C'est la deuxième fois que nous lisons un roman de Houcine El Oued. Nous étions déjà tombés sous le charme à la lecture de « Rawaeh El Médina » (Prix Comar 2010), cette fois encore, nous avons beaucoup aimé « Son Excellence, Monsieur le Ministre », roman de 2010, publié en 2011 après avoir été censuré durant quelques mois. Nous sommes très heureux de n'avoir jamais rencontré Houcine El Oued. Nous estimons que notre évaluation de son œuvre n'en sera ainsi que plus fiable. Dans « Son Excellence, Monsieur le Ministre », la dénonciation de la corruption politique est tout aussi virulente que dans «Rawaeh El Médina», mais en plus, l'auteur y dresse avant l'heure le procès des Etats totalitaires et des républiques bananières. Le roman rapporte la plaidoirie-réquisitoire d'un ancien ministre dans un régime pourri. On peut y voir une allusion au règne de Bourguiba ou de Ben Ali, mais c'est un livre sur tous les gouvernements iniques. Son Excellence, Monsieur le Ministre met à nu un système complexe fondé sur la duplicité, le mensonge, l'exploitation et l'injustice ; un régime mafieux et oligarchique dont les tourbillons de bassesses finissent par happer tout le monde. Le triste héros du roman n'apparaît en définitive que comme une victime parmi d'autres qui, tout en reconnaissant ses torts et tout en assumant ses méfaits et forfaits, se propose comme modèle à ne pas suivre. La leçon à retenir En effet, cette fable de Houcine El Oued enseigne une morale et nos futurs dirigeants doivent s'en inspirer : Sans le moins du monde écrire un récit édifiant, l'auteur de « Son Excellence, Monsieur le Ministre » met en garde contre l'ambition ravageuse, le relâchement moral, la passion du pouvoir, la crédulité et l'incompétence en politique. La lecture de ce roman est vivement recommandée à tous nos candidats à la Constituante : en pleine campagne électorale, il leur est à notre avis prioritairement destiné. Peut-être les fera-t-il déchanter de la politique politicienne! Qui sait s'il ne les incitera pas à observer désormais plus de scrupules dans l'exercice du pouvoir ! Le risque existe aussi qu'il donne des idées aux âmes mal intentionnées et leur apprenne à « nager » dans la fange sans se salir ! La fin du roman et celle du héros devraient néanmoins terrifier les apprentis-politiques : le héros de « Son Excellence, Monsieur le Ministre » perd tout, sa vie en dernier, à cause de ses naïves présomptions d'instituteur de campagne. L'arrivisme, propre à sa classe, l'a obnubilé ainsi que les siens. Mais ce sont surtout les fallacieuses promesses du régime auquel il s'est très mal intégré qui ont précipité sa descente aux enfers. Lorsque notre « ministre » se réveille de son songe trompeur, il constate trop tard les dégâts et tente désespérément de se trouver des excuses devant le tribunal de l'Histoire et celui du lecteur. Un nouveau chef-d'œuvre ! Comme son prédécesseur, «Son Excellence, Monsieur le Ministre » est un roman qui n'ennuie guère. Il est merveilleusement bien écrit et donne à découvrir plus d'un personnage, plus d'un univers et plus d'une passion. C'est un livre en profondeur très pessimiste mais extrêmement réaliste sur la société et sur la politique : seuls quelques personnages y échappent à la dépravation ambiante. La fille cadette du ministre, par exemple, dont la candeur est encore sauve. La tante « Khaddouj » est également un havre de paix et d'amour, un îlot d'affection et de spontanéité encore préservé des périls corrupteurs. Roman émaillé de passages et de séquences érotiques, moyennement fourré de termes « indécents » aux yeux de certains, « Son Excellence, Monsieur le Ministre » reste un roman pudique qui, justement, défend les grands principes et la haute vertu sans pour autant se faire trop d'illusions sur le genre humain. Livre amer qui, toutefois, se lit agréablement d'un bout à l'autre. C'est sans conteste un nouveau chef-d'œuvre de Houcine El Oued !