Le peintre Tahar M'guedmini, fait halte à la galerie le Violon bleu à Sidi Bou Saïd, pour présenter ses œuvres récentes jusqu'au 14 avril. M'guedmini, c'est l'artiste de Djerba. Il y est né et y vit. Sa peinture émerge de cette île dont il s'est imprégné de son ambiance, son patrimoine humain et artisanal. Diplômé de l'école des Beaux Arts de Tunis, de la même promotion que Abderrazek Sahli, M'guedmini a appris les préceptes du dessin de son professeur Habib Chebil. Aux côtés de ses compagnons de route Hédi Labbène et Gouider Triki, il se perfectionne dans le dessin et particulièrement le dessin d'anatomie à l'Ecole des Beaux-arts de Paris, ce qui fait de lui qu'il est l'un des meilleurs dessinateurs de sa génération. L'exposition, intitulée « Vibrations » réunit des dessins troublants au fusain dont se dégagent des sentiments diffus d'angoisse. Les corps en mouvement restent la préoccupation majeure du peintre qui les place dans l'espace de la toile de manière à les isoler dans un espace clos où s'infiltre discrètement une lumière fine venue par l'entremise d'une fenêtre ou une porte. Une lumière donnant une perception d'espoir et d'élévation. Dans les années 90, le monde que le peintre transposait était divisé en deux entre extérieur et intérieur. La rue, les cafés, les souks et les échoppes représentent l'univers masculin. Les hommes sont souvent réunis en cercle autour d'un verre de thé ou d'un café. Les discussions semblent animés. L'artiste se tient à distance explorant les lieux et jetant un regard plongeant sur cet univers. Dans les menzel typiquement djerbiens, évoluent les femmes loin des regards indiscrets des hommes. Ces images populaires sont des icones où les sujets sont vaguement esquissés. L'essentiel sont les formes, les couleurs, les contrastes qui traduisent le plein et le vide. Actuellement, c'est l'exaltation dans sa dimension mystique qui est ici exprimée à travers des corps qui tournent comme des derviches tourneurs. Des corps en transe élevés dans un espace et un temps incertain, indéterminé. Ils sont dans un dépassement et une dynamique extraordinaire . La vigueur du trait, le souffle graphique et la qualité des pigments font l'originalité des toiles de ce peintre qui évolue progressivement dans sa carrière. Et pour conclure, on peut dire que les œuvres de M'guedmini sont marquées du sceau de la beauté dans son sens le plus noble et une générosité telle qu'elle touche au plus profond l'âme du spectateur. La recherche d'une réalité profonde qui transgresse les conventions est l'intérêt essentiel de cette quête plastique dans on relève avec plaisir l'emploi des techniques tout à fait personnel. La recherche semble aller au-delà de la simple provocation, le recours aux vibrations des corps, sommairement reproduits, permet en définitive un jeu de lumière abrupte, violente voire angoissante, annihilant tout détail superflu. La couleur dématérialisée se transforme en lumière subliminale où le contraste des corps renforce leur dynamique. M'guedmini prouve, s'il en est, qu'il est en pleine possession de son talent. Un talent qui a su garder la fraîcheur de l'instinct. C'est tout ce qu'on demande.