé face aux Hongrois dans la mesure où mes coéquipiers étaient frais physiquement. Ils l'étaient moins le lendemain, devant la Roumanie, dans un match que l'équipe tunisienne était, malgré tout, en mesure de gagner. Contre les Serbes, c'était en quelque sorte l'effondrement, car outre la fraîcheur physique qui était absente, le mental a suivi. Les joueurs pensaient beaucoup plus à regagner leurs clubs qu'à jouer comme ils l'ont fait deux jours plus tôt. Et c'est ce qui fait la différence. Le haut niveau c'est la persévérance dans l'effort et l'omniprésence dans la concentration. • Janvier-février 2005, octobre 2009, les Mganem, W.Hmam, Ayad et autres sont toujours là. Est-ce à dire que le handball tunisien est en manque de joueurs capables d'assurer une relève dignes des noms que nous venons d'avancer ? -C'est simple, notre hand-ball n'a fait que dormir sur ses lauriers depuis ce fameux parcours du Mondial de 2005. Depuis les décideurs n'ont rien fait pour profiter de cette situation et mettre en œuvre une stratégie conséquente. En quatre années, nous étions en mesure d'assurer cette relève que vous évoquez. • Maintenant que le mal est fait, quelle solution préconises-tu pour le moyen voir le court terme ? -Quand on me pose cette question, je pense à nos cadets qui ont réalisé un excellent parcours lors du dernier Mondial de la catégorie au mois de juillet dernier à Hammamet. Il y a déjà parmi nous à Budapest Chouiref et Ben Abdallah qui ont beaucoup de qualité. J'ai remarqué qu'ils n'ont fait que progresser au fil des rencontres. Je suis persuadé qu'il y a bien d'autres aux qualités confirmés au sein de cette même équipe des cadets. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux évoluent en seniors en Nationale A. Ces jeunes constitueront une excellente alternative pour bâtir le sept national de demain. Ces joueurs doivent être bien encadrés et entourés d'une grande attention : stages, participation à des tournois de haut niveau et j'en passe. La direction technique nationale est mieux placée pour concocter un programme de préparation à la mesure de nos ambitions. Il y a d'autre part les centres de formation qui doivent bénéficier d'une grande sollicitude conjuguée à un travail en profondeur. Enfin, il y a beaucoup à faire, et je reste optimiste car les Tunisiens aiment ce handball qui leur a donné beaucoup de joie. • La fédération s'est fixée pour principal objectif les Jeux olympiques de 2012. Les joueurs internationaux actuels dont ceux évoluant dans la compétition française, seront-ils compétitifs dans trois années ? -Je vous vois venir. J'ai entendu dire que l'on s'apprête à écarter une bonne partie des professionnels évoluant en France et ne compter dorénavant que sur ceux qui jouent dans la compétition nationale. Les raisons invoquées sont inacceptables. Je suis bien placé pour vous dire que les joueurs qui sont ici en Hongrie ont encore beaucoup à donner pour le handball tunisien dans les trois années à venir. S'ils continuent à bénéficier de la confiance de leurs employeurs en France, ce n'est pas pour leurs beaux yeux mais pour leurs qualités aussi bien techniques que disciplinaires. • D'accord. Toujours est-il que les problèmes rencontrées par le staff technique pour disposer des joueurs évoluant en France sont quasi-insurmontables. Rien que pour le rendez-vous de la prochaine CAN en Egypte, ce même staff n'est pas sûr de pouvoir compter sur eux. Et ces mêmes joueurs hésitent de répondre à une éventuelle convocation ? -Ecoutez, nous aimons tous la Tunisie, notre patrie, défendre ses couleurs est un grand honneur. Personne parmi eux n'a rejeté une convocation en équipe nationale. Ils ne seraient pas en Hongrie pour un tournoi amical si c'était le cas. Ces joueurs demandent plus de compréhension, à savoir discuter avec leurs employeurs et la fédération française pour parvenir à une solution en mesure de satisfaire tout le monde. Il y a toujours une solution à chaque problème. • Si on invoquait à présent Heykel Mganem et son parcours depuis le SCMoknine jusqu'à son arrivée en France en passant par l'Espérance S.T ? -J'ai appris l'a.b.c du handball au SCMoknine, une véritable école de formation avant de passer à l'Espérance S.T. C'est là que j'ai évolué, progressé, connu des sacres et porté le maillot de l'Equipe nationale. Si je suis ce que je suis à l'heure qu'il est, c'est grâce à l'Espérance S.T au sein de laquelle j'ai beaucoup appris. • Selestat puis Nîmes puis Montpellier et actuellement Saint Raphaël, ne trouves-tu pas que cela est curieux ? -Ma réussite à Selestat, mon premier club en France n'est pas passée inaperçue, facteur qui a précipité mon passage à Nîmes puis à Montpellier. Alors pourquoi Saint Raphaël cette saison ? A 33 ans, je n'était plus en mesure de rendre à Montpellier les mêmes services qu'il y a quelques années, avoir le même rendement. Franchement, personne à Montpellier ne m'a demandé à partir. Personnellement, je ne pouvais accepter mon nouveau statut de remplaçant de luxe. Raisons pour laquelle, j'ai opté pour Saint Raphaël où je suis titulaire incontournable de l'équipe. • Depuis deux années, nous te voyons t'investir totalement dans l'organisation de la compétition de Sandball. Quelle en est la raison ? -Ne pensez-vous qu'il y a une fin à tout et qu'a mon âge, il est de mon intérêt de penser à l'après-carrière professionnelle de joueur. J'ai en tête plusieurs projets à réaliser, quelques uns l'ont été à l'instar du Sandball. • Une carrière d'entraîneur ne vous attire-t-elle pas ? -Pas du tout. Je suis plutôt intéressé par un poste de responsable dans une association sportive dans une section de handball. • A l'Espérance S.T, entre autres ? -Pourquoi pas du moment que c'est à l'Espérance S.T que j'ai fait une grande partie de ma carrière de joueur et je me suis épanoui. Interview recueilli par Rafik BEN ARFA