M est âgée de vingt sept ans, elle a trouvé auprès d'une famille du travail en tant qu'aide ménagère pour 180 Dinars par mois. Ses parents dont elle est la fille unique résident à Sfax. Elle leur rendait visite à chaque occasion pour leur donner de l'argent. Son père est infirme et sa mère arrive à peine de s'occuper de lui. M travaillait avec abnégation, même si l'attitude du maître des lieux dépassait les règles de bienséance, elle endurait la chose sans dire mot. Lors d'une visite à ses parents, sa mère lui fit part qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle devrait consulter un médecin. Ce dernier a décidé de l'opérer d'urgence. Il fallait pour M trouver de l'argent. Que faire ? Tout au long du trajet dans le train, elle réfléchissait sur la manière avec laquelle elle pouvait obtenir le montant de l'opération chirurgicale. Impossible de demander à son employeur car elle lui donnerait l'occasion de la harceler encore plus. M était perplexe. Une fois ayant repris son service au domicile de ses employeurs, elle passait tout le temps à réfléchir. Elle devait sauver sa mère. Elle était prête à courir tous les risques. Elle pensa aux bijoux de sa maîtresse, seulement quelques pièces. Sa décision était prise, après mûre réflexion. En l'absence de la maîtresse de la maison M a pu prendre quelques bijoux. En cours de semaine elle s'est dirigée vers le souk où elle a écoulé son butin pour l'équivalent de 950 Dinars. L'acquéreur demeure à ce jour en fuite. De retour chez elle la maîtresse de céans, a constaté la disparition des bijoux. Elle en a informé son mari. Ce dernier, s'est dirigé au poste de police pour déposer une plainte. Il a déclaré qu'il soupçonnait l'aide ménagère. Arrêtée cette dernière a avoué son forfait. Elle a donné les détails et les raisons qui l'avaient poussée à commettre un acte pareil. Au cours de l'enquête, et une fois M incarcérée, ses parents ont essayé de trouver un arrangement auprès du plaignant. Ce dernier ne voulait rien savoir. Il a exigé qu'on lui rembourse la somme de 12000 Dinars pour qu'il retire sa plainte. M a été traduite devant la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis pour répondre de son forfait. Elle était en pleurs devant le juge. Elle a avoué avoir volé pour porter secours à sa mère malade. Les auxiliaires de la justice ont trouvé dans sa chambre la somme de cinq cents dinars. Elle a déclaré au juge que les 400 dinars, elle les a dépensé pour faire face aux besoins de ses parents. L'avocat après avoir passé en revue les raisons qui ont poussé la jeune fille à commettre un acte puni par la loi, a demandé l'indulgence et la compréhension des juges. L'acte est condamnable certes, mais l'être humain, est devant certaines situations, très fragile. D'autant plus qu'il s'agit d'une fille unique préoccupée tout le temps par l'état de nécessité dans lequel vivaient ses parents. Par la suite l'avocat s'est interrogé sur le comportement inhumain de l'employeur. Ce dernier a reçu la visite des parents handicapés de la jeune fille qui malgré le manque d'argent étaient prêts à vendre un petit lot de terrain pour pouvoir lui rendre son argent. Ils lui ont proposé 2000 Dinars, il a exigé 12.OOO Dinars. Alors que les bijoux vendus pour la somme de 900 Dinars coûtent peut-être le double mais jamais la somme exorbitante déclarée par le plaignant. En outre c'est un bonhomme qui a toujours eu un comportement douteux, aux dire de la jeune fille qui a été victime de harcèlement durant une bonne partie de la période durant laquelle elle a travaillé chez lui. La jeune fille a été également victime durant sa jeunesse de troubles émotionnels pour lesquels elle a suivi un traitement à l'hôpital de Mahdia. Elle est sujette à des crises d'hystérie. Pour toutes ces raisons , l'avocat a prié le juge de lui infliger le minimum de peine et de se limiter à la période qu'elle avait passé en prison et lui rendre sa liberté afin qu'elle puisse venir en aide à ses parents. Après les délibérations M a été condamnée à 2 ans de prison ferme.