De révoltée, puis sceptique, la toile tunisienne a été durant la dernière semaine de nouveau revendicative. Des milliers de personnes se sont mobilisées pour appeler à une manifestation devant l'ambassade de l'Arabie Saoudite, exigeant le rapatriement de Ben Ali. La damnation En effet, malgré les réformes, l'annonce de prochaines élections, la frénésie politique s'empare des Tunisiens, lesquels ne semblent pas avoir la mémoire courte. Dans la majorité, une revendication leur tient à cœur : juger l'ancien président. Le voir emprisonné, jugé, condamné, apaiserait les esprits, peut-être aussi « les rancœurs », si longtemps opprimés, apeurés et contraint au silence… Personne de la famille de l'ancien président ne semble épargné. Malgré les évènements qui se passent tous les jours et que les Tunisiens suivent et partagent sur le net, ils gardent un regard tourné vers le passé et vers l'ancien président. C'est à croire qu'ils ne sont pas encore enclins à regarder vers l'avenir avant que l'ancien président ne soit entre les mains de la justice tunisienne. C'est là leur façon de trancher avec un passé douloureux, qui était difficilement supportable jusqu'à ce qu'il soit noyé dans le sang des Tunisiens sortis manifester contre la répression policière. L'emprisonnement de Moubarak ainsi que ses fils, a justement attisé et réanimé la même revendication chez les Tunisiens… Les Tunisiens traquent aussi sur la toile tous les cerbères de Ben Ali. Ses ministres, les uns après les autres appelés à comparaître devant la justice, ne passent pas inaperçus ou sous silence. L'information relative à leurs arrestations ne prend généralement pas plus d'une demi-heure pour faire le tour de la toile. Les Islamistes, rumeurs, préjugés ou danger latent et réel ? Les Islamistes, ou intégristes ou extrémistes, selon la définition de chacun continuent eux aussi à faire parler d'eux sur le net. C'est surtout le salafisme, que les internautes se disent combattre, ou soutenir… D'un côté, les groupes continuent à se consister pour défendre l'Islam, qu'ils croient visé en Tunisie, mais appellent vite à l'intégrer dans la politique… D'autre part, des groupes se forment aussi afin de rappeler aux Tunisiens les dérives de la révolution iranienne, ainsi que la tournure prise par les évènements à la suite de la mouvance intégriste (FIS) en Algérie il y a 20 ans. D'un côté comme d'un autre, des informations, des vidéos et des articles sont partagés afin de justifier et d'argumenter son choix. Il ne s'agit pas vraiment de débattre en ce qui concerne cette question, mais surtout de s'exprimer. En effet, les partisans de l'un ou de l'autre camp, ne semblent pas disposés à dialoguer entre eux, mais plutôt, ils s'attaquent mutuellement au lieu de se convaincre l'un, l'autre. Les rumeurs portant sur une fille attaquée au vitriol, ou un voleur, à qui on aurait voulu couper la main, « pratique obsolète d'une époque révolue et qui n'était appliquée que très rarement pour ne pas dire, jamais mise à exécution » circulent alors. Cela va au profit de l'un et de l'autre camp. Les chevaliers servants de la religion ont l'occasion à travers ces rumeurs de se « victimiser » et ils accusent les non religieux de diaboliser l'Islam. Les autres quant à eux créent une grande peur chez les internautes, les mobilisant pour lutter contre le voile et la barbe. Il est vrai que la majorité ne veut pas voir la Tunisie devenir « Tunistan » comme on l'appelle sur le net afin de ridiculiser la tendance salafiste, mais il existe aussi sur la toile tunisienne, ceux qui en cultivent le fantasme… Seuls les actes dans la vie réelle et non pas sur le net, détermineront l'avenir modéré ou extrémiste de la Tunisie, cela dit, la toile reste un moyen de mobilisation. Et le social aussi Bien que très politisée, la toile tunisienne ne délaisse pas le social. On y partage tout ce qui se passe en Tunisie : troubles, grèves, problèmes sociaux, pauvreté, immigration clandestine… et même humour. Les vidéos relatant les activités sociales de solidarité et d'aide, ainsi que des groupes d'associations nouvellement nées sont alors très présents dans la toile. Des appels sont lancés afin de mobiliser les jeunes tunisiens dans l'aide sociale envers les couches les plus démunies. Des caravanes continuent à être également organisées… Le flot d'immigration clandestine vers l'île italienne de Lampedusa a aussi suscité beaucoup de réactions. Il a par exemple, donné naissance à une page baptisée « Lampedusa est libre et les Italiens sont dehors ». Les Italiens ne devraient pas s'en inquiéter, ce n'est qu'une ironie critiquant la situation via l'humour. La vidéo où on voit des jeunes tunisiens immigrants clandestinement détruisant tout sur leur passage a également été fort critiquée… Les Tunisiens, en Tunisie ou ailleurs ont plus que jamais intérêt à véhiculer l'image d'un peuple civilisé et qui s'applique surtout à construire sa démocratie… L'humour se propage d'ailleurs sur le net. Un autre groupe ironisant sur la naissance de plus de 50 partis et s'intitulant « le parti du chat » - Hezbeb El Katous – a vu le jour sur la toile. Ils relatent les revendications, politiques, sociales, économiques des Tunisiens, mais en les adaptant dans l'humour au monde animalier…