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De la culture comme don de soi
Rencontre avec Mohamed el Bennani, Collectionneur et bibliophile
Publié dans Le Temps le 09 - 03 - 2010

Quelque part, du côté de Bab Mnara, au numéro 11bis, une demeure, à l'architecture traditionnelle -Beit el Bennani-, appartenant à la même famille depuis 1871, abrite, depuis un peu plus d'une dizaine d'années, et grâce à la volonté du maître de céans : Mr. Mohamed el Bennani, une bibliothèque qui regorge de trésors inestimables. Mais aussi un atelier de reliure, et un fonds photographique qui ferait pâlir d'envie, plus d'un collectionneur. Averti cela va de soi.
Mais aussi un atelier de reliure, et un fonds photographique qui ferait pâlir d'envie, plus d'un collectionneur. Averti cela va de soi. Mais ce qui est d'autant plus remarquable, c'est que ce lieu « informel », connaît la fréquentation assidue de chercheurs, étudiants, et spécialistes de tous bords, mais pas seulement, qui en connaissent l'accès par on ne sait quel mystère, lequel doit certainement beaucoup à la réputation d'un lieu, voué au patrimoine tunisien, dont la culture et l'érudition, constituent les clés de voûte. Et le maître de céans, un « passeur » très particulier, qui vous effeuille le monde qui est le sien, à la manière d'un livret, dont il connaît la partition par coeur.
D'emblée, il vous dira que ça ne l'intéresse pas de parler de lui. De « Beit el -Bennani » oui. Rencontre.
Quand et comment est né le projet « Beit el Bennani » ?
A mon retour à Tunis, après des années passées à l'étranger, j'avais déjà dans la tête, l'idée de transformer la maison familiale, en un lieu de savoir et de connaissance, qui a trait au patrimoine. En remontant le loin possible dans le temps. Il se trouve que le passé m'importe, parce que c'est le socle sur lequel repose l'avenir. Et quand j'étais à Bruxelles (entre 1980-1990 j'étais à la Ligue des Etats Arabes accrédité auprès de la Communauté européenne), j'ai pu suivre pendant trois ans, une formation en reliure d'art en cours du soir. Auparavant, comme j'habitais par le plus grand des hasards, au-dessus d'un bouquiniste, j'ai pris l'habitude de fouiner dans le tas, et c'est là que j'ai attrapé le « virus » pour ainsi dire. Sans doute par nostalgie aussi pour mon pays, j'ai commencé à m'intéresser progressivement, à tout ce qui regarde, de près ou de loin, la Tunisie. Dans la foulée, j'ai fais cette formation de relieur, avec l'idée, bien évidemment, d'être en mesure de soigner les ouvrages, qui seraient malmenés par le passage des ans, pour les sauver du désastre. Après, j'ai commencé à écumer les salles de vente, à acheter auprès d'éminentes personnalités, des livres intéressants et rares, etc. Une fois installé ici, j'ai fais pas mal de caves aussi, de vielles maisons, pour collecter des livres. J'achetais presque à tour de bras, mais pas n'importe quoi. J'avais débuté comme un simple collectionneur, et du fait que je me sois concentré sur tout ce qui a rapport à mon pays, je possède maintenant effectivement, une bibliothèque, où les étudiants, chercheurs, éditeurs ou autres, peuvent venir puiser à convenance, pour se documenter sur le sujet qui les intéresse, en étant quasi sûrs de trouver ce qu'ils ont cherché ailleurs, sans le trouver. Non pas que je suis le seul à en posséder des exemplaires, mais parce que je leur sers de guide bibliographique, vu qu'il n'est pas un livre ici, ou un manuscrit, dont je ne connaisse pas les attributs.
Justement, en matière de livres et de manuscrits, pouvez-vous nous éclairer davantage…
La bibliothèque de « Beit el -Bennani », compte à 99% de livres imprimés, et ce sont des livres en plusieurs langues, qui ont un rapport avec la Tunisie depuis le 17ème siècle. Il y a aussi les premières publications tunisiennes en arabe. Je m'arrête aux années 60. Ce sont généralement des livres d'orientalistes qui ont travaillé sur l'histoire, l'art, la linguistique, la pensée, l'ethnologie… Et puis les classiques tunisiens dans les premières éditions. Aux côtés d'une centaine de manuscrits arabes, avec un rapport plus direct avec la Tunisie, et une dizaine de manuscrits écrits en hébreu ou en judéo-arabe.
Aujourd'hui, je continue d'acheter, mais il y a de moins en moins de livres intéressants sur la Tunisie que je n'aie déjà, en toute modestie. Cela étant, il y a une série de livres illustrés sur la Tunisie, qui font ma fierté. Essentiellement photographiques. Une dizaine de très beaux livres : allemands, italiens, anglais…, comme cet ouvrage –L'Afrique du Nord- illustré avec la technique de l'héliogravure. C'est fabuleux et fascinant ! Ils utilisent ici une technique très spéciale. C'est du beau travail.
C'est d'ailleurs en pensant à la conservation de tous ces « joyaux », que je retrouve parfois en un état très lamentable, que j'ai initié l'atelier de reliure. Cela me permet de sauvegarder les livres, de les restaurer moi-même. J'ai quelqu'un d'autre avec moi qui m'assiste aujourd'hui, dans l'atelier. Et ça serait intéressant d'en former d'autres.
Vous êtes par ailleurs, détenteur d'un fonds photographique, paraît-il très fourni. Quelle est sa particularité ?
Outre que j'ai réuni une banque de quelque 25 000 photographies, sur la Tunisie, la particularité de ce fonds c'est qu'il est constitué par des négatifs sur plaque de verre, ainsi que des tirages d'époque, et des cartes postales, que j'ai numérisés et répertoriés sur ordinateur, à 70%. Vous pouvez trouver des photographies de Soler, de Garrigues, de Du Concloit, de Victor Sebag, de Mustapha Bouchoucha, Kali, Gilbert Rapeanbush, Kahia… Il m'arrive bien sûr d'en vendre, pour aérer, renouveler la collection, mais aussi pour vivre, et faire tourner la boîte si je puis dire. Finalement je suis un collectionneur mais pas un fétichiste. Alors une fois que la photographie est numérisée chez moi, dans les normes, il n'y a pas de raison de ne pas la céder si besoin est. Des éditeurs, des écrivains viennent me voir à la recherche de la perle rare, et le plus souvent ils partent satisfaits. Heureux mêmes.
Je vois que « Beit el Benani » ne désemplit pas. Vous recevez continuellement du monde. Pouvez vous nous présenter ceux qui sont là aujourd'hui…

C'est le principe même de « Beit el Bennani ». Je ne crains pas de dire, sa vocation. Ce monsieur (Abdessalem Ben Ammar ) qui est là représente une mémoire vivante : c'est le dernier témoin qui a assisté au démantèlement de la filière de la « Main rouge », impliquée dans l'assassinat de Farhat Hached. Cet autre qui vient d'entrer : M. Samir Sellami, vient de sortir un livre sur Sfax dans les cartes postales, et le troisième : M. Madhar el Mallah est un ami libanais, écrivain et éditeur, aujourd'hui installé en Australie. Il a vécu un temps ici parmi nous, avant de repartir ailleurs. Ces demoiselles font de la recherche, chacune dans un domaine particulier. La première qui étudie les maisons à l'architecture arabe, est venue ici par hasard la première fois. Elle est bien tombée. La seconde a été envoyée par son professeur, orienté lui-même par un collègue, spécialiste en histoire. Et ça n'arrête pas. Ce qui n'est pas pour me déplaire ! A l'intérieur des vielles demeures de la médina, le temps s'écoule différemment. Et j'apprends tous les jours. En ce sens, j'encourage tous ceux qui sont en quête de savoir. Et puis les gens qui fréquentent Beit el Bennani m'apportent aussi un plus, chacun à sa mesure. C'est le cas notamment (pour ne citer que lui) de Si Ahmed Jellouli, qui m'aide à découvrir quels sont les personnes qui sont sur une photographie, et que je suis dans l'incapacité de reconnaître. Lui les a côtoyé de près bien souvent, alors pour archiver, avoir recours à sa mémoire impressionnante, c'est un secours très précieux.
En donnant chair et corps au projet « Beit el Bennani », vous avez réalisé un vœu. Il se trouve que ce n'est pas suffisant pour vous, car le but c'est d'en faire à plus ou moins long terme, une fondation. En quoi est-ce si difficile ?
Ça me tient effectivement à cœur. Et c'est difficile, parce que le cadre juridique reste à faire. Je parle de la fondation dans l'acception moderne du terme. Moi je pense que cet effort ne doit pas partir en fumée. Pour constituer cette bibliothèque, ce fonds iconographique, et cet atelier de reliure, il m'a fallu beaucoup d'énergie, beaucoup de temps. Et mon souhait, c'est de ne pas perdre cela avec mon départ. Donc sur le plan pratique, j'aimerais passer le flambeau à des jeunes, passionnés comme je l'ai été, et comme je le suis toujours d'ailleurs, par le patrimoine. Ces jeunes vont perpétrer une convivialité, une circulation du savoir dans la convivialité. Ça sur le plan pratique. Sur le plan juridique, passer le fonds à la collectivité. Par conséquent, si des jeunes seront intéressés pour me relayer, ça sera possible, bien qu'actuellement, les textes juridiques ne permettent pas encore le statut de la fondation. Car après l'abolition du bien « Habous » au lendemain de l'indépendance, un vide juridique s'est installé. Qui n'a toujours pas été comblé. C'est vrai qu'aujourd'hui, grâce à la politique bienveillante de l'Etat tunisien envers la culture, on encourage la création des associations, mais pas des fondations. Et moi je sais que mes enfants ne s'intéressent pas particulièrement aux livres. Et j'aimerais que mes efforts n'aillent pas à vau-l'eau…
* Sans transition, parlez nous du fameux « couscous du mercredi ». C'est un rituel assez original que vous avez installé…
C'est une tradition familiale qui remonte à trois générations. Jusqu'à la génération de ma mère, il y avait le couscous du vendredi. Pour les plus démunis. Avant cela, le couscous allait à la zaouia « Sidi Ben Arous », puis ce fût le tour de « Jemaâ el Ksar », avant que notre « Skifa » n'accueille le rituel. Les temps ont changé. Et moi qui suis de culture musulmane mais laïc, j'ai décidé que ça sera le mercredi. Je reçois à chaque fois quelque 25 personnes. Et c'est un partage à la saveur à nulle autre pareille. Et là je ne parle pas seulement de mon couscous aux légumes… Nourriture terrestre, et nourriture spirituelle. Et à chaque fois c'est un vrai bonheur ! Je souhaite de tout cœur passer le flambeau. Pour cette tradition aussi…
Propos recueillis par Samia HARRAR


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