• La présidente Christine Largarde l'affirme crûment : «on a proposé notre aide, on nous a dit, non merci» Préférant entamer sa tournée par la région du Moyen Orient et Afrique du Nord, à Tunis, Christine Lagarde, présidente du Fonds Monétaire International (FMI), avait à communiquer trois messages essentiels à aux responsables et dirigeants tunisiens « le FMI, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, est un partenaire, et autrement il le sera si vous le souhaitez et quand vous le souhaiterez ». Selon elle « le FMI, version 2012, est différent de celui des années 1980. Il est à la fois soucieux des équilibres budgétaires et financiers, mais aussi de la stabilité économique et sociale de ses membres ». Après la Révolution de janvier 2011, indique encore Christine Lagarde, « il faut que les autorités tunisiennes et les acteurs économiques tunisiens se concentrent sur le développement de l'activité économique, la création de l'emploi et restaurent la confiance pour que les investisseurs locaux et internationaux puissent enfin retrouver le chemin de l'investissement en Tunisie». La Présidente du FMI, qui a rencontré le Président de la République, le chef du gouvernement ainsi que le président de l'Assemblée Constituante outre les secrétaires généraux de certaines organisations syndicales, a consacré la plupart de son temps à s'entretenir avec les chefs d'entreprises tunisiens et les principaux acteurs économiques. Sa participation à un débat qui a eu lieu au siège de la centrale patronale (Utica), a permis aux chefs d'entreprises tunisiens de discuter et de débattre de certains thèmes d'actualité, sans que cela n'ait pu se traduire en une forme de proposition. Ayant concentré ses discussions sur les questions purement économiques et financières, Christine Lagarde a notamment évoqué avec les responsables tunisiens « les questions des réformes structurelles qui permettent d'améliorer l'efficacité économique du pays. C'est l'affaire du FMI. Quant à la sécurité, la stabilité, la prévisibilité notamment juridique et fiscale, ce sont des facteurs déterminants pour instaurer un climat de confiance qui facilite les décisions d'investissements dans un pays. Ceci fait partie de l'environnement économique que les autorités doivent mettre en œuvre afin de soutenir l'économie». L'ancienne ministre des Finances française a exprimé son souhait que le secteur privé tunisien soit à la hauteur des espérances placées en lui « ma présence dans le fief des chefs d'entreprises (l'Utica), est un signal que le secteur privé, l'investissement privé ainsi que la création d'emploi dans le secteur privé nous paraissent déterminants pour la relance et le soutien de l'économie tunisienne. Pour autant le coup de pouce et l'indication claire de la vision stratégique du pays doivent engager la participation de l'Etat, qui n'est pas le seul à participer, autant la création de valeur, le management des entreprises, l'embauche des salariés, relèvent de manière prédominante du secteur privé », a indiqué la présidente du FMI. Selon elle « l'apport des entreprises du secteur privé est indéniable. Et quant aux plans annoncés, tels que le Plan Jasmin, ils n'ont de vertu que de part leur exécution. On peut faire les meilleurs plans de création, mais si on ne les met pas en œuvre, ce ne sera pas suffisant ». Ainsi, a-t-elle indiqué, « il faut qu'il y ait un vrai soutien aux petites et moyennes entreprises. Il existe beaucoup de fondamentaux, maintenant il faut une mise en œuvre rapide ». Il était attendu que les nouveaux dirigeants en Tunisie profitent de la visite de la première responsable de l'un des plus importants fonds internationaux pour demander des financements ou tout simplement de l'aide financière dans l'objectif de bénéficier de certains fonds susceptibles d'aider la Tunisie à remonter la pente. Sauf que Christine Lagarde l'a clairement annoncé. « Ce que nous proposons fait partie de notre mission. L'année dernière nous avons proposé l'accord de prêts ou de crédits, mais le gouvernement tunisien avait considéré que ce n'était pas nécessaire. Cette année, à nouveau, j'ai dit à mes interlocuteurs que nous sommes disponibles si vous avez besoin que le FMI vienne en soutien et en appui dans le cadre d'un programme ou d'une définition commune des grands axes de la politique macroéconomique, nous sommes là », a encore souligné Christine Lagarde, qui continue en disant que «mes interlocuteurs ont été réceptifs à cette offre de service et nous poursuivons le travail. Aujourd'hui, il n'existe pas de détermination disant que la Tunisie a vraiment besoin de prêt pouvant être d'un montant bien déterminé, non ce n'est pas le cas, mais on est en dialogue. Mais je suis sûre que ce n'est pas comme l'année dernière où les responsables tunisiens nous avaient remerciés en disant que la Tunisie avait suffisamment de réserves et qu'ils comptaient s'en sortir tout seuls ». Ceci étant, les discussions se poursuivent avec, dans la foulée, la confirmation des responsables du FMI qu'ils sont « à la disposition et que nous serons toujours au rendez- vous quand on nous fera appel ». La décision ne sera prise, dans ce contexte, qu'en fonction du budget de l'Etat, surtout que la Loi des Finances de 2012 est encore en ballottage, mais une fois cette loi adoptée, les besoins en financements seront alors connus et l'appel au FMI pourrait se faire. Les anciennes politiques On ne pouvait laisser passer l'occasion sans en profiter pour s'enquérir auprès de la présidente du FMI sur la teneur des nouvelles politiques à travers lesquelles le FMI soutiendrait la Tunisie, surtout que la révolution de janvier 2011 a montré les limites d'un système économique tunisien longtemps aligné sur des politiques cautionnées par le FMI et la Banque Mondiale ? Christine Lagarde a répondu en affirmant que « nos recommandations sont fondées sur un horizon un peu plus large cette fois que par le passé. On regarde à la fois la balance des paiements, qui est le sous jacent de nos interventions, les politiques budgétaires, la politique monétaire menée par la Banque Centrale de Tunisie, ainsi que l'ensemble des données économiques et sociales d'un pays. C'est un élément nouveau dont on a hérité grâce à la Tunisie. Un élément qui consiste à regarder en termes d'aménagement du territoire, où se répartissent les fruits de la croissance. Le deuxième pilier est celui de la situation de l'emploi et le lien entre politique budgétaire, politique monétaire, compétitivité de l'économie et emploi». Mais après tout c'est essentiellement au pays de définir sa propre politique économique, un avis duquel est convaincue la présidente du FMI, puisque, ajoute-t- elle « nous ne sommes pas les grands manitous venus de Washington dicter les règles à suivre. C'est à chacun des pays de concevoir son modèle économique propre. Il doit faire en gagnant l'adhésion de sa population et en étant dans le cadre d'une vision stratégique ». Le FMI, lève ainsi sa main des politiques poursuivies jadis par l'ancien régime, même si ce dernier se voyait toujours guider par le FMI et pareilles institutions financières internationales. Christine Lagarde le dit ainsi clairement « nous, on regarde les pays en termes de stabilité, en termes d'équilibres, en termes de création de valeur, en termes d'emploi et que tout cela débouche sur quelque chose. Ce n'est pas à nous de déterminer les politiques ».