Par Bourguiba Ben REJEB - Le Guide déboussolé de Tripoli affirme que le peuple libyen l'adore. Les images qui nous parviennent de Benghazi et d'ailleurs ne racontent pas spécialement une histoire d'amour, mais allez savoir comment la folie peut fournir des preuves de passion débordante. Les milliers de morts seraient un peu, pour le colonel en manque d'affection, des victimes expiatoires de la déraison qui accompagne les plus grandes passions. A Bab El Azizia, il n'y a même plus d'infirmière ukrainienne pour assouvir les transports funambulesques auxquels était habitué le philosophe de tous les temps auteur de l'inénarrable livre vert. Il faudra vérifier, mais le même livre ne prévoit probablement pas le cas des amoureux éconduits pour cause de brutalités aveugles. Le colonel a donc été pris de court puisqu'il manquait à son livre un chapitre, le plus important, celui qui dévoile le fin mot de son histoire ubuesque. On en serait resté aux mélodrames des feuilletons débiles si l'amoureux des Libyens ne se conduisait en tueur sanguinaire qui n'hésite pas à envoyer la troupe pour massacrer l'objet de son amour. Il avait prévenu que, dans son manque lubrique, il allait ratisser les coins et les recoins, les rues et les impasses, les maisons et tout ce qui ose bouger. Au nom de ce qu'il tient encore pour une révolution, il fait tout brûler au passage. On le dit bourré de complexes, mais il doit aussi avoir piqué pour son usage propre toutes les doses de drogue dont il accuse le commun de ses opposants. De là à imaginer qu'il se prend pour un surhomme, le pas a été franchi depuis belle lurette. L'amoureux fou de Tripoli ne trouverait plus d'asile, ce qui le rend encore plus féroce. Il a même des enfants qui, au lieu de lui mettre la camisole, entretiennent ses fantasmes par les avions et les blindés qui font le plus de victimes possible. Il faut dire que les uns et les autres ont les moyens que leur offre le pillage organisé de La Libye pour assouvir les pulsions les plus abjectes. On ne sait pas si pour eux aussi c'est une preuve d'amour supplémentaire, mais certaines bestioles meurent aussi en faisant l'amour. Le monde devrait finalement ériger un monument à la gloire glauque de Kadhafi. Les générations futures doivent être instruites sur les débordements sanguinaires de l'amour trempé au délire vert. Il y a fort à parier que le " guide " tiendra ce mémorial érigé en son nom pour une preuve supplémentaire de son " unicité ". Ses amoureux, ceux dont il évoque l'existence, pourront se soulager en passant devant la stèle de celui qui fut leur bourreau. Qu'il dégage donc au plus vite, " ses amoureux " s'impatientent aux portes de Tripoli.