Mounir JOMNI - Longtemps à l'écart du vent de la démocratie qui a soufflé sur le monde depuis la chute du Mur de Berlin, les pays arabes semblent, enfin, entrer de plain pied dans le cours normal de l'histoire. Les régimes de la région sont pris de panique devant une rue arabe assoiffée de liberté et déterminée à emboîter le pas à l'héroïque peuple tunisien qui a ouvert le bal et chassé le plus répressif de ces régimes. En Egypte, le peuple est plus que jamais rassemblé pour chasser Moubarak. Au Yémen, la rue conteste énergiquement le projet de présidence à vie de Ali Abdallah Salah et le roi de Jordanie change de gouvernement sous la pression populaire. Autant d'indices éloquents qui finiront par faire briser les citadelles arabes de la répression et de la corruption ou du moins les pousser à des concessions de taille. Mais pourquoi les peuples arabes sont-ils restés longtemps silencieux au point de donner l'impression aux stratèges et experts internationaux que l'héritage et la culture arabo-musulmans « ne sont pas compatibles » avec les aspirations légitimes de tout un chacun à la liberté et à la démocratie ? La faute en incombe à la nature politique des régimes d'après indépendance qu'a connus la région arabe. Des régimes qui sont « passés maîtres » dans le double langage, les slogans creux et le recours exagéré aux alibis de la menace extérieure, coupable, selon les thèses officielles de tous les maux des peuples arabes. On a bien avancé des idéaux de socialisme, de justice sociale et de lutte contre l'ennemi sioniste sans réaliser la moindre avancée réelle. On a également voulu se donner une légitimité religieuse sans pour autant parvenir à se conformer aux nobles préceptes de justice et de liberté prônés par l'Islam. Ce sont des régimes qui ont failli sur toute la ligne à leurs obligations envers leurs peuples, bafouant les règles élémentaires de la politique qui enseignent que la justice dans son acceptation la plus générale est le fondement de la civilisation. Ils ont été et resteront myopes à ce principe, pourtant préconisé par Ibn Khaldoun. Ainsi, le cours de l'histoire ne peut empêcher la seule région arabe de respirer la brise de la liberté ni de balayer les châteaux de cartes des dirigeants arabes.