Le Temps-Agences - Les militants syriens appellent à une nouvelle vague de manifestations cette semaine pour rendre hommage aux quelque 80 personnes tuées dans la répression des précédents mouvements antigouvernementaux, lancés il y a près de trois semaines. La page Facebook "The Syrian Revolution 2011" appelle à des manifestations dans tout le pays mercredi, jeudi et vendredi, parlant de "Semaine des Martyrs". Hier, la page avait plus de 105.500 fans. Le président Bachar Al-Assad a tenté de mettre fin à la crise, notamment en limogeant son gouvernement et en promettant la création de commissions destinées à plancher sur des réformes. Mais il n'a présenté aucune réforme d'ampleur susceptible d'apaiser la situation. Hier, la Syrie a suspendu toutes les rencontres de football pour tenter d'éviter les rassemblements qui pourraient tourner à la contestation du régime.
La fièvre du vendredi Jour de prières et de dévotions, le vendredi est devenu, dans cette région, journée de confrontation, le plus souvent sanglante. Un peu partout, ce ne sont en effet que vendredis de la liberté, de la dignité, de la colère. Et, inévitablement, vendredi des martyrs comme c'était le cas en Syrie, point de mire des Libanais de toutes tendances. Davantage peut-être en effet que les prêches enflammés des ulémas, les cérémonies de mise en terre de ces martyrs ne peuvent que donner lieu à une relance de la contestation et celle-ci appelant, à son tour, un surcroît de répression. Journée test des plus concluantes, aussi, que ce premier vendredi d'avril en Syrie, lequel suivait de peu la tardive et plutôt décevante intervention publique du président Bachar Al-Assad devant l'Assemblée du peuple. Trop peu, trop tard : les vagues promesses de réformes formulées par le raïs n'ont visiblement pas amadoué une opposition qui donne l'impression d'avoir déjà franchi le point de non- retour. Et l'annonce, le lendemain, de la création de commissions spéciales, chargées théoriquement de préparer lesdites réformes, n'a fait qu'exacerber les esprits, tant il est évident que pour le régime baassiste, la levée, entre autres mesures d'exception, de la loi d'urgence n'a précisément rien d'urgent... Ce triste constat laisse craindre qu'à moins de développements majeurs, la spirale agitation-répression n'est pas près d'être enrayée. Or, à mesure que montent les folles enchères du sang, va devoir s'imposer, aux dirigeants de Damas comme aux gouvernements du monde, cette question d'une terrible simplicité : à partir de quel seuil le bilan des victimes cesse-t-il d'être, aux yeux de l'opinion publique mondiale, une regrettable tragédie locale pour devenir objet d'une vaste indignation réclamant une action internationale ? Et de se borner à tirer à balles réelles sur les manifestants désarmés peut-il vraiment s'avérer plus bénin, à la longue, plus tolérable que de recourir à l'artillerie lourde et à l'aviation ? …Etats lointains et Etats voisins, sans plus de précisions, ont été accusés d'aider les conspirateurs de l'intérieur en Syrie. Or les faits montrent au contraire qu'au risque de paraître pécher par excès d'indulgence, nul de ces Etats, qu'ils soient voisins ou lointains - et sans omettre même Israël -, ne semble particulièrement désireux, pour le moment du moins, de voir s'effondrer le régime syrien, généralement par crainte d'une relève plus turbulente encore. L'Amérique a donné le ton en excluant toute intervention militaire à la libyenne. Et la France a souligné que chaque pays en crise constituait un cas spécifique. On aura même vu le roi d'Arabie saoudite faire part au téléphone de ses vœux de stabilité au président syrien. Explication : Damas, prenant le contre-pied de ses alliés d'Iran et du Hezbollah, a qualifié de légal le récent déploiement de troupes saoudites dans le royaume de Bahreïn en proie à une insurrection chiite. Voilà ce qui s'appelle un prêté pour un rendu. Mais pour que soit enfin prêtée l'oreille aux cris de liberté, faut-il absolument que se poursuive la folle montée des enchères du sang ? Issa GORAIEB (L'Orient le Jour)