Dimanche 5 septembre correspondait au 26 du ramadan : la « Nuit du Destin ». Le spectacle de Nabil Ifrit tombait à pic : il rimait avec cette nuit sacrée, la plus vénérable du mois saint. Un spectacle fait de chants liturgiques et soufis, ce qui allait à merveille avec cette occasion religieuse très distinguée dans notre religion et notre tradition. Ce qui rendait cette soirée plus belle et plus riche, c'est cette fusion musicale entre des artistes tunisiens et turcs qui témoignait d'une acculturation entre les deux musiques méditerranéennes dont les rythmes et les mélodies représentent beaucoup d'analogie, d'autant plus que Tunisiens et Turcs sont imprégnés de la civilisation et de la culture ottomanes, ce qui favorise la réussite de telles rencontres entre les artistes des deux pays. La soirée, consacrée à la chanson spirituelle dans les deux pays, était admirablement réussie, de par le répertoire musical représenté ce soir-là, quoique l'assistance ne fut pas considérable ! D'ailleurs, c'était le seul bémol qu'on ait pu constater. Nabil Ifrit nous a présenté, dans un souci d'ouverture sur la pluralité culturelle, une troupe musicale mixte, formée de quatre Tunisiens et de trois Turcs. Tous les instruments utilisés étaient des instruments à cordes et à percussion. Aucun instrument électronique ni électrique, ce qui donna à la troupe, sa vocation orientale avec les deux « ouds », le « qanoun », le « rabab » et le « saz » (sorte de luth à manche long et à trois cordes). Les membres de la troupe se sont distingués par leur jeu subtil de leurs instruments respectifs tout en chantant en solo ou en chœur différentes chansons spirituelles choisies dans le registre soufi tunisien ou turc. Des intervalles de morceaux musicaux ont été assurés, tour à tour, par des musiciens tunisiens ou turcs et furent bien savourés par le public. Les différentes chansons turques qui furent interprétées par un chanteur turc tournaient autour du prophète Mohamed et du Dieu Tout-puissant. Quoique peu de mots fussent compréhensibles, le public s'est régalé des rythmes et des mélodies qui ressemblaient énormément aux nôtres. Quant aux chansons tunisiennes, elles ont été interprétées par le jeune chanteur Soufiène Zaïdi qui jouait également du luth. Il avait fasciné l'assistance par sa voix suave et sa belle performance. Les chansons interprétées par Soufiène appartiennent au patrimoine multitraditionnel tunisien et turc composé de « mawal », de « samaï » et de « zajal », des genres musicaux omniprésents dans les compositions arabes et turques à la fois où il est question de panégyriques destinés au Prophète et aux hommes saints de la religion musulmane. Le public a eu aussi droit à un duetto chanté par les deux chanteurs tunisien et turc, chacun dans sa langue certes, mais avec beaucoup de distinction et de raffinement. C'était une soirée pleine de spiritualité et de vénération à la religion et aux hommes saints : c'était un spectacle digne de la « Nuit du Destin ».