Par Salah RIAHI, Expert Comptable & Auditeur Interne Certifié - La révolution tunisienne ne peut atteindre ses objectifs que lorsque le peuple aura confiance dans les partis politiques. Cette confiance est tributaire du niveau de transparence quant au financement des partis politiques. Le niveau de transparence est un indicateur synthétique regroupant plusieurs facteurs dont notamment les sources de financement, la divulgation de l'information et les mécanismes de contrôle. Les sources de financement Les sources de financement actuelles sont essentiellement : - Les cotisations des membres, - Les dons et les libéralités, - Les primes accordées par l'Etat au titre d'aide au financement de la campagne électorale En plus des limites inhérentes à ces sources de financement, la réglementation actuelle a mis en place d'autres restrictions qui rendent la valeur des sources de financement insignifiante. Ainsi, le montant des cotisations des membres était limité avant la révolution compte tenu des restrictions liées au recrutement des membres notamment à cause des atteintes aux libertés individuelles, y compris la liberté d'association, la liberté de réunion, la liberté d'expression et la liberté de la presse. Imaginons, comment un parti politique peut financer ses activités par la cotisation des ses membres qui ne dépassent pas, dans certains cas, quelques dizaines ? Les dons et les libéralités sont soumis à des conditions strictes en matière fiscale. En effet, selon l'article 12 du code de l'impôt sur les sociétés des personnes physiques et l'impôt sur les sociétés, les dons et subventions servis à des œuvres ou organismes d'intérêt général, à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou culturel sont déductibles à concurrence de 2°/oo du chiffre d'affaires brut. En matière de TVA, les assujettis à la TVA qui accordent des dons en nature à des associations autres que l'Union Tunisienne de Solidarité Sociale sont tenus de payer la TVA au titre desdits dons sur la base du prix de revient hors TVA et en appliquant le taux de la TVA afférent au produit objet du don et ce pendant le mois qui suit celui au cours duquel le don est accordé. En matière des droits d'enregistrement, les partis politiques bénéficient de l'exonération des droits de mutation sur la propriété des immeubles et de l'enregistrement des contrats conclus avec les tiers, relatifs aux immeubles au droit fixe. Ces avantages en matière des droits d'enregistrement sont sans substance puisque rares sont les partis qui disposent de leur siège en qualité de propriétaire. Les primes accordées par l'Etat au titre d'aide au financement de la campagne électorale sont fixées au titre des élections de 2009 à 45 dinars pour chaque mille électeurs au niveau de la circonscription électorale (Décret n° 2009-2067 du 7 juillet 2009) La divulgation de l'information La divulgation de l'information concerne la communication de l'information sur la circulation de l'argent en politique. Tout le circuit du financement doit être diffusé spécifiant que ces fonds servent à financer les partis, les candidats et les élections. Le financement des partis politiques exige une transparence totale. La loi 88-32 organisant les partis politiques comprend dans plusieurs articles la communication d'un certain nombre d'informations au Ministère de l'Intérieur. Or la transparence est loin d'être un souci pour le rédacteur de la loi précitée. Ainsi, l'article 12 de la loi 88-32 « Les dons et les libéralités doivent faire l'objet d'une déclaration mentionnant notamment l'objet, la valeur et le ou les auteurs du don ou de la libéralité. Cette déclaration est faite par les dirigeants du parti au ministère de l'Intérieur dans les trois mois qui suivent la donation ou la libéralité » . L'article 16 de la même loi « Le parti politique ne peut recevoir aucune aide matérielle directe ou indirecte de l'étranger ou d'étrangers établis en Tunisie, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit. Il doit tenir une comptabilité à partie double et un inventaire de ses biens meubles et immeubles. Il est tenu de présenter ses comptes annuels à la Cour des Comptes. Il doit être à tout moment à même de justifier la provenance de ses ressources financières » A notre avis, les mécanismes suivants permettent de renforcer la transparence par la divulgation et la publication et notamment : a) L'établissement des états financiers des partis politiques selon les normes comptables internationales comportant des informations précises portant sur : - la déclaration des biens et des revenus des candidats et des partis politiques sur une base annuelle avant et après les élections, - la déclaration de la liste des donateurs et le montant de leurs dons - la destination des dépenses par nature de charge, b) l'audit par un expert comptable, membre de l'ordre des experts comptables de Tunisie des états financiers de tous les partis politiques sur une base annuelle et notamment avant et après les élections. Son rapport est rendu public. c) afin de garantir l'indépendance des experts comptables, leur rémunération doit être supportée par un fonds créé à cette effet par l'Etat Tunisien d) Ces informations doivent être rendues publiques annuellement. Le destinataire de l'information est l'électeur tunisien et non pas le ministère de l'intérieur. e) Par ailleurs, les entreprises, d'une certaine taille, doivent publier dans les rapports annuels destinés aux actionnaires, la liste de tous les dons offerts aux partis politiques. Révision des textes réglementaires L'instauration d'une culture de divulgation de l'information ne suffit pas à elle-même pour lutter contre le financement illicite des partis politiques. L'article 83 du code pénal a limité la corruption à toute personne ayant la qualité de fonctionnaire public ou assimilé. Dans le cadre du financement des partis politiques, les pratiques démontrent plusieurs formes de corruption liées au financement politique. Dans ce contexte, la notion de corruption couvre un large éventail de crimes et d'actes illicites commis par les dirigeants politiques avant, pendant et après leur mandat. « La corruption politique a été définie par Transparency International comme étant l'abus de pouvoir par les dirigeants politiques à des fins personnelles, dans le but d'augmenter leur pouvoir ou leurs richesses. » Dans ce contexte, une révision de l'ensemble des textes liés à la corruption s'impose afin d'englober des phénomènes connus dans plusieurs pays sous différentes formes mais qui entraîne « l'achat des votes » et ne permet pas aux partis politiques de militer sur un pied d'égalité.