La réussite de la transition démocratique mais avant tout économique passe inévitablement par l'intervention de toutes les parties. Politiciens, économistes, experts, société civile… sont tous concernés par l'édification de l'œuvre de la Tunisie nouvelle et d'un modèle économique tuniso-tunisien tenant compte des spécificités et des besoins du pays loin de toute intrusion ou influence à connotation politique. L'Association des économistes tunisiens (ASECTU), profite de l'ouverture des débats autour du nouveau modèle économique à asseoir en Tunisie dans l'ère postrévolutionnaire et invite des hommes politiques et des économistes émérites à méditer autour de questions déterminantes touchant essentiellement aux modes d'emploi, au rôle des institutions politiques, à l'innovation et à l'environnement des affaires. Mohamed Haddar et Ridha Gouia, respectivement président et secrétaire général de l'ASECTU, ont présenté hier lors d'une conférence de presse les grandes lignes et les objectifs assignés au colloque international qui se tiendra les 6 et 8 juin courant à Hammamet ayant pour leitmotiv : quel modèle de développement pour la Tunisie démocratique ? 90 à 120 intervenants prendront part aux travaux du colloque. Jalloul Ayed, ministre des Finances et Abderazak Zouari, ministre du Développement Régional représenteront probablement le gouvernement provisoire au colloque. Ils débattront du programme présenté récemment au G8 et du modèle de développement régional à tracer en Tunisie après l'échec des modèles antérieurs. En effet, il paraît que la question de la participation de la Tunisie au G8 alimente les commentaires les plus avisés. De quel programme quinquennal parle le gouvernement provisoire ? Quelles sont les grandes lignes du programme gouvernemental présenté à Deauville ? Le gouvernement provisoire, « comme son nom l'indique » a-t-il le pouvoir et l'assise requis en ce sens pour agir et décider sur des questions stratégiques lui permettant d'avoir une vision prospective sur cinq ans ? Fallait-il dans ce cas qu'il dispose de tous les instruments technocratiques lui permettant de projeter et de dresser des plans stratégiques ? Existent-ils d'autres issues que le surendettement et les « prêts-pièges » pour sauver l'économie nationale et faire, redémarrer l'appareil et réussir la transition démocratique loin de toute ingérence extérieure? « A-t-on retenu les leçons de l'ancienne politique économique et ses avatars et ce qui a changé après la Révolution ? ... Ce sont quelques interrogations qui taraudent la conscience de l'opinion publique et par soulevés par les observateurs en général, en l'absence d'informations pertinentes et d'éclaircissements de la part du gouvernement provisoire. Le colloque international de l'ASECTU se penchera dans sa première séance plénière sur le fond du programme présenté au G8. On n'est pas sorti de l'auberge Le développement régional, ce point focal et ce terme en vogue ces derniers temps fera également l'objet de réflexions aux travaux du forum de l'Association des économistes tunisiens. Tout le monde en parle aujourd'hui du développement régional, des disparités régionales, de la pauvreté, des inégalités…Mais qu'en est-il des actions à entreprendre sur le terrain. Six mois après la Révolution, on voit peu ou pas de progrès en la matière. Les pauvres et les mal nantis sombrent dans leur dénuement. Bref, on n'est pas sorti de l'auberge. Le programme social apporté par le gouvernement provisoire ne peut apporter grande chose en si peu de temps, surtout que les enjeux politiques prennent le pas sur le social et l'économique. Le gouvernement actuel serait-il l'adepte du dicton de Daniel Pennac qui dit : « Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer les décors ». Loin de toute langue de bois, quelle stratégie à adopter pour le développement régional : c'est la question qui va être débattue lors du colloque international en présence de Abderazak Zouari, ministre du Développement Régional. Dans ce même ordre d'idées, Ridha Gouia, secrétaire général de l'ASECTU appelle à instaurer une stratégie régionale commune qui regroupe tous les ministères concernés : équipement, santé, éducation, agriculture,…de façon à rompre avec la vision personnalisée et propre à chaque ministère. Le triptyque : formation, innovation, recherche D'autres ingrédients et autres facteurs déterminants de la réussite de la transition démocratique seront mis sur la table des débats. Entre autres : quels chantiers économiques à prévoir et à mettre en œuvre pour une Tunisie démocratique ? Quelles institutions politiques à mettre en place à même de garantir le bon acheminement de la transition démocratique ?; Quel système d'innovation à concocter et Quel environnement des affaires à favoriser pour un développement économique sain et équitable. Pour Mohamed Haddar, économiste et président de l'ASECTU, le triptyque : formation, innovation, recherche serait la base de la nouvelle économie. Il appelle à mettre en œuvre un modèle économique tuniso-tunisien se basant sur la productivité, l'innovation et la créativité, à même d'asseoir les bases solides d'une économie à forte valeur ajoutée capable de générer annuellement 170.000 emplois d'ici les dix prochaines années. Il est clair que le programme du colloque s'annonce riche et constructif, mais l'essentiel serait d'avoir un certain feed-back auprès du gouvernement. Le rôle des économistes est de poser la problématique et de trouver des solutions et des formules économiques scientifiques capables de faire avancer l'économie nationale. Toutefois, quels seraient l'utilité et l'intérêt des études, des recherches scientifiques et des rapports en l'absence d'interactions entre les économistes Tunisiens et le gouvernement ou l'administration. Le gouvernement de Ben Ali faisait la sourde oreille à tout rapport ou apport pouvant divulguer la réalité et améliorer l'économie nationale. Mais si le gouvernement provisoire actuel ou le gouvernement à venir continuait à procéder de la même manière et les mêmes oligarchies, à « importer » les experts et économistes, à faire fi des revendications légitimes de leurs concitoyens et ne faire qu'à leur tête, on aura rien changé et on aura raté la transition démocratique encore en fleuve. Dire qu'un seuil de pauvreté avoisinant les 25%, récemment déclaré par le ministre des affaires sociales ne plaît pas à certains économistes et autres « staticiens » Tunisiens qui considèrent que le taux de pauvreté en Tunisie ne peut absolument excéder les 8%. A vrai dire et jusqu'à preuve du contraire, le courant ne passe toujours pas entre le scientifique, l'économiste et le pouvoir décisionnel en haut de la pyramide. A quand donc la fin de la rupture et à quand la dichotomie entre politiciens et économistes?