• Révoqués de l'armée et de l'enseignement, maîtrisards au chômage, dénonciation de la corruption au sein du ministère de l'Education… - Décidément, la vogue des sit-in n'a pas l'air de déplaire aux Tunisiens qui, désormais, les décrètent sans crier gare, partout, à toute heure, le jour et la nuit, au soleil comme sous la pluie. Des fois, ça aboutit aux résultats escomptés, il faut le reconnaître. C'est d'ailleurs l'exemple des rassemblements réussis qui a donné des idées à bien des manifestants mécontents de leurs employeurs, de leurs salaires, de certaines mesures prises à leur encontre etc. A ce propos, on parle depuis quelques jours, d'un imminent Kasba III, que certains auraient l'intention d'organiser en signe de protestation contre la nomination d'anciens membres du RCD dissous à la tête des délégations régionales. En fait, les chances que ce sit-in se tienne, comme les deux précédents, à la Place du Gouvernement se sont considérablement amenuisées, dans la mesure où l'endroit est maintenant difficile d'accès de quelque côté ou ruelle qu'on l'aborde. En effet, lors d'un tour effectué à la Kasbah, mercredi dernier, nous avons constaté que toutes les entrées qui y mènent sont barrées ou barricadées et rigoureusement contrôlées par l'armée. Toutes ces précautions n'ont pas empêché certaines manifestations de se tenir en face du siège du gouvernement. Ce mercredi-là, nous avons été témoins du rassemblement de quelque cent révoqués de l'armée et de l'enseignement. Il y en avait, nous dit-on, qui étaient licenciés depuis plus de vingt ans. Certains d'entre eux ont fait de la prison également à cause de leurs convictions politiques ou idéologiques. Ce qu'ils revendiquaient en premier c'était bien évidemment de réintégrer leurs postes. Des avocats et des amis étaient là pour les soutenir et/ ou les conseiller. De l'autre côté, c'est-à-dire au siège du Premier Ministère, l'écho de leurs slogans revendicatifs parvenait sans doute à tous les bureaux. Peut-être aussi y cherchait-on une bonne issue à leur calvaire qui, il faut le dire, n'a que trop duré ! Déterminés à aller jusqu'au bout Un peu plus loin, à l'une des entrées dérobées du Ministère de l'Education, le sit-in des diplômés chômeurs se poursuit depuis la première semaine de février. Ils ne sont plus que vingt-cinq à occuper les lieux après y avoir dressé une tente. Parmi eux sept filles déterminées à aller jusqu'au bout et qui se disent prêtes à consentir tous les sacrifices et à affronter tous les risques pour avoir gain de cause. Il va sans dire que ces jeunes demandent du travail digne de leurs certificats et de leur formation. Mais ils sont là, à braver la faim, le mauvais temps et les menaces, pour revendiquer aussi l'égalité des chances dans le recrutement des candidats ; ils exigent en même temps que le ministère de l'Education leur remette une liste détaillée des titulaires de maîtrise encore au chômage, qu'il désigne une commission indépendante composée de haut-diplômés élus démocratiquement par les diplômés chômeurs et dont la tâche principale serait de superviser le recrutement de ces derniers. La suppression du CAPES et la poursuite en justice des fonctionnaires corrompus sont deux autres revendications principales des 25 manifestants qui déplorent le manque de médiatisation de leur mouvement. Au sujet de la corruption dont ils accusent certains responsables du ministère de l'Education, ils nous ont montré divers documents, à première vue accablants, pour étayer leurs dénonciations. En tout cas, ils ont confié à un avocat tout un dossier sur les abus et les malversations de ces administrateurs. C'est que parallèlement à leur souci de trouver du travail, ils rêvent d'une administration qui travaille dans la transparence et qui bannisse le népotisme, le favoritisme et la corruption. Il semble malheureusement que tous les problèmes qu'ils soulèvent et dont le ministre est certainement conscient soient difficiles à résoudre en un ou deux mois. Or, nous avons remarqué chez les jeunes manifestants et dans la formulation de leurs requêtes, de l'empressement, un manque évident de réalisme et une tendance à vouloir tout réaliser en même temps. Ils en veulent également à tout le monde, aux médias, à la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme qui les aurait snobés, aux fonctionnaires corrompus du ministère, à M. Taieb Baccouche lui-même et à de ténébreuses personnes chargées, paraît-il, de les démoraliser et de briser leur mouvement. Ces jeunes manifestants qui disent s'être organisés de manière très spontanée, ont plutôt intérêt à discipliner autrement leur sit-in et à établir des priorités dans leurs revendications. Car en face, leur interlocuteur (nous voulons dire le ministère de l'Education), est suffisamment débordé et se démène sur plusieurs fronts tous plus coriaces les uns que les autres. A moins que l'intention première des 25 diplômés ne soit pas vraiment celle de trouver de l'embauche ! Car à les voir accumuler les preuves sur la corruption au sein de leur ministère, ils montrent davantage leurs dons de fins limiers que leurs qualités de bons futurs pédagogues !