Il semblerait que l'attitude de l'Etat italien envers la Tunisie prête à équivoque. Les événements que connaît la Tunisie depuis quelques mois ont eu des effets sur ses relations avec son voisin du Nord, notamment après l'exode de milliers de concitoyens vers l'Italie, cherchant, dans leur majorité, à gagner la France. Les tout premiers propos des officiels italiens ont été critiqués par Tunis, par la suite, les visites de responsables italiens ayant pour objectif de trouver un terrain d'entente avec leurs homologues intérimaires tunisiens ont en quelque sorte réussi à apaiser les esprits. « Or, il semble aussi que les autorités italiennes soient en train de paralyser les investissements de leurs ressortissants en Tunisie ». C'est ce que nous l'a clairement expliqué Maître Luigi Valentini, consultant auprès des entreprises italiennes qui dénonce « la réticence de l'Institut de Commerce Extérieur, auprès de l'ambassade d'Italie à Tunis, qui refuse depuis quelques mois d'accorder le soutien nécessaire aux entreprises italiennes désirant investir ou s'installer en Tunisie, et ce, depuis le 14 janvier ». Selon lui, la SIMEST, qui joue le rôle d'une société d'investissement à capital risque, ne supporte plus les entreprises italiennes avançant, dit-il « deux prétextes, le premier concerne la sécurité dans le pays, alors que le deuxième est tout à fait illogique », dit encore Luigi Valentini. La deuxième cause « est la crainte parmi les responsables de la SIMEST d'une éventuelle montée du courant qu'ils considèrent intégriste, à savoir le mouvement Ennahdha ». La Simest est une institution financière pour le développement et la promotion des entreprises italiennes à l'étranger et qui a été créée en 1990. Ce bras financier de l'Etat Italien peut détenir jusqu'à 49% du capital des sociétés étrangères dans des pays autres que ceux de l'Union Européenne, qu'elles soient une propriété 100% italienne, ou en joint-venture avec des partenaires locaux. Ce qui intrigue le plus ce consultant italien basé à Tunis, dont le portefeuille comporte des intentions d'investissement de la part de plusieurs entreprises italiennes c'est que « 75% du capital de la Simest est détenu par l'Etat italien ». « Parmi les problèmes, on cite le problème financier en première position. On annonce des aides financières pour les investissements italiens en Tunisie, et en même temps, on constate la mise en place de critères beaucoup plus rigoureux comparés à ce qui prévalait avant le 14 janvier en ce qui concerne l'octroi des financements de la part des banques italiennes. Mais on constate aussi et surtout une suspension de financements de la part de la SIMEST. Cette institution, qui est une société de capital à risque, accepte les dossiers, mais au moment d'accorder les financements, elle y renonce » ajoute encore Maître Valentini, car selon lui « on attend l'évolution de la situation en Tunisie ». Tout ceci pousse notre interlocuteur à dire que « l'Etat italien à travers la Simest, ne donne plus d'argent pour les investissements italiens, alors que sur le plan officiel, on ne cesse de dire que l'Italie s'engage beaucoup notamment avec des lignes de crédit, ce qui est à notre avis un double langage. On peut parler des investisseurs italiens qui ont déposé leurs dossiers dans l'objectif d'avoir des financements de la part de l'Etat italien à travers la Simest, mais depuis quelques moments, ils n'ont rien eu ». Pis encore, témoigne Luigi Valentini « sous prétexte de la situation sécuritaire actuelle en Tunisie, les banques privées n'ac cordent plus d'investissement». Et d'ajouter « Dans le langage utilisé par les Occidentaux et les Italiens en particuliers, on ne parle pas d'islamistes, mais on parle d'intégristes, ceci engendre un refroidissement, pour ne pas dire la paralysie des financements » dit encore Luigi Valentini. Nous avons essayé de contacter la directrice de l'Institut du Commerce Extérieur relevant de l'ambassade d'Italie à Tunis, mais ses collaborateurs nous ont informés qu'elle n'est pas « en Tunisie, puisqu'elle profite de ses vacances de Pâques ». Une source au sein de l'ambassade d'Italie à Tunis a catégoriquement démenti les propos de notre interlocuteur. Selon cette source « l'ICE n'accorde pas de financements, mais son objectif c'est de promouvoir le commerce extérieur italien. Dans ce cadre, l'ICE organise des séminaires et des rencontres B to B entre opérateurs italiens et leurs homologues d'autres pays ». Quant à la SIMEST, la même source nous indique que « les entreprises italiennes ont toutes décidé de poursuivre normalement leur activité en Tunisie après le 14 janvier, faisant ainsi une preuve de fidélité envers le pays. Les chefs de ces entreprises ont tout fait pour convaincre et rassurer leurs clients et leurs fournisseurs à l'étranger qui n'avaient pas totalement confiance quant à une bonne reprise des activités ». La même source indique « qu'une table ronde a eu lieu en Italie intitulée « La Tunisie », elle était composée de représentations de la Cofinidustria, le patronat italien, de l'Association des Tours opérateurs italiens avec la participation des responsables gouvernementaux, notamment ceux de l'ICE, et tout le monde était unanime quant au soutien de la Révolution et quant à la volonté de pousser à l'avant les investissements et les échanges entre la Tunisie et l'Italie ». Pour sa part, Ferrucio Bellecini, secrétaire général de la Chambre Italo- Tunisienne du Commerce et de l'Industrie (CITCI) a nié que les fonds mis à la disposition de la SIMEST soient bloqués. Il rappelle qu'au «15 avril dernier, une réunion à un haut niveau a eu lieu en Italie et à laquelle avait participé de le Directeur Général de la SIMEST, et parmi les points qui ont été décidés c'est le soutien indéfectible aux investissements italiens en Tunisie, parce qu'il croit en le potentiel de ce pays». Selon lui, «beaucoup de financements sont actuellement en cours, dont une importante partie est mise à la disposition de la part de la SIMEST ». Interrogé sur les financements que ce bras financier a débloqués pendant les deux derniers mois, le secrétaire général de la CITCI a dit ne pas « avoir des chiffres exacts, et qu'il n'était pas en mesure d'y répondre ».