Nos dictateurs arabes, les déchus et ceux qui attendent de l'être, auront été oligarchiques jusqu'au bout. Ben Ali par exemple a fait de son mieux pour sauver les siens après les avoir choyés durant ses années de règne. Certes, parti dans l'urgence, il en a abandonné quelques uns qui sont aujourd'hui sous les verrous. Mais les plus chers à son cœur furent repêchés et sans doute lui tiennent compagnie dans son exil. Dans sa belle-famille, on compte aussi quelques rescapés même si leur nombre reste relativement réduit. Les autres, interpellés à temps, doivent rendre des comptes à la justice. Quant aux proches collaborateurs de l'ex-président, ils furent plutôt lâchés par leur protecteur lequel a fini par opérer une sélection de « sang » plutôt qu'une sélection de « rang » ! En Egypte, l'ancien Raïs s'est vraisemblablement garanti une relative impunité et son opération de sauvetage a profité aux principaux membres de sa petite famille. Concernant ses autres parents, il n'est jusqu'à présent pas question d'en traduire quelques uns devant les tribunaux. Au Yémen, Ali Saleh vient de poser ses conditions pour quitter le pouvoir : il exige entre autres qu'on lui épargne, ainsi qu'aux siens, toutes poursuites judiciaires. Kaddafi, pour sa part, doit certainement penser à une sortie aussi salutaire pour ce qui reste de son clan familial. Bachar El Assad, lui, a peut-être encore quelques semaines de sursis avant de songer à sauver sa peau et celle de ses proches. L'heure du départ sonnera-t-elle bientôt pour les autres oligarchies arabes ? On le saura dans les prochains mois. Une chose est sûre, néanmoins : l'esprit de famille s'avère très fort chez nos dirigeants arabes. Histoires de « familles » C'est en prévision des heures difficiles justement qu'ils se permettent, ainsi qu'aux leurs bien évidemment, d'amasser toutes sortes de biens, d'ouvrir et de renflouer bien des comptes à l'étranger, de s'acquérir une ou plusieurs résidences dans les pays les moins vulnérables et de s'assurer une retraite de luxe à l'abri des poursuites. Bourguiba n'était pas aussi prévenant : il n'avait rien d'un profiteur. La seule fortune qu'il tenait à emporter c'était celle d'un leader ; il mourut en tant que tel et, pour ses héritiers, ce legs pourtant très précieux n'était pas du genre à valoir grand-chose aux guichets des banques suisses, ni même dans nos banques locales. Et à en croire plusieurs habitants de sa ville natale, même la grande famille « monastirienne » ne tira pas grand profit du règne de Bourguiba. Ben Ali, lui, rendit beaucoup de services à Hammam-Sousse qui, de son temps, connut un fulgurant essor. Mais il paraît que l'épouse du président déchu a détourné l'essentiel de ses « largesses » pour en faire profiter sa famille à elle. La « Régente de Carthage » bâtissait également son oligarchie propre : enfants, frères, sœurs, gendres, cousins, et quelques ami (e)s intimes. Pour ce couple présidentiel, la Tunisie, cette grande famille qui lui a confié son destin, se réduisait à un cercle de privilégiés auxquels revenait l'essentiel de la fortune du pays. Quelques restes profitaient à la « famille » du RCD et une partie des miettes échouait dans les poches des charognards restants. Vigilance Notre révolution et celles que l'on déclenche actuellement dans les autres pays arabes ne doivent pas enfanter de nouvelles oligarchies, ni de nouvelles « tribus politiques » qui, sous d'autres prétextes et dénominations, pilleraient l'argent du peuple et s'accapareraient les richesses de leurs pays respectifs. Certains observateurs tunisiens, d'ordinaire lucides, se plaisent ces derniers jours à railler la création et les débats de la Haute Instance pour la Protection de la Révolution. Ils ont malheureusement tort de prendre à la légère cette commission qui, en principe du moins, doit nous prémunir contre le retour des oligarques, toujours là, prédateurs capables de tous les mimétismes pour leurrer leurs proies. La vigilance est donc de mise et pour chacun de nous, citoyens d'un beau petit pays en reconstruction, une seule famille est à défendre et à privilégier : la Tunisie ! Aux Egyptiens, aux Libyens, aux Yéménites, aux Syriens et à tous les peuples arabes et musulmans de militer de leur côté contre leurs hydres oligarchiques.