Même si le sujet central de ce numéro 213 du mois de mai 2010 est consacré au rapport entre «langue et identité», l'un des volets les plus intéressants est celui qui traite de l'histoire de la peinture sous verre (peinture sur verre pour l'auteur) signé par l'universitaire Khalil Gouiaâ et dont nous tenterons de vous relater ici les passages les plus marquants. La peinture sur verre représente une partie importante de la culture de l'image dans le patrimoine arabe moderne. Du champ oral à celui de l'image, la mémoire populaire, profondément ancrée dans l'univers religieux, les épopées orales, l'héroïsme, les victoires, les rites mystiques, n'a de cesse d'invoquer le combat tragique mené, entre les forces du mal et les forces du bien. Et si l'Histoire n'a pu nous faire parvenir des textes basés sur les sources définies de cet art, il existe de temps à autre quelques signes émis par les chercheurs, concernant les références esthétiques et techniques sur lesquelles se base l'encyclopédie tunisienne de la peinture sur verre. Mohamed Masmoudi pense qu'il est plausible de remonter jusqu'à l'époque Fatimide pour trouver les racines de cet art et que sa naissance résulte du vieux penchant pour l'art figuratif malgré le combat mené contre l'image et malgré son interdiction par l'orthodoxie musulmane. Par ailleurs, Masmoudi parle de l'influence des miniatures persanes sur le patrimoine de la peinture sur verre en Tunisie. Quand au Docteur Naceur Baklouti, il confirme l'existence d'autres sources étrangères venant d'Italie puisqu'il semblerait que cet art est lié au développement de l'industrie du verre. La peinture sur verre a connu son apogée –selon le catalogue de l'exposition de 1968 à Marseille –au 19ème siècle même s'il faut signaler que cet art a puisé ses racines, pour le monde musulman dans l'enluminure ou l'art de décorer les livres où Wasti a excellé, (selon El Hariri), utilisant des techniques d'une grande précision qui marquèrent de leur présence l'art des miniatures. Khaled Lassram note, de son côté, que l'influence italienne est présente dans les décorations florales alors que celle de la Turquie est facilement remarquable dans la calligraphie arabe. Si l'aventure de la peinture sur verre s'est échelonnée sur plus d'un siècle en Tunisie (du XIXème siècle à l'après deuxième guerre mondiale) beaucoup d'œuvres n'ont pu nous parvenir sûrement à cause de la fragilité du verre. C'est ainsi que l'œuvre la plus ancienne de cette encyclopédie se trouve au musée «Dar Jallouli» à Sfax et remonte à 1888. Après ce survol historique, Gouiaâ tente de concilier entre toutes les propositions concernant les diverses influences «étrangères» sur l'art de la peinture sur verre en Tunisie, son ancrage dans le champ culturel référentiel, le rapport entre l'image et l'écrit, le conte populaire, les épopées et la qualité et le poids de la présence de cet art dans la création plastique moderne en Tunisie, etc. Un dossier parfaitement structuré, traité avec grande clarté, qu'on gagne à lire aussi bien pour s'informer que pour le plaisir.