Un regard de cinéma. Celui qu'un réalisateur Belge a choisi de porter un jour, à travers une histoire tragique, qui pourrait sembler anodine mais qui ne l'est pas, sur le destin d'un immigré, dont l'existence, tout comme la mort brutale, ne semblent avoir interpellé ni inquiété personne. Sauf un marginal comme lui, le seul peut-être qui l'ait approché de près, ou si peu, juste le temps de le perdre de vue puis de retrouver son cadavre à l'abandon, dans un autobus désaffecté. Le personnage, joué sur le fil par un Pierre Clémenti génial et au regard enfiévré, avec les quelques papiers d'identité qu'il retrouvera sur le corps de la victime, entreprendra un voyage aussi imprévu que surprenant, jusqu'à ce sud de la Tunisie dont il ignorait jusque-là l'existence, pour tenter de comprendre ce qui s'est réellement passé, et qui a conduit un jour Salah à s'exiler… Quelque trente-cinq ans plus tard, le film s'avèrera toujours d'une brûlante actualité. «Le fils d'Amr est mort», long-métrage en couleurs, de 80 mn, drame psychologique réalisé en 1975 par Jean-Jacques Adrien, (production : Belgique- France- Tunisie) et tourné à Guermassa dans le sud tunisien) sera présenté à Tunis, dans sa version restaurée, le mercredi 29 septembre (à 19heures) au ciné-club de l'AfricArt, à l'occasion du passage intra-muros, du cinéaste, qui est revenu sur les lieux du tournage, à la rencontre des habitants du village qui étaient les acteurs du film. Lesquelles retrouvailles seront filmées par une équipe de l'ISAMM, l'Institut supérieur des Arts multimédias de la Manouba. La séance qui sera animée par Tahar Chikhaoui, permettra aussi de montrer, en première mondiale, la séquence documentaire tournée à Guermassa par l'équipe de l'ISAMM. Mais aussi de présenter un nouveau-né des éditions Cérès, intitulé : « Tunis Battice Bruxelles : parcours de cinéma ». Bel exemple de collaboration entre gens de cinéma tunisiens et belges, au départ de deux écoles partenaires ; l'ISAMM à Tunis et l'INSAS (Institut Supérieur des Arts du Spectacle) à Bruxelles. « Le fils d'Amr est mort » a été projeté pour la première fois en Tunisie en 1998, à l'occasion des JCC (Journées Cinématographiques de Carthage). Fiction méditative s'il en est, de plain-pied dans le réel, et dans le siècle, le film serait la confrontation entre deux mondes, deux cultures, à travers le regard –empathique- d'un cinéaste, qui interroge l'Histoire, et l'humanité des êtres, dénonçant, sans avoir l'air d'y toucher, ce qui va mal dans ce monde régi par les trahisons, et acculant les individus à une solitude profonde ; et parfois à un déracinement forcé qui les conduit d'une douleur à l'autre. De l'Europe à la Tunisie, un chemin à rebours pour poser des interrogations essentielles, sur la quête de soi et de l'autre, sur l'immigration, et sur l'impossibilité de communiquer dans un monde quadrillé par les intérêts, où s'il arrive aux êtres de se rencontrer, c'est généralement par accident ; presque une « erreur de parcours » en somme. Grand Prix (Léopard d'Or) du Festival International de Locarno à sa sortie en 1975, « Le fils d'Amr est mort » est à (re)découvrir absolument !