• Les transports, représentant 14% du PIB, employant 575 mille personnes ( soit 17% de la population tunisienne) et brassant 8 milliards de dinars, sont gangrenés par un phénomène de fraude et de corruption ahurissant • Les malversations au niveau de l'Equipement sont tout aussi importantes : si on retranche (par exemple) 5 centimètres sur une route de 20 kilomètres, les sommes « usurpées » sont alors énormes ! • RFR : une banque étrangère devait financer le projet…mais Imed Trabelsi a fait irruption ! • Tunisair : son actuel PDG est un homme « intelligent et persistant ». Mais avec ses 500 millions d'euros de chiffre d'affaires, la boîte était dirigée pour tout un chacun : la Présidence, le ministère, le RCD, l'UGTT ainsi que les familles mafieuses En poste depuis quelques mois déjà, Yassine Ibrahim, ministre du Transport et de l'Equipement a tenu sa toute première conférence au siège du ministère de l'Equipement, hier à Tunis. Il est possible de dire qu'il n'existait pas un ordre du jour, tellement les questions, les problèmes, les réponses attendues et les éclaircissements espérés étaient multiples. Le ministre paraît surtout dynamique. Il a effectué plusieurs visites dans les régions et compte compléter le tour dans les gouvernorats restant avant la fin de son mandat. Pour lui, « il s'agit d'une philosophie de travail, aller sur le terrain, c'est totalement différent que de recevoir des dossiers et des informations sur son bureau. Cela permet d'entrer en contact direct avec les cadres des différentes administrations dans les régions, ce qui permettrait une meilleure visibilité et une meilleure appréhension des solutions à envisager » dit Yassine Ibrahim. C'est ce que lui a certainement permis d'admettre « que le niveau de la fraude et de la corruption dans ces deux départements d'Etat soit aussi important ». On ne peut que se faire une idée sur l'ampleur des malversations qui ont eu lieu au cours des dernières années, surtout si l'on sait que le secteur des Transports représente 14% du PIB de la Tunisie, soit 8 milliards de dinars, et qui emploie 575 mille personnes, soit 17% de la population active. Dans le secteur de l'Equipement, le ministre par intérim a conclu en disant que les malversations dans ce secteur « sont aussi importantes. On peut avoir une idée sur l'ampleur de ces fraudes dans des cas multiples, par exemple si on retranche quelque 5 centimètres sur une route de 20 kilomètres, les sommes ne peuvent être que grandes ». Le ministre a cependant essayé de délimiter les grands axes de la rencontre dans « la présentation du programme économique de ces deux ministères, ainsi que pour évoquer la feuille de route qui devrait être prête, outre les actions de sensibilisation qui ont pour objectif de faire sentir que la Tunisie a changé, surtout en matière de gestion ». Yassine Ibrahim n'a pas omis la question « de l'emploi qui reste la plus grande problématique ». L'administration, a-t-il rappelé « a un rôle à jouer, que ce soit en matière de création des 20 mille postes d'emploi dont le gouvernement actuel parle, ainsi qu'en ce qui concerne les appels d'offres, où un travail est effectué avec le Premier ministère ». Outre la question des régions intérieures du pays « là où il a fallu multiplier les visites ». Ces visites se sont soldées par 160 actions sur le terrain, des actions qui ont dégagé la nécessité d' « un arbitrage budgétaire dans l'objectif de réaliser certains projets urgents, comme le train de la région du Kef, ou encore les routes liant Sidi Bouzid aux villes voisines ». Evoquant la problématique des agences techniques dans les régions, Yassine Ibrahim a mentionné qu'il s'agit d'un problème essentiellement foncier « mais il faudrait avancer dans ce sujet, puisque tout projet est créateur d'emploi ». Pour ce qui est des pistes dans les zones rurales lointaines et essentiellement agricoles, le ministre a souligné que seulement 1750 kilomètres de ces pistes ont été réalisées au cours des 10 dernières années et qu'actuellement le besoin est d'en construire 2000 km « ce qui représente une demande qui n'est pas compatible avec le budget ». Le ministre pointe du doigt « la méthode de prise de décision qui est très centralisée, et loin des régions, ce qui devrait changer. Il faudrait ajoute-t-il aussi faire encore plus de confiance dans l'administration surtout que nous comptons beaucoup de cadres compétents, sur lesquels il faudrait compter pour réussir la réalisation des projets ». Ceci n'empêche pas de dire que «parfois, certains directeurs ne sont pas compétents, ce qui explique la mauvaise gestion dans certaines administrations » souligne aussi le ministre. La corruption dans les administrations du ministère des Transport : il n'y que ça ! Parlant du « mic mac », Yassine Ibrahim a admis qu'il « en découvre chaque semaine du nouveau». « Vous ne pouvez pas imaginer le degré de corruption qui existe, et je ne serais pas complice dans tout cela », a-t-il dit en s'adressant aux journalistes présents. La liste n'est pas seulement longue, mais beaucoup de têtes ont déjà fait les frais, en attendant ce qui pourra venir. « Dans projet du RFR (Réseau Ferroviaire Rapide), à titre d'exemple, il y'avait une banque étrangère qui devrait financer une partie du projet, en partenariat avec le gouvernement tunisien. Mais l'entrée en ligne danscette affaire de Imed Trabelsi, qui voulait avec son partenaire italien mettre la main sur le projet en essayent de bénéficier de la règle du moins disant, a poussé le bailleur de fonds à se retirer du projet ». La décision de ce bailleur de fonds a été prise le 16 janvier dernier. Dans d'autres affaires, le ministre a indiqué que des commissions ad-hoc d'audit et d'inspection ont été composées. Ces commissions ont, entre autres, pris des décisions de destituer 20 hauts cadres du ministère des Transports sur 33 PDG. « Mais parmi ces PDG, il existe bien un nombre d'entre eux avec lesquels nous avons commis des fautes et qui ont été rappelés à reprendre le travail dans leurs administrations respectives, tout en attendant qu'ils passent devant les conseils de discipline pour voir s'il s'agit de délit d'ordre pénal, ce qui voudra dire que c'est la justice qui devra trancher dans les affaires dans lesquelles ils ont été impliqués ». Des enquêtes patrimoniales sont en cours d'élaboration concernant un nombre déterminé d'ex responsables, pourra dire davantage sur ce qui pourrait se passer dans les semaines à venir. Mais d'une façon générale et dans l'objectif d'instaurer des règles de transparence, l'intention semble être d'imposer « des déclarations patrimoniales toutes les cinq années pour les grands responsables de l'administration », surtout que « beaucoup de marchés ont été accrédités avec des appels d'offres non transparents », a encore précisé Yassine Ibrahim. Reste enfin la question toujours épineuse de Tunisair. « Une compagnie nationale qui était l'objet de toutes les convoitises, et incarne exactement ce qui se passait en Tunisie » a aussi dit le ministre. Qualifiant son actuel PDG de « intelligent et persistant », Yassine Ibrahim a précisé que « Tunisair avec ses 500 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel était dirigée par tout un chacun, la Présidence, le ministère, le parti (le RCD), le Syndicat(UGTT) ainsi que les familles mafieuses, tout le monde voulait en profiter ». Pour ce qui est de l'avenir de cette compagnie, qui semble être complexe, la commission mise en place déterminera à quel point Tunisair pourra continuer à être compétitive ». Ce qui semble être encore certain, c'est qu'une prise de décision quelconque au sein de Tunisair est loin d'être immédiate ! In fine, ce qui est à mentionner, c'est que Yassine Ibrahim n'a pas échappé à la règle qui caractérise les ministres du gouvernement de transitions actuels. Bien que ses réponses aient été «à la hauteur», elles restent vagues et n'ont pas permis d'avancer certains détails qui demeurent sans réponse. Ceci n'empêche de dire que son travail, jusque là, lui permet de sortir un peu du lot.