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La République des banderoles
Reportage : Calligraphes et propagande politique
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 11 - 2011

Le dimanche 23 octobre 2011, la Tunisie a vécu au rythme des élections pour l'Assemblée constituante qui a ont vu le triomphe des islamistes d'Ennahdha. Mais qui dit élections, dit campagne électorale. Or en Tunisie, comme partout dans le monde arabe, les banderoles en tissu ont été le support médiatique le plus utilisé par les partis politiques engagés dans cette campagne. La Presse a voulu effectuer un focus sur ce métier qui a accompagné la propagande politique sous nos cieux depuis les années 20 avec le mouvement nationaliste et durant les 23 ans de la dictature de Ben Ali via l'hégémonie de son parti de masse le RCD surtout durant les festivités du 7 novembre. Parallèlement, avec le boom des partis politiques tunisiens (plus de 100 jusqu'à l'heure actuelle) et le Big Bang qu'a connu la société civile avec plus de 2000 associations nées suite à la révolution de la dignité, les banderoles ont encore de l'avenir devant elles !
Vendredi 14 octobre 2011, il est 10H00 du matin, Faouzi Haddad, un célèbre maître calligraphe à Nabeul dont l'atelier est situé à Sidi Achour, nous accueille dans son vaste atelier. Au fond des locaux, on retrouve Mohamed Gorrab, 40 ans et originaire de la ville de Somâa, en train de peaufiner avec son pinceau une banderole pour une conférence de presse d'un parti politique tunisien. L'artisan nous donne un prélude sur la réalité du métier : «Les calligraphes qui écrivent sur des banderoles en tissu se font rares. De nos jours, les calligraphes adoptent la facilité en ayant recours aux bâches imprimées. Mais ça n'empêche pas que les banderoles en tissu et écrites à la main restent les plus demandées par les partis politiques et les organisateurs des conférences et des séminaires. Notre métier a connu son apogée durant les 23 ans du règne de Ben Ali surtout durant les festivités du 7 novembre. A cette époque, l'activité était concentrée dans un laps de temps très réduit (à partir du mois d'octobre jusqu'au 7 novembre)».
La «move» du mauve
De son côté, M. Haddad, le maître des lieux nous raconte quelques petites anecdotes qui ont meublé son quotidien en exerçant son art durant l'ère du mauve (en référence à la couleur du régime déchu) : «Certes durant les années Ben Ali, le métier de calligraphe a connu son âge d'or, mais cela n'empêche pas qu'on a subi la loi de quelques dépassements. Par exemple, la boite de peinture couleur mauve était dix fois plus chère que les autres couleurs (40 dt le kg contre 3,5 dt pour les autres couleurs). Parallèlement, le rouleau de papier adhésif (autocollant) de 50m pour n'importe quelle couleur était vendu à 70dt tandis que celui en mauve était chiffré à 170dt. Quant au tissu blanc, le mètre était commercialisé à 1,5dt tandis pour le tissu mauve, on était contraint de le payer 6,5dt /m : tout simplement, car la présence de la couleur mauve était obligatoire dans toutes les banderoles. C'était considéré comme un signe d'allégeance au pouvoir. Et la dictature du système mis en place nous imposait une tarification fixe qu'elle soit dépourvue de mauve ou toute en mauve. Maintenant, je me pose la question suivante : Après la chute du régime qui va oser mettre du mauve dans une banderole ? D'ailleurs, j'ai 400 mètres de tissus mauves qui vont sans aucun doute sombrer au fin fond de mon atelier.». Il renchérit : «Et les cellules du RCD, vu qu'elles étaient des clients fidèles ne payaient que 18dt par banderole alors que le prix normal était de 20dt par pièce. Le pire c'est que certaines milices de l'ancien régime exigeaient l'insertion de passages des discours de Ben Ali dans leurs banderoles. Parfois, on trouvait des difficultés pour satisfaire leurs demeures car il s'agissait de véritables paragraphes, on dirait un journal. Et le comble dans tout cela, c'est qu'on était payé 18dt par pièce comme c'est le cas pour une banderole à 2 lignes».
Safouène Amara, un autre calligraphe à Tunis voit les choses différemment : «Décidément, le mauve est de retour, car tout le monde oublie que le mauve était la couleur des islamistes d'Ennahdha au début des années 90. D'ailleurs, Tout le monde se souvient de la couleur du bulletin de vote des listes indépendantes des islamistes qui était mauve. D'autre part, le nouveau logo du parti Ennahdha, certains le colorient en bleu alors que d'autres sont très attachés au mauve».
En outre, Salah, un militant du parti Ennahdha confirme: «Le mauve est notre couleur, et l'ancien régime à leur tête Leïla, nous l'a confisqué. Alors, je pense qu'il est de notre droit de redorer le blason de cette couleur qui exprime l'espoir et non pas le désespoir causé par Ben Ali et sa bande».
Concernant le volume du travail pendant la période qui précède les festivités du 7 novembre, Faouzi Hadded assène: «Jadis, durant le règne de Zaba, à partir de fin septembre, l'activité dans nos ateliers, et comme c'est le cas chez nos confrères sur tout le territoire tunisien, se résumait uniquement dans la préparation des banderoles, des coupes des tournois sportifs qui se déroulaient durant la semaine du 7 novembre, l'impression des porte-clés et on suspendait toutes les autres activités (enseignes lumineuses, plaques d'immatriculation, etc.). On travaillait 24h/24h avec un nombre de banderoles qui avoisinait les 350/semaine».
A chacun sa Djebba
Du côté des commerçants tunisiens, la dictature des banderoles vénérant Ben Ali et son ère du renouveau dégoûtaient Monsieur Tout-le-Monde comme en témoigne Am Ali Majbri, 62 ans et propriétaire d'une quincaillerie à Ben Arous : « J'espère qu'on ne reverra plus de telles mascarades. Vous imaginez ! Chaque année, chaque commerçant tunisien était obligé de préparer une banderole vantant et vénérant le 7 novembre. Et comme c'est le cas pour la photo de Ben Ali dont la présence était obligatoire, la banderole collée devant la façade de la boutique ou bien accroché sur l'avenue principale l'était aussi ».
De son côté, Kais El Amdouni, propriétaire d'un Fast-food à Hammamet rajoute une louche: «Durant les 23 années précédentes, je n'ai fait que deux banderoles. C'était comme avec la Djebba (habit traditionnel tunisien que les hommes ne portaient que durant les grandes célébrations), j'exhibais ma banderole une fois par an, ensuite je la plie soigneusement et je la cache dans l'armoire». Mohamed Mansri, calligraphe à Tunis ajoute : «A partir de 1988 jusqu'à 2001, tous les calligraphes mettaient dans les banderoles des détailles relatifs à l'année en question, par exemple en 1998 on mettait «L'établissement X célèbre le 11ème anniversaire du changement», mais à partir de 2002, les Tunisiens se sont résignés à l'idée que Ben Ali allait s'éterniser à Carthage, alors nos clients nous demandaient des banderoles avec des vœux généralistes sans date ni cadre temporel précis. Question de faire des économies et de réutiliser la banderole l'année suivante. Il reste à noter que pendant la période du 7 novembre, on faisait une moyenne de 200 banderoles en 15 jours».
Après le 14 janvier, encore du boulot !
A l'image de tous les secteurs qui ont connu une sorte de paralysie durant le premier mois post-14 janvier, les calligraphes ont vu leur activité flirter avec le zéro du Khawarezmi. Car pendant les premiers jours qui ont suivi le départ de Ben Ali vers Jeddah, tous les artisans calligraphes étaient contraints de fermer leurs ateliers par manque d'activité tant que la sécurité laissait à désirer. Mais à partir de la deuxième quinzaine de février, la calligraphie a repris ses couleurs, Mohammed Gorrab, nous raconte : «Avec la multitude des « sit-in » et des manifestations sans oublier la profusion des grèves qui ont écorné le quotidien du tunisien, on faisait une moyenne de 4 à 5 banderoles par jour. Plusieurs fois, des clients passagers nous demandaient des banderoles à livrer au bout de 4 heures. D'autre part, avec la campagne électorale et les réunions des partis, le volume du travail est plus étalé dans le temps contrairement à la période du 7 novembre». M. Hadded renchérit : «Si les banderoles en tissu restent de loin les plus demandés, on remarque que plusieurs partis politiques ont tendance à demander qu'on leur fasse des banderoles en bâche sans oublier l'habillage des voitures qui distribuent les flyers et les tracts (100dt/voiture). En effet, depuis le 20 septembre, on réalise chaque jour une moyenne de 15 banderoles. Certes, le prix de la banderole a grimpé de 18dt à 25dt, une augmentation très contestée par notre clientèle. Mais, ils ne savent pas qu'avant le 14 janvier, c'était la municipalité qui était chargée de la pose des banderoles et de l'acquisition des tiges. Maintenant, cette charge nous revient d'où la différence des 7 dt».
Assurément en période de dictature ou de démocratie, la propagande politique dans nos contrées a eu du mal à se séparer des béatitudes de la banderole. Bienvenue à la république des banderoles !


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