Quand je dis la grande Sophie je ne fais point allusion à la jeune chanteuse française, qui a offert sa chanson « Du courage » au Parti socialiste français et ce, pour les besoins d'une vidéo sur les acquis sociaux. Mes références puisent leurs origines dans d'autres sources. Sophie ou Sophia est aussi bien dans la pensée grecque que dans la tradition orientale, la sagesse qui nous mène vers l'idéal de la vie humaine. Difficile, à une époque où les illusions se jettent les unes après les autres dans la falaise de Crisis (du latin voulant dire crise), de convaincre son auditoire en lui parlant d'idéal d'eldorado ou de Nirvana, pour rester sur la lignée bouddhiste. Qui en 2010 place encore sa vie sous la bénédiction de Minerve ? Cette déesse de la sagesse a certainement perdu un grand nombre de ses fidèles. Pourtant la sagesse nous ouvre les voies de l'harmonie, celle du corps avec l'esprit, de la parole avec l'acte, de soi avec autrui. Elle rejette la déraison, l'ignorance, l'absurdité, l'inconséquence et la turbulence. Elle puise son existence dans le souffle humain, dans ce que nous avons de meilleur et parfois de plus enfoui en nous-mêmes. Pour révéler le trésor caché en chacun de nous, plusieurs chemins sont envisageables. Alain, à la manière des sceptiques grecques, annonce le doute comme voie libératrice : « la liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute », écrivait-il alors. Le doute est ici synonyme de controverse et de contestation, il n'est pas comme on pourrait le penser incertitude inhibitrice et chancelante ! Descartes évoquait à son tour, le doute méthodique, celui qui l'a mené jusqu'au « cogito ergo sum. » Laissons toutes ces références de côté. La sagesse ne se lit pas, ne s'apprend pas, elle commence d'abord par une remise en question de soi et pour soi. Elle n'est ni concession ni obligation. Elle s'alimente certainement de la grande Sophie et de ses disciples, mais puise son essence originelle dans ce que nous sommes. C'est un exercice difficile et complexe qui nécessite la mise en ruine de bien des édifices, ce qui n'est pas donné à tous ! Elle est aussi épuisante qu'un travail thérapeutique, aussi douloureuse et pénible qu'une escalade, mais promet une vue sur la vie plus belle que toute promesse de vie. Maxime Gorki ne disait- il pas que « La sagesse de la vie est toujours plus profonde et plus large que la sagesse des hommes » ? Encore faut-il que l'on soit conscient de cette vie et de l'acte de vivre qu'on joue au sein de son théâtre. Cette vie que certains cherchent à voiler, à occulter, à brimer, comme si elle n'était pas suffisamment courte. « On ne se baigne pas dans le fleuve deux fois », disait Héraclite. Pourtant certains hésitent encore à plonger et préfèrent passer leur existence sur les rives en brimant leur envie de partance, d'autres ont choisi de barboter, de s'agiter dans l'eau en se donnant l'illusion qu'ils sont dans le large face à de grandes tempêtes et continuent à faire du sur place, d'autres encore passent leur vie avec une bouée, ceux-là ont plus que tout peur de se noyer. Puis il y a ceux qu'on ne voit plus dans le fleuve d'Héraclite, ceux-là ont nagé jusqu'à la mer…