Par Khaled GUEZMIR - Il est de tradition de dire que le « capital » et les affaires n'aiment pas la rue et les révolutions ! Le climat idéal des investisseurs est bien la « stabilité ». Mais entendons-nous bien de quelle stabilité s'agit-il ! Stabilité d'un pays exproprié de son Etat et de ses institutions politiques par un dictateur et quelques individualités qui se comptent sur le bout des doigts ! Stabilité d'une économie « absorbée » par une centaine de personnes liée familialement, organiquement et stratégiquement au dictateur ! Ou enfin Stabilité d'un pays qui appartient à ses citoyens y compris, les commerçants les industriels et les hommes d'affaires intelligents et doués pour l'investissement et le développement de leur patrimoine personnel certes mais aussi de la richesse nationale ! Je parlais dans une précédente chronique de feu Si Hédi Nouira ancien Premier ministre et véritable initiateur du libéralisme économique de la Tunisie après l'indépendance et surtout à partir de 1970 à la fin de la période collectiviste de Ben Salah. Ce grand réformateur et grand argentier puisqu'il était gouverneur de la Banque Centrale celle que désignait notre maître Raymond Barre par : « La Banque des Banques », n'était pas opposé à une certaine accumulation du capital national et à la naissance et au développement d'une « bourgeoisie nationale » capable de favoriser l'investissement dans tous les secteurs de la vie active, assurer le transfert des technologies en s'associant aux groupes étrangers, surtout de l'Occident, des pays arabes du Golfe et des frères de Libye. Tout cela avait pour conséquence de générer la création d'emplois importants pour les nouvelles générations ! Si Hédi Nouira (rahimahou Allah) savait pertinemment que les insurrections à caractère social même très légitimes comme celle de 1979 pouvaient engendrer la fuite de capitaux et surtout un ralentissement des investissements nationaux et étrangers jusqu'à rétablissement de la sécurité et du « climat de confiance ». Mais la situation actuelle est-elle semblable à celle de 1979 ? Je ne le pense pas et voici pourquoi : qu'il s'agisse de Bourguiba, de Nouira ou de feu Hassen Belkhoja, connus pour leur attachement à un libéralisme économique tunisien national et adapté à notre identité et surtout à la vocation de notre pays d'être le siège d'une classe moyenne la plus large possible, avec un pouvoir d'achat honorable et conséquent qui lui permet de jouir de ce qu'Aristote, appelait « l'aisance modeste », l'économie doit être diversifiée entre le secteur public qui contrôle les attributs de la souveraineté économique et financière de la Tunisie, à savoir l'énergie, l'eau, la mer, les ports, les aéroports et bien sûr la fiscalité, et le secteur privé qui doit être libéré au maximum des contraintes bureaucratiques et des freins à son épanouissement. C'est cet équilibre qui a permis à la Tunisie des années 70-80, malgré un déficit certain au niveau du développement politique, d'être avec « sociale -démocratie – économique et libérale » mais avec un secteur public respectable et garant de la paix et de la stabilité sociales. Or, qu'est-ce qui s'est passé à partir du 7 novembre 1987. La libéralisation effective de l'économie nationale n'a servi que les intérêts majeurs et personnels d'une centaine de familles au plus ! Ces chefs de clans et de groupes économiques importants, non contents d'être des « milliardaires » par le travail acharné et la sueur de leur front, ont tout simplement succombé, à l'image de Saint Antoine aux tentations de l'expansion titanesque de leurs fortunes ! Mais pour cela il fallait « composer » en s'alliant stratégiquement au Dictateur et à sa famille pour contrôler des secteurs entiers de l'économie nationale en allant de l'automobile, à l'immobilier, au tourisme, aux banques, à l'agriculture pour arriver à l'aviation, aux ports aux aéroports et à toutes les sources d'enrichissement de leurs patrimoines déjà immenses ! On est passé en 23 ans de l'ère de quelques « milliardaires » honnêtes et patriotes à l'ère des « billionnaires » arrogants par les signes ostentatoires et insultants de la richesse de véritables « parvenus » alliés inconditionnellement au régime du dictateur et de sa famille ! L'UTICA enfin qui a été libérée, elle aussi, de « son président à vie », assume une très grande responsabilité dans ces dérapages qui ont terni la fonction et la vocation de la « liberté » économique et d'entreprendre au profit et des promoteurs mais aussi de la nation et de son peuple. La direction nouvelle doit opérer au plus vite un retour aux sources morales de l'UTICA ! Maintenant faut-il jeter la pierre aux hommes d'affaires et à la nouvelle UTICA. Eh bien non et mille fois non ! Les commerçants, les artisans, les industriels, les hôteliers, les banquiers par milliers sont en majorité des patriotes qui ont un mérite immense, hier comme support essentiel à la lutte pour la libération, et aujourd'hui dans le développement économique de la Tunisie. La Tunisie doit rester un pays libéral économiquement et politiquement, il faut encourager les hommes d'affaires et les investisseurs à fermer cette page sombre de « l'affairisme opportuniste » du 7 novembre, pour s'atteler au développement de leurs anciens et nouveaux projets, assurer et protéger certes leur patrimoine bien acquis, mais voir l'avenir avec ambition et enthousiasme ! La révolution du jasmin est aussi la leur ! Elle les a libéré du « Racquet » économique et financier qui leur était imposé par les « loups » de l'ancien régime. Soyons optimistes ! Promoteurs de la Tunisie du Jasmin n'ayez pas peur, à vos postes et au travail !