L'autre et le mal sont présentés dans les livres anciens par le même mot. Le danger vient toujours de l'Autre, de l'Etranger. Sartre n'aurait donc rien apporté de nouveau en achevant son « Huis clos » par « L'Enfer », c'est les autres. La diabolisation de l'étranger et le fait de lui faire endosser la peau du bouc-émissaire en période de crise ne date pas d'aujourd'hui. Si citadelles, forteresses et pont-levis ont été crées pour faire obstacle à l'incursion des autres parmi nous, cela n'est pas pour protéger indéfiniment ceux qui se trouvent à l'intérieur des murs contre les méfaits de ceux qui sont à l'extérieur et qui cherchent à s'introduire parce que « la vraie vie » se trouve à l'intérieur. Mille et une ruses guerrières ont été inventées pour pallier l'invulnérabilité des cités fortifiées et la plus célèbre est peut-être celle « relatée par les dramaturges grecs dans « La guerre de Troie n'aura pas lieu ». Si le nazisme avait pris juifs, communistes, gitans, homosexuels et handicapés comme risque et cause du déclin de l'Allemagne et perdition néfaste de la race aryenne, l'on assiste ces derniers temps à la diabolisation d'une autre communauté « fraîchement » arrivée en Europe. Ce sont les nouveaux immigrés attirés par les lumières de la ville quand celle-ci avait besoin de main-d'œuvre bon marché et rejetés comme étant source de mal dès que la cité et ses terroirs sont en crise. Ce n'est donc pas un hasard si par ces temps de chamboulement économique et culturel, les politiciens français de droite et d'extrême droite mais aussi certains autres prétendus de gauche ne parlent des immigrés d'origine maghrébine dans leur majorité et musulmane de surcroît) qu'à travers trois prismes : l'immigration clandestine, la violence urbaine, la délinquance et la crispation religieuse. C'est l'atout qu'il faut avoir pour toucher le plus d'électeurs possibles. La guerre des prétendants à la présidence ne se fera pas donc sur des bases économiques, financières ou sociales à moins qu'elles ne soient approchées en tenant compte de l'influence des « étrangers » sur ces secteurs clefs de la vie publique. Si l'on prenait les trois suscités un par un pour analyses, nous nous rendrons rapidement compte qu'ils n'impliquent pas la seule communauté immigré – mais tous les citoyens français. En effet, la majeure partie des immigrés d'origine maghrébine ont des cartes de séjour en bonne et due forme et leurs enfants sont dans leur majorité nés en France donc Français. L'on voit pas pourquoi ils seront responsables plus que d'autres du flot des immigrés clandestins qui n'intéresserait, en réalité, que les ministères de tutelle (Intérieur, Justice…) et les politiciens de tous bords. Quand à la violence urbaine et la délinquance cela demeure avant tout un problème qui impliquerait aussi toutes les politiques françaises en la matière. Celles-ci ont crée des ghettos et les ghettos, qu'ils soient aux Etats-Unis d'Amérique, en Afrique, du Sud, en Allemagne et dans les pays de l'Est européen avant et pendant la deuxième guerre mondiale, sont générateurs de violence et de drames sociaux. C'est donc à la France de résoudre ce problème majeur qui n'est pas uniquement urbanistique mais culturel et social. On comprend mal pourquoi on condamnerait ceux qui sont prisonniers des ghettos parce qu'ils s'y trouvent alors que ceux qui les y ont parqués se présentent comme étant la victime de ces barbares. On punit ceux qui souffrent du racisme à tous les niveaux, de véhiculer un tel sentiment par leur simple présence aujourd'hui qu'on n'a plus besoin d'eux pour assumer « les basses besognes » imposées par le développement du pays. Enfin, pour ce qui concerne le troisième prisme qui est la crispation culturelle, les responsables sont au moins doubles. Il y a tout d'abord l'accaparation des mouvements réactionnaires à caractères religieux de la masse des immigrés en France et de leurs descendants et la reconnaissance de ces nouveaux seigneurs de l'oligarchie théologique par certains hommes de la droite française pour des raisons électorales mais, aussi pour faire endosser, en catimini, la peau du bouc émissaire à cette partie de la population dont la France a empêché l'émergence d'intellectuels et de politiciens, de journalistes, d'hommes de culture dont les points de vue et la pensée auraient dû, normalement, les éclairer. Démunie de tout, elle s'accroche aujourd'hui à la seule alternative génétiquement assimilée pour dire son existence : la religion. Le communautarisme est l'ennemi le plus virulent de la laïcité et l'on ne peut accepter comment un politicien de très haut niveau accepte-t-il de s'entretenir (via la télévision) avec l'un des membres les plus réactionnaires de la mouvance des néo-barbus comme s'il était le seul représentant de la communauté immigrée en France alors qu'il est originaire du Moyen Orient et vit en Suisse. Tout cela relève des bas-fonds nauséabonds de l'Homo-Sapiens politique. La petite histoire que voici nous donne heureusement du baume au cœur. Une patiente d'un certain âge se fait suivre par un médecin d'origine maghrébine alors que ni sa physionomie ni son nom ne répondent à la caricature usuelle. La confiance s'installe entre eux et un beau jour, elle lui tend une enveloppe et lui demande de l'ouvrir quand elle sera « partie ». Au début, il refuse croyant qu'elle contenait de l'argent. Mais une fois rassuré, il accepte de la prendre. Une fois, sa vieille patiente partie, le médecin ouvre l'enveloppe. Dedans, il trouve une carte du Front National... déchirée...