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«Attention, les forces de la contre-révolution sont encore là !» Madame Souheïr Belhassen, présidente de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH)
Militante de longue date des droits de l'Homme, présidente de la FIDH et ex-vice-présidente de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH), nous livre ici ses impressions sur la Révolution du 14 janvier : Ses caractéristiques et les menaces qui pèsent sur elle. Mme Souheïr Belhassen , talentueuse consoeur et grande militante faisait partie de l'équipe fondatrice du Temps, en 1975. • Le Temps : Quelles sont d'après vous les caractéristiques de cette Révolution - Mme Souheïr Belhassen : Je pense que c'est une Révolution très responsable. Dans la mesure où elle s'est déclenchée dans des régions déshéritées. Ce sont les caractéristiques d'une protestation sociale qui s'est transformée en un véritable soulèvement politique qui revendique la dignité, la démocratie et les libertés. C'est le ras-le-bol provoqué par des dirigeants corrompus, c'est le rejet total et profond d'un dictateur et sa clique au pouvoir vieillissant et sans projet. • Considérez-vous qu'il y a des menaces qui pèsent sur cette Révolution ? - Elle est menacée de l'intérieur et de l'extérieur d'où la nécessité d'une constante vigilance. De l'intérieur, elle est d'abord menacée par les forces contre-révolutionnaires que nous avons vu se déployer d'une façon sérieusement menaçante. • Qui sont-elles ? - Un mélange de police secrète présidentielle, de milice et de pètens prêtent à mettre le pays à feu et à sang pour maintenir ses protecteurs, ses dirigeants, les tensions et les divisions entre les différentes tendances politiques et les différents segments de la société civile qui, une fois passée l'exaltation des moments forts vont essayer de reprendre chacun sa partition. Donc, il est essentiel de montrer autant de responsabilité et de sagesse pour barrer la route à ces forces rétrogrades. • Et de l'extérieur… - Evidemment, la menace libyenne déclarée par Gueddafi lui-même. Mais aussi la confiance des investisseurs et des bailleurs de la Tunisie qui pourrait tarder à se renouveler. • Que pensez-vous de la composition du gouvernement de transition? - Sans la détermination de la rue et des forces politiques qui refusent de composer avec des figures emblématiques du RCD, ces dernières seraient encore présentes dans ce gouvernement. En tout cas, ce gouvernement est provisoire et il est appelé à passer la main après les élections. Il est chargé de gérer les affaires courantes pourvu qu'il ne compromette pas l'avenir. Ce qui risque d'arriver lorsque nous voyons la nomination d'un ancien gouverneur à la tête de la Télévision nationale où un déplacement de directeurs des radios régionales qui la plupart étaient des courtisans d'Abdelwaheb Abdallah. Enfin, la dernière nomination des gouverneurs ressemble en tout point à celle qui aurait décider Ben Ali lui-même. Les germes de la contre-révolution sont là. Il faudrait aussi que les parts des Trabelsi et Materi dans les médias soient attribués à des sociétés de rédacteurs de ces médias qui puissent enfin être réellement maîtres de leurs voix et de leurs plumes. Par ailleurs, il faut que l'opinion publique sache que les écuries d'Augias ont été nettoyées que ce soit aux ministères de l'Intérieur, de la Justice ou dans les entreprises afin que la confiance puisse être rétablie avec les autorités. • Quel est votre avis sur les commissions de réformes politiques, d'enquête sur la corruption et d'enquête sur les évènements pour identifier les responsables des crimes commis ? - Il est très important d'enquêter et de juger les principaux responsables des crimes qui ont été commis et qu'il y ait des réparation pour les victimes. La justice est le garant de la démocratie. Donc, ces commissions, selon les attributions qui vont leurs être dévolues, la capacité, l'intégrité et le dévouement de leurs membres seront un signe de la volonté ou de l'absence de volonté pour aboutir aux résultats attendus. En tout cas, elles sont l'objet d'un engouement extraordinaire de la part de la population. Ainsi, la commission chargée de l'enquête sur la corruption a déjà enregistré le dépôt d'un millier de dossiers. Il serait dangereux de décevoir tant de plaignants. • Les deux révolutions tunisienne et égyptienne se ressemblent-elles ? - Elles se ressemblent dans les causes apparentes : paupérisation de classes moyennes, le ras-le-bol de l'autoritairisme, le besoin de liberté. Mais elles sont différentes par la mémoire et l'histoire. Dans ce domaine, la Tunisie demeure une exception, à mon avis non exportable. En Egypte comme en Algérie, nous sommes en présence d'un régime qui repose sur les militaires qui ont des intérêts puissants. En Egypte, avec la proximité du conflit israélo-palestinien, les intérêts géo-stratégiques entre autres des USA sont des données qui font que ce que nous voyons se dérouler en ce moment ne risque malheureusement pas d'aboutir au même résultat qu'en Tunisie. • Donc, Moubarak va se maintenir au pouvoir ? -Moubarak peut tomber mais le régime résistera. Interview réalisée par Néjib SASSI