A y regarder de plus près, les feuilletons, séries et sitcoms de 2009 et de 2010 diffusés sur nos chaînes télévisées n'ont qu'un seul et unique héros, un seul et unique jeune premier, une seule et unique grande star : il s'agit du téléphone portable, du « mobaayle » comme diraient nos frères égyptiens au cinéma, à la télé et bien sûr dans la vie ! L'autre jour, en regardant successivement trois séries tunisiennes sur trois chaînes différentes, nous avons constaté qu'il ne se passe pas une seule minute dans ces programmes sans qu'un personnage féminin ou masculin, jeune ou vieux, riche ou de condition modeste, citadin ou campagnard ne prenne et reprenne son téléphone mobile pour appeler et rappeler un proche, un ami, un collègue, son patron ou son psy, parfois même le concierge de son immeuble et « sa» femme de ménage ! Le règne le plus long C'est peut-être là l'image la plus réaliste que ces émissions reproduisent de notre société actuelle laquelle effectivement, élève le portable au rang des objets sur utilisés. A l'instar des modèles vivants dont ils sont inspirés, les héros de nos feuilletons et désormais ceux de nos dessins animés ne ratent pas la moindre occasion pour frimer avec un dernier cri de la téléphonie mobile. Il y a quarante ou cinquante ans, les deux nouveautés technologiques à la mode dans la vie et sur nos petits et grands écrans, c'étaient le poste radio et le téléviseur. Les objets modernes de la cuisine (frigidaire, cuisinière à gaz, mixeur, four électrique etc.) eurent aussi leur temps de gloire. Aujourd'hui, c'est au tour du téléphone portable de crever l'écran et il y a de fortes chances que son « règne » dure encore plus longtemps que celui de tous les gadgets précédents. Il faut dire que le téléphone mobile ne fait que relayer son « père », le téléphone fixe, qui naguère surclassait dans la vie et dans les fictions, bien d'autres objets utilitaires. Le « vieil » appareil résiste tant bien que mal à l'ambition dévorante de son héritier : audio-visuellement, on y a encore recours, mais seulement dans les bureaux (Et encore !). Il serait presque anachronique aujourd'hui et même ridicule de montrer un acteur utiliser le fixe pour joindre depuis sa maison un ami ou un voisin! Abus calculé D'ailleurs, cette invasion du cinéma et de la télé par le téléphone portable est, de nos jours, universelle. Le « phénomène » illustre on ne peut mieux les effets dévastateurs de la mondialisation au niveau de la communication entre les hommes de la planète ! Le produit cinématographique ou télévisuel le plus modeste réalisé dans le pays le plus pauvre du monde donnerait aisément et presque inévitablement lieu aujourd'hui à des scènes où le portable a le beau rôle. Chez nous, nous voulons dire dans nos feuilletons, on abuse de cette exclusivité artistique accordée généreusement au téléphone mobile. Certes, le recours au portable est excessif dans la vie courante des Tunisiens, mais de là à conforter audio visuellement ces derniers dans leur ruineuse et débilitante manie, cela confine à la non-assistance à personne en danger et ressemble à une combine ourdie contre le budget du consommateur ! Les fabricants et les vendeurs de ces appareils ont eux aussi intérêt à ce que l'obsessionnelle manie perdure. Le phénomène de l'identification aidant, les sangsues de tous bords exploiteront à fond cette nouvelle manne technologique qui a encore de beaux jours devant elle. Et le jour où le « mobaayle » se démodera, on lui trouvera très vite un successeur. Déjà, nous en voyons un qui, pour le moment, n'arrive pas à percer : l'ordinateur ! Le computer et son corollaire l'Internet font une entrée timide dans nos mœurs et dans nos productions audiovisuelles. Peut-être à cause de la cherté relative de l'engin! Mais qui sait si demain, les Américains, les Chinois ou les Japonais ne nous inventent pas l'ordinateur de poche et ne mettent pas Internet à portée de doigt du plus humble gardien d'immeuble et du plus pitoyable des mendiants !