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L'ère du mensonge et du faux-semblant
Qui est Ben Ali ? (13e partie)
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 02 - 2011

Parmi les traits les plus distinctifs et les plus déroutants de Ben Ali, les observateurs soulignent souvent l'écart entre ses paroles et ses actes... Ce qui a longtemps poussé les Tunisiens à se demander, incrédules, si leur président était bien informé de la situation réelle dans le pays ou s'il en était tenu sciemment dans l'ignorance par son entourage immédiat. Cette interrogation est souvent exprimée par ses thuriféraires, tunisiens et étrangers payés par ses services, qui cherchent des explications ou des circonstances atténuantes aux abus de son régime que le bon sens élémentaire abhorre. Ainsi Ben Ali ne rate-t-il aucune occasion pour réitérer son attachement aux valeurs démocratiques, aux droits de l'homme et aux libertés publiques. Dans ses discours – et il en fait une bonne dizaine chaque année –, les mots qui reviennent le plus abondamment dans sa bouche sont les suivants: «démocratie», «liberté», «Etat de droit»... Peu de chefs d'Etat au monde ressentent autant que lui le besoin de réaffirmer, au risque d'en devenir ennuyeusement redondants, leur attachement à ces principes. Un linguiste qui s'amuserait à faire une analyse sémantique des discours du président tunisien sortirait avec la conclusion qu'il est «le plus grand démocrate de tous les temps» ou «le champion du monde de la démocratie».
Ces titres, pour le moins usurpés, le locataire du Palais de Carthage ne les renierait pas, tant il donne l'impression de se prendre lui-même au piège de ses mensonges.
Ou seulement de faire semblant d'y croire. C'est un peu Dr Zine versus Mister Ben Ali. Le premier aime ignorer les agissements du second. Le président de la République défendant, la main droite sur le cœur, les principes humanistes que le premier flic de la nation piétine tous les jours sous ses pieds.
Il ne s'agit pas là d'un dédoublement de la personnalité, pathologie dont souffriraient inconsciemment bon nombre de gens, mais d'une véritable stratégie de gouvernement. En multipliant les mensonges, les fausses annonces, les leurres, les faux-semblants et les cuistreries, ce grand menteur devant l'éternel cherche en réalité à brouiller davantage les cartes, à faire diversion et à créer des écrans de fumée, de manière à pouvoir s'y dissimuler et se dérober ainsi aux questions dérangeantes de ses interlocuteurs et/ou contempteurs.
Cet homme qui se teint régulièrement les cheveux en noir pour ne pas paraître son âge, qui fait réécrire sa propre histoire pour en faire disparaître les épisodes les moins glorieux, qui fait diffuser au télé-journal du soir des images d'anciennes activités officielles alors qu'il se trouve, au même moment, en vacances avec sa famille hors du pays, et qui, par-dessus tout, verrouille le champ médiatique pour pouvoir contrôler l'information et empêcher ainsi la diffusion de détails scabreux sur les agissements mafieux de son clan familial..., cet homme là a, plus que tout autre dictateur, érigé la dissimulation, la mystification, la tromperie et la désinformation au rang d'instruments d'exercice du pouvoir.
Face à cette «formidable distorsion entre un discours officiel constitué de propos lénifiants et un vécu quotidien fait de répression systématique contre quiconque critique le pouvoir, ou émet une opinion divergente», l'avocat Patrick Baudouin écrit (dans la préface de l'ouvrage de Mohamed Bouebdelli, le jour où j'ai réalisé que la Tunisie n'est plus un pays libre‑?)‑: «Certes, le président Ben Ali n'est pas le seul chef d'Etat à s'affranchir des promesses électorales ou des engagements pris lors de la prise du pouvoir. Mais il a pour sa part réussi l'exploit de faire à peu près tout l'inverse de ce qu'il avait assuré aux Tunisiens vouloir réaliser dans une déclaration rendue publique le 7 novembre 1987, lors de la destitution du président Bourguiba».
Pour mieux souligner ce «décalage total entre une déclaration riche d'espérances démocratiques et une réalité bafouant tous les principes d'une véritable démocratie», le président d'honneur de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (Fidh) dresse un tableau sombre de la situation actuelle en Tunisie : «Plus de vingt ans après la prise de pouvoir par le président Ben Ali, note-t-il, le bilan de la Tunisie en matière de respect des libertés est particulièrement sombre. L'élan prometteur de réformes a été rapidement bloqué et, loin de s'améliorer, la situation continue à se dégrader. Les atteintes aux libertés d'association, de réunion, d'expression, de presse sont incessantes. Les autorités tunisiennes n'ont à cet égard tenu aucun compte des recommandations formulées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'expression et d'opinion à la suite d'une visite réalisée en 1999. La mainmise de l'exécutif est par ailleurs totale sur un appareil judiciaire ignorant l'indépendance des juges. Le système électoral instaure quant à lui un pluralisme de façade qui permet au chef d'Etat d'obtenir sa réélection avec un score avoisinant les 100% des suffrages, qui suffit à discréditer un scrutin digne des pires régimes dictatoriaux.»
Tout en admettant les quelques réussites dans les domaines économique (réformes structurelles, libéralisation) et social (éducation, santé, émancipation des femmes...) dont se targue la Tunisie de Ben Ali, le juriste français ne ferme pas les yeux, comme le font sciemment nombre d'observateurs occidentaux, sur ce qu'il appelle «l'envers du décor». Il n'omet pas, à ce propos, de stigmatiser «la corruption galopante, notamment dans l'entourage immédiat du chef d'Etat, et la forte inégalité dans la répartition des fruits de la croissance». Il ajoute‑: «Le militaire, ancien ministre de l'Intérieur, qu'est le président Ben Ali, a délibérément choisi de passer outre au respect des droits civils et politiques, et de mettre en place un système d'étouffement des libertés conduisant à bâillonner toute voix discordante».
Ce système vise, selon lui, tous les acteurs de la société civile: défenseurs des droits de l'Homme, journalistes, avocats, militants étudiants, cadres des partis politiques d'opposition...
«Dans un tel contexte d'intimidation, la menace de poursuites conduit trop souvent à l'autocensure de nombre des opposants au régime», note Baudouin. Il ajoute‑: «Le pouvoir n'hésite pas même à utiliser toute une palette de mesures visant prétendument à lutter contre le terrorisme pour faire taire toutes les formes de voix dissidentes.
Il en résulte qu'un grand nombre de prisonniers d'opinion se retrouvent dans les geôles tunisiennes.» «Alors que les méthodes de répression utilisées s'avèrent de plus en plus systématiques et sophistiquées, demeurent d'actualité les propos du très officiel et souvent prudent Comité contre la Torture de l'ONU qui avait déjà sévèrement épinglé la Tunisie en novembre 1998, exprimant sa préoccupation d'abord devant le large écart qui existe entre la loi et la pratique à propos de la protection des droits de l'homme, puis quant aux pratiques de tortures et de traitements cruels et dégradants perpétrés par les forces de sécurité et de police qui, dans certains cas, ont provoqué la mort en prison et reprochant enfin aux autorités tunisiennes d'accorder en fait, une immunité à ceux qui torturent et encouragent la poursuite de telles pratiques abjectes», note aussi Baudouin. Tout en appelant à soutenir les démocrates tunisiens «dans leur lutte contre une politique du tout répressif d'un Etat policier», dans «un pays qui réunit toutes les conditions de maturité pour que le peuple puisse bénéficier d'une vie réellement démocratique», le juriste français souligne la nécessité «de ne plus se contenter du discours de récupération des droits de l'homme tenu par les autorités tunisiennes, mais de dénoncer avec force la réalité des graves violations commises.» Il ajoute‑: «L'alibi du danger intégriste ne saurait sérieusement être utilisé pour pourchasser les défenseurs des valeurs universelles des droits de l'homme représentant les plus sûrs remparts contre le fanatisme. Il devient urgent, en brisant un certain mur du silence, de mettre un terme à la désinformation de l'opinion, et à la passivité complice de la communauté internationale. L'Europe en particulier ne saurait continuer à fermer les yeux et devrait, dans le cadre des accords euroméditerranéens, mettre en avant la clause droits de l'Homme‑? qui permet de subordonner le développement de la coopération aux progrès des libertés». Ploutocratie administrative surpuissante
La question aujourd'hui est de savoir comment le texte fondateur de la déclaration du 7 novembre 1987, qui a inauguré le règne de Ben Ali, a-t-il été dévoyé? Comment ce texte, perçu au départ par tous les Tunisiens, même par les plus virulents opposants au système mis en place par le parti au pouvoir, comme un message d'espoir et de progrès, un engagement dans la voie de la démocratie et de la justice au profit d'un peuple qui a atteint un degré de maturité politique suffisant pour exercer, en toute liberté et en toute sécurité, ses droits de citoyen..., comment donc ce texte a-t-il été peu à peu vidé de sa substance‑? Constatant, dans son ouvrage cité plus haut, la dégradation de la situation politique, économique, sociale et culturelle dans le pays au cours des vingt dernières années, Mohamed Bouebdelli en est venu, dans son livre déjà cité, comme la majorité de la population tunisienne, à ce pronostic sans appel et qui fait froid au dos‑: «La Tunisie s'achemine depuis longtemps vers une nouvelle crise politique, économique et sociale, qui risque d'être plus grave que celle qu'elle a connue à la fin du régime de Bourguiba...»
Certes, la Tunisie se targue d'une situation privilégiée dans la région, tant sur le plan économique que social, ou sur la question du statut de la femme en pays musulman. Pourtant, malgré une paix sociale payée au prix fort, le pays continue de ne pointer qu'à «un très modeste 87e rang mondial pour le développement humain», souligne l'ingénieur de formation.
Le prix fort payé pour ces résultats se décline en appellations très contrôlées‑: parti quasi- unique, surveillance policière omniprésente, étouffement des libertés de réunion, d'expression, de la presse ou des médias, etc. Corollaire de ce système, la corruption. C'est le règne du «bureaucratisme», de la «médiocratie», relayé par une «ploutocratie administrative surpuissante», dont la «soumission aux interventions des institutions ou des forces politiques et corporatistes» est la marque de fabrique du régime.
Le résultat, ici comme dans d'autres systèmes similaires, est connu: le népotisme et le favoritisme génèrent «la constitution de très grosses fortunes accompagnée par une paupérisation de la classe moyenne et des classes populaires...» Autre conséquence du système, décrite par l'essayiste‑: «Une grave dégradation du niveau de l'enseignement et une perte sérieuse de la crédibilité des diplômes que l'école tunisienne délivre aujourd'hui.»
Après ce sombre tableau, l'auteur se pose les lancinantes questions qui taraudent l'esprit de tous ses compatriotes‑:
– «Comment en est-on arrivé là, dans un pays pourtant connu pour sa tolérance, son ouverture et pour tous les acquis obtenus depuis son indépendance‑?
– «Comment après l'élan d'enthousiasme, de soulagement et d'espoir exprimé au lendemain de la déclaration du 7 novembre 1987, une telle désillusion s'est-elle installée dans ce pays‑?
– «Comment à l'étranger, la Tunisie peut avoir la réputation d'être devenue le pays de la corruption, du népotisme, de l'injustice, de la répression, des passe-droits, des spoliations, des malversations, des fuites de capitaux, du blanchiment d'argent, de la perversion des institutions les plus respectables et les plus essentielles au développement équitable et durable de l'ensemble de la population ?
– «Tous ces observateurs étrangers, toutes ces organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales qui observent et enquêtent sur le pays, de l'intérieur comme de l'extérieur, se trompent-ils donc? Tous? Tout le temps‑?...»
En réponse à ces questions, l'auteur répond sans ambages‑: «L'éternelle langue de bois du pouvoir et de ses médias, qui répètent continuellement que toutes ces accusations sont dépourvues de tout fondement, qu'elles ne sont que des menteries, et qu'elles sont seulement inspirées par la jalousie, ne nous convainquent pas. Un fossé abyssal sépare ces discours qui ne trompent plus personne et les témoignages de nombreux observateurs objectifs dans notre pays aussi bien qu'à l'étranger.»
Ce constat d'échec établi, Mohamed Bouebdelli tente de tracer les grandes lignes d'une réforme du régime «présidentialiste» actuel. L'objectif, en résumé, est «une refonte de notre pacte républicain». Il s'agit plus concrètement de changer de régime afin de s'engager dans la voie du pluralisme démocratique et de la séparation des pouvoirs. Donc, mettre fin à la concentration extrême du pouvoir, dans les mains du président Ben Ali, pour aller vers un système démocratique à l'occidentale. Ce qui impliquerait de séparer rigoureusement les pouvoirs du président, du Premier ministre et de l'Assemblée. En réduisant le rôle du chef de l'Etat à celui d'un président-arbitre, garant des institutions, traçant de grandes lignes politiques mais en laissant l'exécution à un chef de gouvernement, l'auteur appelle à un changement en soi radical. Mais il se garde d'indiquer quelle forme aura la phase transitoire, entre le régime actuel et le système «idéal» invoqué pour faire verser la Tunisie dans le champ de la démocratie. Par quelles convulsions le pays devra-t-il passer? A quel prix se fera, éventuellement, une rupture de régime‑? Autant de questions que Mohamed Bouebdelli, après tant d'autres, pose sans pouvoir y donner, ou sans oser y donner plus précisément, réponses.
(Source : Ben Ali le ripou d'Aly Zmerli)


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