Tout Sfax n'avait ces derniers jours qu'un seul et unique sujet à commenter en long et en large, un sujet qui a éclipsé toutes les différentes, et non moins multiples préoccupations d'un quotidien stressant. Et pour cause ! Le drame, un crime passionnel, aura certainement des répercussions catastrophiques, non seulement sur les protagonistes de la présente affaire, mais également sur d'autres personnes, de jeunes enfants à l'avenir désormais incertain ; des enfants dont le seul tort est d'être la progéniture d'une mère infidèle et d'un père devenu, par la force des choses, un criminel ! L'éternel triumvirat, composé d'un mari, dans la plupart du temps bafoué, une épouse, le plus souvent infidèle, et un amant, incontournable personnage toujours au centre de ce genre d'affaire. Sans lui, il n'y aurait d'ailleurs pas d'affaire. Toujours est-il que cet amant arrive parfois à se tirer d'affaire sans la moindre égratignure, tirant profit de certaines situations afin de sceller un pacte avec les démons d'une lubie habitant certains corps, mais parfois également il se trouve embarqué dans des situations sans issue, à subir un sort atroce. Comme ce fut le cas dans la présente histoire. Une histoire des plus ordinaires, au départ, mais qui s'est terminée dans un bain de sang, celui d'un jeune homme qui n'a pu résister à la tentation, à l'appel du désir, ou plutôt celui de la jeune femme, laquelle est parvenue à l'embobiner et à le soumettre à ses pulsions sexuelles ravageuses, enfin à ses libidos ! Comme il est universellement connu que le mari est toujours le dernier à apprendre son infortune, c'en fut de même dans la présente histoire. Et par le pur des hasards, qui plus est ! Sinon, il aurait porté toute sa vie casquette du cocu ! Savait-il seulement, ce jour-là, qu'il allait aux devants d'une tragédie dans le vrai sens du terme ? Imaginait-il un seul instant, en quittant le domicile conjugal pour rejoindre son bureau, qu'il aura à affronter une épreuve aussi dure ? Non, il ne le savait sûrement pas, mais pour une quelconque raison, le malheureux s'est subitement retrouvé sur le chemin du retour à un horaire inhabituel pour lui et, surtout, pour son épouse, laquelle était à mille lieues de penser à une telle possibilité. Mais le voilà de toute manière de retour, un retour inopiné qui fut en fin de compte à l'origine du drame. La surprise était de taille et totale, non seulement pour l'époux bafoué, mais plus encore pour les deux amants, dont la position dans la chambre à coucher, sur le lit conjugal, ne prêtait à aucune équivoque. Choquant, tout simplement pour le pauvre homme, dont le sang n'a fait qu'un seul tour, avant de lui monter à la tête et provoquer la réaction que quatre vingt dix-neuf hommes auraient certainement eue. Pour le malheur de l'amant, pas seulement lui d'ailleurs, eut on ne sait comment un couteau à sa portée ; le reste fut un véritable massacre, puisque l'époux s'est acharné sur son rival, frappant apparemment à l'aveuglette, sans se soucier le moins du monde des cris stridents de son épouse, encore moins les supplications de son adversaire. D'ailleurs, n'eut été l'intervention des voisins alertés par les cris de la femme, qui a pris entre-temps la fuite, il l'aurait taillé en pièces. Sauvé certes des mains de son bourreau, mais pas de la mort qui le guettait au bout de trois jours d'hospitalisation, d'autant que la lame du couteau avait atteint le cœur et le poumon. Soixante-douze heures effectivement après son admission, il devait décéder, cependant que le mari s'est rendu de son propre gré au poste de police pour se constituer prisonnier et raconter toute l'histoire aux enquêteurs médusés...