Le « crédit revolving », également appelés « crédit renouvelable » ou « crédit permanent » est l'un des pires pièges que les banques tendent depuis quelques années à leurs clients et dans lesquels tombent de trop nombreuses personnes fragilisées par le manque d'argent. Ce que ces clients ignorent souvent, c'est que le sourire commercial du banquier se transformera vite un rictus de carnassier et que le crédit deviendra une malédiction. Plongée dans l'univers impitoyable de la finance inhumaine… Le crédit revolving consiste à disposer d'une somme prêtée par une banque à un taux assez élevé, puisque la seule garantie de remboursement c'est le salaire du client, versé à la fin de mois par son employeur. Et chaque fois qu'une somme est retirée, elle est automatiquement remise à la disposition de ce client, ce qui permet des bénéfices permanents élevés pour le prêteur, c'est-à-dire la banque. Des taux presque d'usuriers Ce que l'on constate d'emblée, c'est que le crédit revolving fait le bonheur des banques et des commerçants et propulse le citoyen trop crédule dans la spirale infernale du remboursement infini. Dénoncé par ses nombreux détracteurs à travers le monde, il est considéré par les spécialistes en finances comme étant des crédits dangereux avec des effets pervers, principal facteur du surendettement. Une enseignante en économie à l'université de la Manouba déconseille ce type de crédits et affirme : « c'est comme si on écrémait un verre qui continue à se remplir. C'est le client qui remplit ce verre et la banque qui bénéficie de la crème. Un système pervers, un puits sans fond qui finit par ruiner les bourses les mieux fournies… » Le crédit revolving est attractif à cause sa flexibilité apparente et de son accessibilité presque immédiate. En effet, en quelques jours, le client peut obtenir un prêt de plusieurs milliers de Dinars, avec des mensualités séduisantes mais à des taux qui frôlent ceux des usuriers : autour de 15% en moyenne, en plus des frais de dossier, de l'assurance, de la TVA… C'est un taux deux à trois fois supérieurs à ceux des crédits classiques. Ce crédit, souvent obtenu sans trop de vérifications, met à la disposition de l'emprunteur une somme d'argent sur un compte particulier, dans laquelle il pourra puiser jusqu'à un certain plafond, au fil des remboursements. Et lorsqu'enfin vous êtes capables de rembourser d'avance la totalité de la somme, on vous oblige à payer 3% de la somme globale, justement parce que vous effectuez un remboursement intégral ! Allez comprendre comment fonctionnent les neurones d'un banquier… C'est ce qui est arrivé à Slim, un ingénieur informatique qui gagne bien sa vie et qui a contracté ce type de crédit : « il fallait voir le large sourire de la banquière lorsque j'ai accepté le contrat. Elle ne m'a parlé que des avantages, sans jamais m'informer sur les inconvénients et elle m'a tendu un document écrit en petits caractères que je n'ai pas pu lire entièrement car il est trop long. J'ai signé car je lui faisais confiance. J'estime que j'ai subi un abus de confiance… » De plus en plus, on peut obtenir ces crédits par les banques, par la carte de fidélité d'un magasin ou via un organisme de crédit. Une solution apparemment idéale pour les consommateurs qui rencontrent des difficultés pour boucler leurs fins de mois ou qui ont besoin d'équipements spécifiques, mais qui s'avère être le début d'un engrenage des plus dangereux. En effet, le surendettement de nombreux ménages serait intimement lié aux crédits revolving. Un piège pour accro du shopping Accro du shopping, Alia, une jeune secrétaire dans une administration a choisi un crédit revolving pour traverser une période financièrement difficile. « Une bouée de secours qui m'a coûté très cher. Ma dette était à l'origine de deux mille Dinars, elle a doublé en quelques mois et j'ai encore plus de deux ans de mensualités à rembourser. Et personne ne m'a mise en garde contre cette spirale infernale, ce puits sans fond… » C'est à se demander que fait donc l'Organisation tunisienne de défense du consommateur et surtout comment les pouvoirs publics permettent-ils de telles dérives, qui ont ruiné des millions de personnes dans le monde et provoqué un surendettement qui a brisé bien des familles… Une mère de famille a ainsi poussé son mari à contracter ce type de crédit pour acheter une nouvelle télé et d'autres équipements électroménagers pour remplacer les anciens, devenus vétustes : « c'était comme marcher dans des sables mouvants : plus on remboursait, plus on s'enfonçait. Je ne vous raconte pas les scènes de ménage que j'ai due essuyer durant plusieurs mois… » Un ancien banquier, aujourd'hui reconvertit dans le conseil nous livre sa vision des choses : « ce mode d'emprunt est difficile à maîtriser à cause de l'absence de mensualités fixes et d'échéances. De plus, les banquiers se préoccupent bien peu de l'endettement préalable des familles ayant recours aux crédits renouvelables. De par la disponibilité des fonds et les taux extrêmement élevés, les sommes d'argent initiales sont bien souvent démultipliées. » La solution selon ce spécialiste serait « l'interdiction pure et simple de ces crédits qui ruinent les plus démunis de manière irresponsable. Le crédit revolving synonyme d'achat compulsif, ou encore une illusion par laquelle les banques grèvent les revenus des foyers les plus modestes et des personnes les plus fragiles. » « Une banque n'est pas un organisme de bienfaisance ! » Un seul chef d'agence bancaire a répondu du bout des lèvres à nos questions et il soutient que « d'abord une banque n'est pas un organisme de bienfaisance ! Elle doit faire des bénéfices et c'est au client de s'informer sur ses possibilités de remboursement avant de s'engager. Quant à une éventuelle interdiction des crédits révolving, elle mettrait des centaines de banquiers au chômage et empêcherait des centaines d'entreprises de bénéficier d'une clientèle qui ne peut pas payer comptant… Il faut donc choisir… » Ce qu'il propose, c'est « d'encadrer ce type de crédits, de mieux expliquer leur mode de fonctionnement et de mettre les clients face à leurs responsabilités. » C'est d'autant plus urgent que le coût du crédit finit souvent par devenir supérieur à la somme empruntée au départ et la « fièvre acheteuse » générée par ces crédits a des conséquences désastreuses sur l'ensemble de la société tunisienne… Yasser Maârouf ------------------------------------------------- TEMOIGNAGE Mme Henda, cadre de banque : « Un taux d'intérêt pouvant atteindre les 13% » C'est sous le couvert de l'anonymat que Mme Henda, cadre dans une banque tunisienne, a accepté de nous révéler quelques unes des pratiques à la limite de la légalité : « il faut d'abord dire que le crédit revolving est intéressant pour les entreprises, pas pour les particuliers. Il s'agit d'un sous compte, une somme disponible, qui va remplacer le retrait du client. Supposons que vous avez un crédit revolving de 5000 Dinars : chaque somme retirée par le client est automatiquement couverte par la banque. Mais chaque fin de mois, 20% de la somme retirée sont récupérés par la banque. Le taux d'intérêt peut atteindre dans certains cas 13%, ce qui est trop cher par rapport à un crédit de consommation classique ou un prêt personnel. Mais même les crédits coûtent aujourd'hui trop cher, puisqu'ils sont remboursés sur sept ans, au lieu de deux ou trois ans. Un client a ainsi emprunté un crédit de consommation pour marier son fils et équiper sa maison. Actuellement son petit fils est à l'école et il n'a pas encore fini de payer le crédit du mariage ! » Mme Henda nous a également parlé d'une nouvelle carte de crédit qui pousse les clients à la consommation : « c'est la carte de paiement en trois tranches. Au début, on se dit que c'est facile et rapide, mais si entre temps on a des problèmes de rentrées d'argent, on se retrouve piégé avec des agios qui montent en flèche… » Quant au remboursement par anticipation, notre interlocutrice affirme que « c'est à la tête du client ! La Banque autorise une taxe entre un et trois pour cent, mais les banques prélèvent toujours le plafond de cette somme… »