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Le fou de l'hôpital
Publié dans Le Temps le 11 - 01 - 2010

Il ne s'agit pas à vrai dire d'un fou, mais tout simplement d'un furieux, à se demander quelle mouche l'aurait piqué ! Il ne s'agit pas d'un malade, non plus, mais tout bonnement d'un type en état d'ébriété manifeste, au point de ne plus pouvoir "distinguer entre un coq et un bourricot" ! Mais qu'est-il allé faire dans l'enceinte d'un établissement hospitalier ? Celui, de surcroît, des enfants ! Des interrogations qui n'ont pas trouvé de réponses jusqu'ici,
mais gageons que ça ne saura tarder encore longtemps, puisque l'affaire est désormais au stade du jugement. De quoi s'agit-il, au fait ? Voyons l'acheminement chronologique pour en saisir les tenants et les aboutissants d'une affaire pour le moins bizarroïde !
C'est un homme costaud, qui conserve encore une quelconque verve, mais mélangée à une certaine rudesse, malgré ses quarante années sonnantes, sans compter des tempes déjà grisonnantes. Mieux, il s'agit d'un disciple des plus fidèles de Bacchus, ce qui explique qu'il ne rate aucune occasion, encore moins la moindre invite afin d'être de toutes les beuveries organisées par des amis ou autres connaissances et des compagnons de route.
Ce fut justement le cas il n'y a pas longtemps, lorsqu'il a été invité à un rassemblement où le vin et l'incontournable bière ont coulé à flots pour désaltérer les gosiers et remplir les panses, au risque de faire éclater les bedaines ! Tant et si bien, qu'à l'issue de la beuverie, le type ne pouvait se tenir correctement, marchant d'un pas titubant, du moins hésitant. Un pas qui l'a guidé, pour son malheur apparemment, du côté d'un établissement hospitalier, et pas n'importe quel établissement, puisque s'agissant ni plus ni moins de celui des enfants de Bab Saâdoun.
En y arrivant, le type mu par une impulsion soudaine, et non moins incontrôlable, mais également incongrue, d'entrer dans l'enceinte dudit établissement pour faire un tour et...semer la zizanie. Et de quelle manière, dans ce sens qu'il n'y était pas allé de main morte, le gaillard, mais bel et bien en broyant pratiquement tout sur son passage.
Sa première victime fut une malheureuse infirmière, dont la mauvaise étoile, ce jour-là, l'avait mise sur son chemin. Elle était la première à faire connaissance de l'agressivité excessive du bonhomme, lequel lui a administré une gifle retentissante qui l'a envoyée valdinguer à une bonne poignée de mètres. Une fois cet obstacle franchi, aisément d'ailleurs, il est allé de l'avant entrant dans l'une des innombrables chambres abritant les petits patients, ces derniers paralysés par la frayeur à la vue de l'intrus venu déranger leur intimité et leur quiétude. Passant outre les signes de frayeur et de peur qui se sont emparées des pauvres petits malades inoffensifs, le gus s'en est pris aux ustensiles et autres matériaux médicaux s'y trouvant. Il brisait tout sur son passage, tel un pachyderme en furie !
Le vacarme engendré par cette entrée fracassante, ainsi que les cris de détresse lancés par les petits patients, n'ont pas manqué d'alerter le personnel de l'établissement, dont quelques-uns ont rappliqué rapidement pour voir de quoi il s'en retournait. Mal leur en prit, cependant, puisqu'ils ont été accueillis à bras ouverts, ou plutôt à poings fermés, par l'intrus toujours en furie et toujours, aussi décidé à réussir un carnage. Vu toutefois le déséquilibre des forces en présence, jouant nettement en faveur du personnel médical plus nombreux, l'assaillant aurait pris du recul, sans négliger pour autant de déverser un flot ininterrompu d'insultes, d'injures et de mots grossiers, lancés à la cantonade, à croire qu'il récitait un quelconque poème. Il a couronné en fin de compte sa tirade par des blasphèmes !
On est parvenu finalement, non sans peine cependant, à le maîtriser, avant d'alerter les auxiliaires de la justice, venus illico prendre possession de cet individu, lequel une fois amené dans les locaux de la police, aurait soutenu qu'il était obsédé, au point d'avoir les nerfs à fleur de peau, par l'état de santé de sa fille quasiment mourante. Or, en vérité il n'en était rien, puisque la fille en question n'a jamais existé que dans l'imagination du type !
En tout cas, étant passé par toutes les étapes de l'enquête préliminaire, jusqu'au juge d'instruction qui a ordonné dans un premier temps sa mise en détention, il a comparu mercredi dernier pour jugement, son avocat sollicitant d'ailleurs un non-lieu, une requête qui a été repoussée par la Cour, tout en décrétant le report de l'affaire afin d'annoncer son verdict...


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