La journée du 21 juin, dédiée à la musique, est passée inaperçue cette année. Les manifestations musicales qu'on avait l'habitude de voir se tenir en plein air sur les places publiques n'ont pas eu lieu ! Aucune percussion n'a retenti, aucun son musical n'a vibré sur l'Avenue principale de Tunis, ni d'ailleurs dans d'autres villes où s'organisaient à cette occasion et depuis plusieurs années, des spectacles de rue animés par des troupes de jeunes musiciens et où se mêlaient moult genres musicaux. Il semble que ni le ministère de la Culture, ni la municipalité de Tunis, ni non plus les associations à vocation culturelle et artistique n'ont pensé à célébrer cette journée, pourtant fêtée chaque année dans plus de 120 pays et 350 villes dans le monde, depuis que Jack Lang en a lancé l'idée en 1982. Pourtant, nous avons toujours fêté cette journée à notre façon, sur l'Avenue même de Habib Bourguiba qui a vu se déployer, au fil des années, des groupes de rap, de rai, de funk, soul, du jazz, du hip hop et de la musique tunisienne ou orientale. D'autres moments forts de cette fête ont été vécus dans plusieurs lieux (El Menzah, Karraka de la Goulette…). L'on se souvient encore de ces animations musicales qui eurent lieu ces dernières années sur l'artère principale de la capitale et qui drainaient une foule considérable de jeunes : une fois, il y avait D.J. Mourad, animateur principal de cette soirée et d'autres rappeurs tunisiens qui ont surchauffé l'ambiance. Une autre fois, on avait l'occasion de voir la même avenue s'animer par la présence d'autres groupes comme DJ, karaoké, groupe rap «Black Storm», groupe rai et groupe H-2nsi (H. Tounsi) à Bab Bhar, «Dadou», groupe X-Tasy de hard rock et rock 2045 à El Menzah. A maintes occasions, cette fête de la musique a été marquée par des initiatives des services culturels français, notamment l'IFC qui organisaient des spectacles à l'Acropolium de Carthage ou dans d'autres lieux de la capitale en faisant venir des artistes internationaux pour animer cette soirée. Pas plus tard que l'année dernière (23 juin 2010), Caravan Palace a été programmé par l'IFC pour la Fête de la Musique, à l'Espace culturel méditerranéen El Karaka. C'était une soirée endiablée mêlant jazz manouche et musique électronique. Un an plus tôt, en 2009, l'IFC a programmé pour la célébration de la fête de la musique un concert gratuit à Karraka de la Goulette, animé par la chanteuse malienne Rokia Traoré connue pour ses chansons au style hybride. Si l'IFC s'est abstenu cette année de prendre de pareilles initiatives en vue de prendre part à ces festivités relatives à la fête de la musique, ce n'est pas une raison pour que les autorités locales laissent échapper cette occasion pour animer cette artère de la capitale qui a abrité, il y a quelques mois et à plusieurs reprises, les manifestations politiques et sociales des milliers de jeunes. N'est-il pas venu le temps, ne serait-ce que pour la fête de la musique, pour que cette avenue se transforme en une scène où ces mêmes jeunes viennent se divertir et savourer, par la même occasion, la réussite de leur Révolution ? Où étaient donc, ce jour du 21 juin, nos chanteurs, nos musiciens, nos animateurs, nos rappeurs et nos DJ ? Pourquoi nos organisateurs nationaux et les responsables sur la vie culturelle en Tunisie étaient-ils complètement absents en cette fête de musique, pourtant devenue une tradition chez nous durant plusieurs années ? Les circonstances actuelles ne le permettent pas, nous dira-t-on peut-être, les rassemblements sur la voie publique pourraient dégénérer en incidents inattendus. Soit ! Mais les jeunes, surtout en cette période qui coïncide avec la fin des examens et après les événements exceptionnels qu'ils ont vécus pendant la Révolution, ont certainement besoin de s'exploser, de se décompresser et de se défouler après tant de tourments et d'angoisses. A défaut de places publiques, des manifestations auraient pu se tenir dans des salles de spectacles, restées vides depuis la Révolution et dont la plupart sont louées à des partis politiques pour y faire leurs meetings. Mais il parait que la gratuité des spectacles destinés à cette fête de musique ne fait pas bon ménage avec l'esprit mercantile des organisateurs privés et des propriétaires des salles de spectacles ! Rappelons que dans plusieurs pays, cette fête a été institutionnalisée et devenue un rendez-vous annuel incontournable (comme en France et en Italie, par exemple) pour mettre en valeur la diversité des pratiques musicales, la participation spontanée de musiciens professionnels et amateurs, les moment d'échanges et de découvertes pour les jeunes. C'est également l'occasion pour les participants de faire entrer la musique dans des lieux inhabituels comme les musées, les écoles ou les prisons par exemple. C'est aux musiciens de prendre l'initiative en proposant leurs programmes pour célébrer cette journée en fanfare et dans l'euphorie générale !