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Contre la «pédagogie du couscous» et le «choc des civilisations» Livre - « Les Littératures francophones : quels apports, quelles perspectives pour la didactique du français »**
Si vraiment vous avez envie de lire un bon livre sur une problématique d'actualité touchant à l'école, à l'enseignement et à la didactique du français, nous vous conseillons l'excellent ouvrage publié cette année par l'Unité de recherche « Ecole et littérature » de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse. Il s'agit en fait des Actes des 10èmes Rencontres des Chercheurs en Didactique de la Littérature qui se tinrent les 2, 3 et 4 avril 2009 pour tenter de répondre aux deux questions suivantes "Les littératures francophones : quels apports, quelles perspectives pour la didactique du français ? " Nous avons personnellement suivi quelques unes des communications lues au cours de la manifestation et assisté aux débats que les conférenciers suscitèrent parmi l'assistance. Sincèrement, cela mérite que vous en appreniez quelque chose ! Pédagogie de la diversité La rencontre part d'une constatation plutôt amère et d'une vérité présentée comme indéniable, ce que souligne du reste M. Amor Séoud, directeur de l'Unité de recherche citée plus haut, dans son allocution d'ouverture : La constatation c'est que l'enseignement des Belles-Lettres bat de l'aile, marque le pas un peu partout dans les écoles de notre monde globalisé. « Le marché, qui a plutôt besoin de savoirs scientifiques, n'en a que faire désormais des Belles-Lettres», soutient-on fermement chez nous comme ailleurs. Or, répond Séoud, et c'est là la vérité inébranlable de départ, une école qui néglige ou abandonne l'enseignement des Lettres renonce à son rôle éducatif. En effet, rappelle-t-il, tout le monde sait depuis Montaigne « que c'est précisément par les Belles-Lettres ou plus par les Belles-Lettres que par les sciences que l'éducation s'accomplit ». D'autre part, si le problème de la place des Lettres à l'école d'aujourd'hui se pose avec acuité pour l'enseignement des auteurs et des œuvres françaises universellement consacrées, la situation doit être encore plus grave quand on attend de cette école qu'elle s'ouvre sur les écrivains francophones, qu'elle découvre et fasse découvrir leurs productions littéraires. Défendre la diversité culturelle passe, nous dit Amor Séoud, par la reconnaissance de l'apport incontournable des littératures francophones dans « la construction de soi du sujet », et ce en aidant tout à la fois à la connaissance de l'autre et à la découverte de soi à travers l'autre. Seulement voilà, les obstacles s'érigent nombreux devant une réelle pédagogie interculturelle et un projet global de civilisation qui aide l'homme à construire son humanité : les plus durs à franchir ont trait au complexe d'infériorité encore tenace dans l'esprit de plusieurs pédagogues et éducateurs des anciennes colonies françaises, et à l'ethnocentrisme de leurs homologues français qui ont plutôt tendance, en s'ouvrant sur les littératures d'expression française, à les folkloriser et à favoriser ce qu'on a humoristiquement appelé « la pédagogie du couscous ». Les 10èmes Rencontres des Chercheurs en Didactique de la Littérature combattent justement de telles attitudes improductives qui finissent par donner raison à ceux qui font planer sur notre monde pluriel « le spectre du choc des civilisations ». Comme le dit si bien le Professeur Amor Séoud, ces Rencontres plaident « la cause des littératures francophones dans leur variété et leur singularité » et, pour cette raison, elles « sont portées par l'espoir d'infléchir la didactique du français, d'influer sur le cours de son histoire ». Des intervenants et des sujets Le colloque, si l'on peut appeler ainsi ces rencontres, a vu la participation de didacticiens et de chercheurs originaires de Tunisie, d'Algérie, du Maroc, d'Afrique du Sud, de Côte d'Ivoire, de France, de Belgique, de Suisse et du Portugal. Leurs communications abordent la problématique de la pédagogie interculturelle sous des angles divers : nous en citons juste pour l'exemple et un peu aussi parce qu'elles nous ont interpellés plus que les autres, les interventions de Gérard Langlade intitulée Littérature de jeunesse, intégration sélective de l'histoire et folklorisation des cultures ; d'Annie Rouxel « Marginalisation, neutralisation, exclusion des littératures francophones (postcoloniales) dans l'enseignement secondaire en France ; de Béatrice Larroux « Contribution à une poétique de la relation (sur L'Esclave vieil homme et le molosse de Patrick Chamoiseau) » ; de Martine Jacques « Imaginaires d'Afrique en école primaire : de l'exotique à l'endogène, un corpus pour le décentrement » ; de Marie-Manuelle Da Silva « Quelques pistes de réflexion sur les enjeux de la mondialisation culturelle dans le contexte des Etudes Françaises à l'Université » ; de Samir Marzouki « Enseigner la littérature tunisienne de langue française en Tunisie, rien n'est moins évident ? » et enfin celle de Mansour M'Henni « Enjeux pédagogiques et civilisationnels de l'enseignement de la littérature maghrébine de langue française ». B.B.H.
**« Les Littératures francophones, quels apports, quelles perspectives pour la didactique du français ? », 10èmes Rencontres des chercheurs en didactique de la littérature ; par L'Unité de recherche « Ecole et littérature » de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse ; Editions Sahar avec le concours du Service de Coopération et d'action culturelles de l'Ambassade de France en Tunisie ; avril 2010 ; prix public 12 dinars tunisiens (15 euros)