Dans le premier livre de l'Enéide, Virgile fournit le récit de la fondation de Carthage par Didon. C'est par la bouche de Vénus qu'on apprend le destin de la reine Phénicienne qui, fuyant avec les siens la tyrannie de son frère Pygmalion, arriva un jour à l'endroit où la future Carthage allait s'élever. En fait, et c'est Vénus qui parle, les Phéniciens " achetèrent autant de territoire qu'ils pouvaient entourer d'une peau de taureau ". C'est tout ce que Virgile nous apprend. C'est comme s'il présupposait que ses lecteurs connaissent déjà la célèbre ruse de Didon. Pour combler la parcimonie narrative de Virgile, il faut se rendre du côté de Servius qui nous apprend dans son « Commentaire à l'Eneide de Virgile » que " Didon se vit d'abord chassée par [le Roi local] Hiarbas; ensuite, elle demanda, par ruse, d'acheter autant de terre qu'une peau de bœuf pouvait en tenir. Elle étendit alors une peau découpée presqu'en fil et occupa l'espace d'une circonférence de vingt-deux stades". Hiarbas, ne pouvait alors contester, et se résolut à céder à Didon ce que sa ruse a pu contourner. Et Byrsa naquit, de la peau d'un bœuf- bursa en grec. La colline de Byrsa Les Phéniciens ont obtenu, grâce à l'intelligence de leur Reine, le territoire de leur future cité en entourant le maximum de terrain possible par la fine lanière de cuir découpée à partir d'une peau de taureau. Ce mythe fondateur de Carthage a donné aux mathématiciens toute une classe de problèmes connue aujourd'hui sous le nom de "Problème de Didon". Il s'agit, grosso modo, des problèmes qui consistent à tirer le maximum de profit d'une quantité donnée et fixée d'avance. Dans le cas d'Elyssa, la quantité donnée est la longueur de la lanière de cuir, et le profit à maximiser est, bien sûr, la terre de la colline de Byrsa. Problèmes de Didon On sait depuis longtemps (depuis Didon ?) que le cercle est la forme géométrique qui entoure le maximum de surface pour un périmètre fixé d'avance; et aussi que la sphère est la forme qui entoure le maximum de volume pour une surface donnée. C'est ce qui explique, par exemple, que les bulles de savon ont la forme de... bulle, justement. Et aussi de nombreux autres problèmes mathématiques très compliqués qui ont toujours ceci en commun: maximiser quelque chose à partir d'une donnée imposée et fixée d'avance. Le nom savant de cette classe de problèmes est "Problèmes d'isopérimètrie"; le nom poétique est "Problèmes de Didon". Et comme les mathématiciens préfèrent toujours la beauté et l'élégance, surtout quand ils ont à trancher entre deux possibilités, ils ont choisi de faire référence à la Reine Didon. Mieux : ils lui ont programmé toute une conférence internationale s'intitulant « De Carthage vers le monde - Le problème isopérimétrique de la reine Didon et ses ramifications mathématiques » et qui se tiendra à… Carthage, évidemment, du 24 au 29 mai 2010. L'événement est de taille. Nous y reviendrons sûrement.