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Laissez voler les Mouettes…
Inédit de Tahar Chériaa
Publié dans Le Temps le 11 - 11 - 2010

Textes inédits réunis par Khemies KHAYATI - Tahar Chériaa (1927-2010), le promoteur du cinéma tunisien, arabe et africain est parti laissant un sentiment d'inachevé … Homme de terrain depuis plus d'un demi-siècle, il n'a cessé de militer pour la naissance d'une cinématographie différente révélant non seulement la réalité des jeunes nations, mais plus encore leurs rêves. Avant lui, personne n'entendait parler de Chahine, Sembène, Cissé ou même du critique Sounamou Vieyra… Aujourd'hui, grâce aux JCC qu'il avait fondées en 1966, ces noms sont devenus des références dans le cinéma international. Tahar Chériaa y était pour quelque chose …
Bien plus, l'homme était un fin observateur du mouvement des idées politiques et de leur réalisation dans son pays… Les extraits ci-après de son « vieux et tenace projet de Mémoire Parallèle. Septembre 1969-Février 1971 » comme il me l'écrivait en m'en confiant de larges pages, ces extraits, que nous publions pour la première fois, démontrent que Tahar Chériaa n'avait pas les yeux dans les poches… Plus même, il appelait le chat un chat. Chose qui constitue l'un des traits de son caractère. Nous n'avons effacé que les noms propres des membres de sa famille et de ses proches. L'ensemble, d'une plume alerte, est une observation d'un mouvement culturel global qui fit de lui une victime pour un moment. Chériaa est parti… son œuvre, elle, demeure… Que Dieu ait son âme en paix.
« Les bris et les cris d'une vie rêvée »
Lundi 8 septembre 1969 (17h)
«Me revoici à l'hôpital. Il ne fallait pas plus de ces cinq semaines d'étuves pour que mes arthrites m'y ramènent malgré toute la mauvaise volonté du vieux toubib geôlier pour qui un prisonnier n'est malade à la rigueur que s'il est déjà mort et enterré. (Il paraît qu'il en convient alors avec les autres gardiens de la prison. « Il me semblait bien aussi que ce type était malade mais bah, bon débarras, n'est-ce pas ! »)
Le professeur « bonne action » par contre a été aussi compétent que compréhensif. Il m'a immédiatement admis dans son service où je me trouve donc depuis quelques heures.
Un coup de téléphone et quelques commissions-contacts lancés en ville par l'intermédiaire de mes amies les infirmières… et en attendant les premières manifestations amicales du monde extérieur, voyons un peu, essayons de reprendre haleine. Un peu de détente. Ce lit n'a rien de génial mais c'est si bon ! Les yeux s'en referment de plaisir. On se sent chat des pieds à la tête. Et cette fenêtre, là, si immensément ouverte sur le ciel et la colline à portée de main… Ce n'est pas croyable ! Dans le jardin, sous un splendide ibiscus au ramage flamboyant, une mêlée de… trois, cinq, non six chatons folâtrant par-dessus le corps endormi de leur mère. Ils sont si vifs dans leur jeune fourrure noire et blanche, si drôles dans leur lutte et leurs bousculades… Si H… vient me voir demain et si ces chatons sont toujours là, il voudra sûrement en prendre un, et je le comprendrais. Mais hélas, sa mère fera encore des histoires, surtout s'ils ont déjà quitté la villa pour le petit appartement en ville.
Cet appartement, l'inscription des gosses à Sadiki, cette rentrée scolaire et ses frais… de nouveau le nuage. Cette hébétude des soucis et du sentiment d'impuissance. Ce brave S…, aura-t-il réussi à faire à temps tout le nécessaire ? J'ai hâte de savoir. Je me sens fatigué».
Mardi 9 septembre 1969 (23h)
«B… a ouvert ce matin la ronde des visites. Elle arrive vers dix heures, toute négroïde comme moi, dans le temps, après chaque été passé à Sayada. Elle en rit, mais je sens bien que cela gêne sa coquetterie. Elle ne se croit pas en disant qu'elle est « la mieux bronzée de toutes ses camarades ». Au fond, elle se trouve trop noire et, avec le racisme primitif et superstitieux des vielles conasses blanches comme sa … ce sentiment doit sûrement la gêner plus qu'elle ne l'avoue. C'est dommage car cette couleur lui va à merveille. Juste un peu plus de finesse dans les traits, un peu moins de gras dans les rondeurs, elle serait une splendide beauté, B…
Elle me raconte leurs vacances. Tout s'est bien passé finalement. Personne n'a été malade et ils n'ont manqué de rien. Ma vieille mère s'est résignée à ne plus pleurer et m'attend en silence. Pourvu qu'elle tienne… ça me ferait si mal de quitter trop tard cette prison et de ne pas la revoir. Ils sont à Tunis depuis une semaine. S… leur a trouvé un petit appartement en plein centre ville. Evidemment, c'est un peu étroit pour leur tas de bric à bric inutiles et les mauvaises habitudes prises depuis vingt ans où ils n'ont habité que de grandes villas. Mais enfin, ça y est. Ils sont en ville et vont se regrouper en deux établissements presque voisins. Il n'y a plus que les problèmes matériels de la rentrée… trousseau et fourniture scolaire et puis ce sera la routine d'ici quinze jours, ce grand souci aura été probablement oublié…
Puis, ce furent les amis et connaissances de l'hôpital. Médecins, anciens élèves de Sfax et infirmiers comme lors de mon premier séjour ici… qui se succédèrent à mon chevet. Mon tiroir est déjà plein de cigarettes de plusieurs marques et j'ai déjà de quoi lire pendant un mois. Tout cela n'est rien peut-être (pour eux) mais c'est tellement réconfortant pour moi. Je me sens tellement mieux.
Puis ce fut le tour de ce brave S… d'arriver entre 14 et 15 heures, moment de la visite générale des parents aux malades. Il pleura (et faillit me faire pleurer) en m'embrassant et il maudit les auteurs du dernier coup fourré (allusion à mon élargissement avorté du 3 août). Il avait deux paquets à la main. Il a pensé vraiment à l'essentiel et au plus urgent de mes petits besoins, m'administrant ainsi la preuve qu'il les connaissait bien. Du sucre ; du café moulu, un thermos plein d'excellent « express », un cahier, un bloc notes et des stylos, du tabac et des cigarillos « panthères ». Il m'a confirmé les nouvelles rapportées par B… et m'en a donné d'autres aussi rassurantes. Il m'a quitté sur la promesse de contacter P…et H…(qui séjournent toujours à la plage, ce qui explique qu'elle n'ait pas encore réagi à la commission que je lui avais lancée hier avec « Petit chaperon rose »)».
L'apparition de H…
«Il y a deux heures à peine, alors qu'il faisait déjà nuit et qu'avant de nous endormir, nous bavardions, trois autres malades et moi avec l'infirmière surveillante de nuit, à propos des nouveaux chefs de la République Arabe Libyenne, je vis avancer timidement dans le couloir deux jambes filiformes et silencieuses, en sandale de plage surmontées d'une mini robe orange, d'un petit cou et de la petite tête la plus familière et la plus émouvante. H…fut dans mes bras avant même que je ne réalise que c'était bien elle. Mon compagnon, le flic de garde, n'eut pas le temps de faire une remarque, j'oubliai moi-même de la lui présenter et de lui demander la permission de la garder un moment. Je tirai H… vers ma chambre où nous fûmes plus à l'aise (j'entendis l'infirmière expliquer au flic qui ne nous dérangea point)…
Elle m'apportait certaines lettres et des nouvelles de l'étranger (ainsi que le numéro du Nouvel Observateur que mon retour en prison m'avait empêché de lire) et nous en vimes ainsi à bifurquer sur la politique de ces messieurs les Destouriens !
Cette politique qui prenait un drôle de tournant depuis un mois ! (Juste au moment où on me faisait réintégrer mon château fort où toute information est interdite, on dirait que c'était fait exprès). Un fameux virage à droite exprès par le vieux, poussé et compromis par les fortes puissances féodales, mercantiles et réactionnaires que compte le pays. Ça m'a l'air d'avoir été exécuté en trois temps et trois grands mouvements.
Rappelons d'abord le schéma de la « Révolution Socialiste destourienne » telle qu'elle devait être lancée en cette année avec le II plan : 1969-72
Le secteur industriel – et notamment les industries hôtelières et touristiques – devait seul continuer à comporter les trois formules d'exploitation publique (office et Sociétés d'Etat), coopérative et privée.
Par contre le secteur commercial ne devait plus comporter d'entreprises privées. La réforme y était en fait déjà entièrement réalisée au début de cette année 1969. Il en était de même pour le sous secteur des transports privés dont on terminerait le regroupement au début de cet été.
Restait le plus gros morceau : l'agriculture.
Le plan 69-72 adopté à l'Assemblée nationale en décembre 68 après toute une année de préparation (le même plan qui, en matière de cinéma avait provoqué la haine des T…et mon emprisonnement) prévoyait la généralisation de l'exploitation collective des terres par l'adoption de la formule « tunisienne » des « Unités de production » expérimentée dans le nord du pays et au centre depuis cinq ans déjà et qui, depuis, avait bénéficié d'une propagande et d'une campagne d'information intenses. Ces U.P agricoles étaient devenues la grande référence et la gloire du régime, surtout depuis que le Congrès de Bizerte, en octobre 66, avait transformé le Néo-Destour en « Parti Socialiste Destourien » et opté résolument pour un socialisme pragmatique dont le clou devait être la réussite d'une profonde réforme agraire et d'une espèce de Révolution Blanche dans tous les domaines. Le premier plan quadriennal 1965-68 qui servit immédiatement au « Congrès du Destin » devait refléter cette option fondamentale et ce pragmatisme en même temps. Le pays devait en somme, prudemment mais résolument prendre son chemin vers le Socialisme, mieux, vers « sa propre voie socialiste », ce qui était bien plus ambitieux et davantage dans le style de Bourguiba. Les objectifs de ce premier plan n'avaient à être si systématiques, ni forcément homogènes. Toutes les « expériences » qui ne jureraient pas finalement avec les objectifs lointains du Socialisme – c'est-à-dire , surtout pour les Destouriens de bonne foi, une certaine justice sociale et un rapprochement humain de classes sociales par la réduction progressive de la séparation des biens entre elles – toutes ces expériences devaient être tentées et menées le plus sérieusement du monde parallèlement et simultanément même si elles étaient contradictoires et si les effets économiques et sociaux s'y annulaient mutuellement de l'une à l'autre…»
Cinéma : le virage à droite
«Contre l'ambiguïté de ce parti pris de tout expérimenter soi-même sur le terrain en y foutant les moyens et le temps qu'il faut – et l'équivoque aberrante d'une politique qui prônait en fait la stimulation du capitalisme privé et l'esprit de lucre en même temps qu'elle poussait aux nues les petites expériences pilotes d'un collectivisme plus empirique et idéaliste qu'original contre ces aspects déroutants de la nouvelle politique destourienne, les responsables - et à leur tête le vieux leader qui semblait y avoir retrouvé sa jeunesse et son enthousiasme de 1934-39- brandissaient à longueur de journée leur sacro-saint « réalisme tunisien » et leur horreur de tout dogmatisme doctrinal. Il y avait à cela une raison profonde - une espèce de sincérité à mettre sûrement « à son crédit » sa méfiance viscérale de tout ce qui se trouverait seulement avoir été préconisé par le Marxisme lui-même et sa phobie obsessionnelle de tout espèce de « précédent communiste ». Cette méfiance et cette phobie étaient objectivement exacerbées par sa hantise (surtout depuis l'affaire de Sakiet et de Bizerte et de la nationalisation des terres coloniales, prix de l'ultime désillusion qu'il venait de subir au cours de ce fameux périple en 1965 au Proche Orient Arabe d'où il revenait plus isolé que jamais au milieu de tous ces régimes de faux-frères aussi démagogiques à droite ou à gauche) de voir s'ébranler par quelques fissures la précieuse confiance des USA dans son régime…
Congrès du Destin à Bizerte, rajeunissement des cadres du Parti, transformation théorique de celui-ci, et option pour un « Socialisme destourien », Soit. Il y aurait fort à parier qu'il y croyait plus qu'il n'y a été forcé. (A part De Gaulle et « les intérêts du Monde libre » qui l'a jamais forcé, à moins que ce soit le grand chanceux ?) Mais tout dépendait évidemment de la manière et du travail sur le chantier. Il est trop bon politique pour ignorer que c'est là ce qui compte pour les amis comme pour les ennemis et surtout pour ceux-ci - le travail effectif sur le terrain, non les slogans. On reconnaîtra donc peu à peu son style et son « originalité » à l'élaboration pratique et quotidienne de « son Socialisme ».et d'abord à ce « parti pris d'expérimentation de tous les systèmes et de toutes les formules de promotion économiques et sociales sans parti pris préalable » dans lequel il lança le pays à partir de 1965 et pour lequel, il fit résolument consacrer le premier plan quadriennal 65-68.
L'exemple qui me paraît le meilleur parce que je le connais pour l'avoir vécu moi-même depuis sa projection en 1964 jusqu'à son fiasco actuel et mon « arrestation » et parce que j'en parle par ailleurs, est l'histoire de ce CO-TU-DIC, parti d'un projet de « réforme » de ce plan (Regroupement de tous les distributeurs de films en Tunisie) stoppé au carrefour du choix entre l'entreprise strictement privée et la société d'économie mixte contrôlée par Etat, encouragé par ce même Etat contre ses intérêts les plus évidents représentés par sa société nationale (SATPEC) et finalement condamné par lui (dans les nouvelles réformes du II plan 69-72) au bénéfice de cette même SATPEC à laquelle est « imposé » d'autorité, en janvier 1969, un Monopole de l'importation et de la distribution des films.
Ce Monopole, étant à son tour condamné en Septembre de la même année… dans ce beau virage à droite que viennent d'effectuer les virtuoses du « Socialisme destourien », cet exemple typique n'est ni isolé, ni le moins du monde exceptionnel. Il illustre très justement cette politique marquée par une certaine inflation progressive de la terminologie socialiste au niveau de la propagande officielle (s'appuyant là, sur ces fameuses Unités de production agricoles et sur les coopératives commerciales, les sociétés régionales de transport et quelques offices comme l'OMVVM) accompagnée d'une extrême « prudence » et d'un tâtonnement systématique sur le terrain. Un slogan devenu de consommation courante, faisait le joint entre ces deux paliers, le verbeux et le terreux, si je puis dire : c'était « la réforme des réformes » ou – dans les discours un peu plus académiques de la commission nationale des Etudes Socialistes, par exemple – « le réajustement constant de l'expérience à la réalité tunisienne spécifique ».
Le zèle et l'alliance
«Le péché d'orgueil érigé à ce niveau ne pouvait, par les manifestations inéluctables de son incohérence, que rassurer assez sérieusement à l'intérieur les féodaux, les capitalistes, les petits bourgeois et le bureaucrate et pseudo démocrates nouveaux nantis qui constituent la majorité des forces détenant réellement les pouvoirs économique et politique dans cette République Socialiste, et à l'extérieur, les alliés inconditionnels que sont les Gaullistes de France et l'Oncle Sam à la tête de ce « monde libre » . Cela les rassurait sans doute sérieusement mais pas totalement. Ces forces internes, rétrogrades et réactionnaires et ces intérêts étrangers néo-capitalistes et impérialistes étaient tout de même sur le qui vive et devaient même probablement s'inquiéter au fur et à mesure que cette inflation terminologique au niveau de la propagande officielle était le fait de cadres régionaux et ruraux et accoutumait donc des couches de plus en plus larges de la population – notamment une certaine jeunesse semi instruite et sous employée, de plus en plus nombreuse et mécontente – à des notions nouvelles sur « la priorité de la fonction sociale » ou la collectivisation des moyens de production. Les appels à la solidarité sociale et à la coopération économique de tous les citoyens, le rabâchage intensif des nécessités économiques dues à la poussée démographique et aux retards énormes des moyens et méthodes de production etc. tout cela avait beau être quotidiennement modéré et atténué dans ses effets psychologiques et sociaux par les mille et une mesures tendant à rassurer les féodaux et autres capitalistes, les cent familles plus ou moins séduisantes de coopération, d'associations et d'intéressement que le régime leur offrait, il n'en demeurait pas moins que personne n'était totalement rassuré par cette politique équivoque.
Sur le plan politique, le régime tirait d'ailleurs de cette ambiguïté dans son action et de cette équivoque dans ses objectifs et ses intentions véritables de très sérieux avantages tactiques et opérationnels. Il arrivait ainsi, notamment à désamorcer tant bien que mal- et plutôt avec un certain bonheur, il faut le lui accorder – aussi bien les signes velléitaires de contestation et de révolte de la part des étudiants et des jeunes en général victimes de paternalisme sévère des cellules du parti et de l'étouffement de toute expression d'opinion non conformiste, que les timides tentations de « zèle socialiste » manifestées de temps en temps par quelques jeunes cadres de ce même Parti,soit par conviction idéologique, soit plutôt pour mieux accréditer la grande prétention de « liberté à l'intérieur du parti » qui est l'un des slogans permanents de tout parti unique et totalitaire.
On a pu constater ces avantages tactiques tout au long des années 65-68, aussi bien lors de la petite fronde des paysans de Msaken en 65 qu'à la suite des manifestations estudiantines du printemps 67 et plus particulièrement à travers les succès relatifs de la Commissions des Etudes Socialistes qui a réussi à grouper effectivement beaucoup de jeunes universitaires, syndicalistes et coopérateurs dans une ambiance de recherche et de discussions suffisamment libres et surtout suffisamment progressistes, en apparence, pour susciter l'intérêt et nourrir une certaine espérance révolutionnaire chez les éléments de la jeunesse et de l'université qui se sentaient les plus sceptiques».
N.B : Les intertitres sont de la rédaction


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