Il n'est pas loin ce premier juin 1975 où une équipe de jeunes journalistes sous la houlette de feu si Habib Cheikhrouhou et encadrée par feu maître si Hédi Laâbidi et Abdejlil Dammak, rédacteur en chef de Dar-Assabah, prenaient en main dans une joie immense le premier numéro du journal " Le Temps ". Angoisse et ferveur se mêlaient dans les cœurs palpitants de cette équipe constituée pour la plupart, de Nébil Ben Khelil, Moncef Ben Mrad, Tahar Ayachi, Habib Bayoudh, Mustapha Khammari et de plus jeunes déjà talentueux : Raouf Khalsi, Néjib Khattab, Fadhila Bargaoui, Fatma Békir, Hammadi Abassi sans oublier l'apport de si Mrad et bien d'autres... Ces journalistes venaient de divers horizons et de différentes formations idéologiques, politiques et culturelles. On allait des " Gauchistes " aux démocrates libéraux, aux centristes, socio-démocrates modérés, mais tous avaient quelque chose en commun : l'amour d'une certaine liberté " rebelle " et non apprivoisée par l'establishment de l'époque, la plupart ayant été rejetés et même " licenciés " par leurs organes de presse d'origine pour " opposition " ou " indiscipline " ! Cette équipe a tenu la dragée haute aux ténors de l'époque et aux organes officieux par une lutte âpre et quotidienne de tous les instants pour conserver jalousement ses marges de liberté d'expression et d'information malgré les pressions de toutes sortes. A cette époque du parti unique, ce journal portait nos rêves et habitait nos cœurs palpitant de générosité et de vigueur, il était notre vie, notre fierté et notre amour au quotidien. Notre devise était la sacralité de l'évènement (ELKHABAR) et la bonne foi dans la recherche de la vérité au détriment de nos carrières et de nos ambitions personnelles légitimes. Mais à la fraîcheur des premières années glorieuses se succéda une petite routine, un mélange d'immobilisme et d'autosatisfaction. Le journal avait profil bas. Il fallait une remise en cause salutaire, une autocritique courageuse et une réflexion d'envergure pour remettre à niveau le journal. Il fallait aussi des moyens qui sait... des capitaux... et surtout remplacer ceux qui parmi nous quittèrent le journal pour différentes raisons à l'aube des années 80... Depuis, certains parmi nous ont accepté avec philosophie, d'entrer dans une sorte de retraite volontaire et de silence... digne... avec une nostalgie certaine mais aussi quelque regrets. Mais, comme la nature ne peut accepter le vide et par une alchimie de la vie qui est propre à cette Tunisie... merveilleuse, quand même, le destin du " TEMPS " vient de basculer entre les mains d'une nouvelle équipe dynamique, ambitieuse et surtout portée par une volonté farouche de renouveau. Et du coup, c'est un retour salutaire aux sources... c'est ce que j'ai perçu quand mon ami Raouf Khalsi, rédacteur en chef du Temps, a eu la délicatesse de m'inviter à faire une visite au journal, trente ans après... les oubliettes. C'est avec émotion et même un certain trac que j'ai salué mes nouveaux collègues et quelques amis anciens à l'image du toujours jeune et sportif, si Hassen Attia. Ce qui m'a frappé aussi c'est la présence de beaucoup de jeunes, la plupart, fraîchement diplômés de l'IPSI (Institut de presse et des sciences de l'information). J'ai perçu dans leurs regards un peu craintifs, un appétit certain qui annonce du mordant pour le présent et le futur. Le présent, c'est déjà la restructuration du journal qui change de peau, d'habillage et de maquettes. On retrouve les signes d'une volonté de rénovation certaine, une nouvelle recherche de l'esthétique et un arrosage de liberté retrouvée et d'initiatives prometteuses. Que peut souhaiter un ancien à son journal bien aimé : après la survie, la vie... et l'épanouissement. Allez... bon vent " LE TEMPS " !