Les souvenirs tenaces d'un Habib Bourguiba, le leader national canonisé et statufié à souhait nous reviennent. Il faut dire qu'ils se sont fanés, par moments, pendant 23 ans d'oligarchie d'un Ben Ali sans foi ni loi. Et si, aujourd'hui, on reprend quelques pans de notre histoire commune, c'est pour prendre du recul pour pouvoir, par la suite, prendre de l'élan. Ce serait le but escompté par l' « Association nationale de la pensée bourguibiste » qui a organisé hier une manifestation commémorant la date du 1er juin 1955 restée gravée dans nos mémoires de Tunisiens. Comme par stoïcisme les participants à cette manifestation ont programmé, entre autres, une marche ayant pour point de départ la Goulette, pour élire domicile à l'Avenue Mohammed V à Tunis. En hommage à ce retour triomphal de Bourguiba qui rentrait ce même jour de l'an 1955 de son exil, lorsqu'il fut porté par la foule de La Goulette à Tunis... Histoire d'éveiller des souvenirs dans cette longue et tortueuse marche du temps où les évènements s'entrelacent, s'assemblent et se ressemblent. Le 1er juin c'est aussi la date de la promulgation de la Constitution de 1959. L'histoire ne cesse de se renouveler dans le présent Et puisqu'on y est, il y a lieu de remarquer dans ce même ordre d'idées que certains observateurs établissent des rapprochements entre la Tunisie fraîchement indépendante et la Tunisie libérée du joug de la dictature d'un Ben Ali qui dirigeait le pays d'une main de fer. Béchir Yézidi, universitaire, y croit dur comme fer. Le professeur à l'Institut supérieur d'Histoire du mouvement national considère que l'ambiance politique et sociale qui régnait à cette époque-là ressemble à plus d'égards à celle d'aujourd'hui. « Avec la fuite des capitaux à l'étranger, le pays comptait notamment sur les revenus de l'agriculture, domaine frappé à son tour par l'invasion des criquets entre 57 et 58. » dit-il. Les bourguibistes'' et les ‘'youssefistes'' qui se tiraient entre eux à boulets rouges rappellent un tant soit peu les querelles idéologiques auxquelles se livrent des leaders politiques de l'après chute de Ben Ali. L'agora pré-électorale du temps présents nous rappelle le souk politique des temps de Bourguiba au lendemain de l'indépendance. La machine à remonter le temps nous renvoie jusqu'en l'an 56 lorsque l'élaboration de la Constitution fut l'apanage de L'Assemblée nationale constituante « L'assemblée a consacré seulement 19 réunions pour discuter de la constitution alors qu'elle a tenu 52 réunions entre 1956 et 1959. L'institution élue a également pris tout son temps pour donner lieu à une constitution qui protégeait les intérêts du parti et de son leader » fait remarquer Béchir Yazidi qui continue « En 1960, Bourguiba qui donnait une interview à l'Express disait à Jean Daniel, ‘'Le pouvoir, c'est moi''. Cela en dit long sur la face cachée d'un leader qu'on qualifiait de tous les superlatifs. Bourguiba, le fondateur de la Tunisie moderne, le visionnaire, était aussi le dictateur éclairé qui a fait de l'Etat tunisien son fief qu'il a possédé depuis les années 70. D'aucuns considèrent que « Bourguiba aurait fait le vide autour de lui pour céder la place politique à un Ben Ali qui ne reculait devant rien pour asseoir son oligarchie. Le dictateur moderniste aurait propulsé au devant de la scène un dictateur obscurantiste » Peut-on, malgré tout, changer le cours de l'histoire ? On ne peut changer une histoire si l'on n'en prend pas conscience, si l'on cherche à en nier des faits. La constitution de 1959 en ce sens, aurait servi de point de départ et à laquelle on aurait apporté des changements en fonction de leurs capacités à s'insérer dans la modernité. Mona BEN GAMRA daassi [email protected]