De notre correspondant permanent à Paris : Khalil KHALSI - Retour à Narnia pour les deux plus jeunes enfants Pevensie afin de le sauver, encore une fois, de l'ombre du Mal qui ne cesse de le guetter. Conventionnelle, l'adaptation du troisième opus de l'œuvre de C. S. Lewis est un régal pour les plus jeunes et les fans de heroic fantasy. Rappel des faits : Durant la Seconde Guerre mondiale, les enfants Pevensie fuient Londres et leur famille pour loger chez un vieux professeur où, un jour, ils découvrent une armoire magique qui les conduit dans une dimension parallèle : Narnia. Dans ce monde règne la magie, ainsi que la Sorcière Blanche (l'incontournable Tilda Swinton) qui veut détruire le trône du vrai souverain, un lion aussi majestueux que son nom : Aslan. À la fin de cette première aventure, une guerre menée par les jeunes Fils d'Adam et Filles d'Ève arrive à bout de la Sorcière de glace et les sacre rois et reines de Narnia. Le premier Chapitre se clôt par leur retour sur Terre, au même point, après plusieurs années de règne. Pour leur deuxième épopée, les jeunes aventuriers retournent sur Narnia et aident le Prince Caspian, un de leurs lointains successeurs, à recouvrer son royaume – avec, toujours, l'aura d'Aslan qui luit à l'horizon. Pour cette troisième aventure, seuls les deux plus jeunes Pevensie, Edmund (Skandar Keynes) et Lucie (Georgie Henley), retournent à Narnia – comme la fin du précédent opus l'avait annoncé, les aînés (désormais installés aux Etats-Unis) ont appris tout ce qu'ils avaient à apprendre. C'est donc bien un conte initiatique, où chaque pas fait dans ce monde magique, chaque vague traversée sont une leçon à prendre. Surtout pour le cousin Eustache (Will Poulter) qui, par accident, se retrouve embarqué à travers le tableau qui s'anime et inonde la chambre. Fieffé, snob et récalcitrant, l'enfant, rondouillard et à la face cramoisie, a du mal à se laisser aller à ce monde peuplé de minotaures, de souris bavardes et escrimeuses, de nains dotés d'un seul pied énorme, d'entités maléfiques qui se répandent sous forme de fumée verdâtre. Cependant, personne ne pénètre Narnia, si ce n'est pour en ressortir définitivement différent. Et, surtout, Narnia n'appelle jamais personne par hasard… Les plus belles destinées se déclenchent par accident. Laissons grandir les enfants Voilà donc Lucie, Edmund et l'insupportable Eustache, embarqués à bord du Passeur d'aurore, un navire conduit par le Prince Caspian (Ben Barnes – inodore, incolore, sans saveur), qui aura besoin de leurs services pour retrouver, à travers continents, îles et océans, sept épées ayant appartenu à sept seigneurs amis de son père décédé. Réunies, les sept armes pourront délivrer le Mal qui s'insinue à Narnia, damnant les esprits les plus noirs et corrompant les innocents… Ce Mal, qui se répète et se renouvelle, est toujours le même qui s'étend à Narnia, paisible contrée mais déchirée par des épisodes ténébreux, ce qui a l'air d'être le cycle normal de son existence. Comme si la perfection pouvait être aussi bien positive que négative – ce qui fait qu'elle demeure relative, voire inexistante. Narnia semble être pour C. S. Lewis un peu comme une sublimation du monde des hommes, où les valeurs de la chrétienté peuvent prendre tout leur sens en se matérialisant à travers des images oniriques, une galerie de personnages profonds et une variété de péripéties. De quoi parler au plus près de l'innocence des enfants. Transparaissent alors les leçons à apprendre à travers les différentes étapes de cette odyssée qui porte bien son nom. Au gré des vagues et du vent – quand Narnia le laisse souffler -, l'équipage du Passeur d'aurore accoste des terres où agit une certaine facette de la magie, rencontre des personnages hauts en couleur et en onirisme, affronte aussi bien la tentation que des créatures abyssales. Heureusement donc que le texte n'est pas strictement moralisateur (le spectateur n'échappera cependant pas à une fin où Aslan débite une série de leçons que les enfants, recueillis, écoutent les oreilles grandes ouvertes et la larme à l'œil, car Edmund aura pu vaincre son orgueil et sa hantise de ses erreurs du passé, Lucy aura réussi à s'aimer telle qu'elle est, et Eustache à découvrir sa nature véritable en se transformant en dragon), et qu'il est possible de jouir d'un grand niveau d'inventivité et d'effets spéciaux époustouflants (auxquels, toutefois, les lunettes 3D n'ajoutent rien). Serons-nous là pour le quatrième épisode, que seul Eustache mènera ? Oui, probablement, comme des habitués dont la fidélité est devenue réflexive, assoiffés de rêves et d'un irréel où l'émotion est possible.