Le rideau vient de tomber, ce dimanche 8 août 2010, sur la 33è session du Festival d'Ezzahra avec le spectacle « L'oreille assoiffée », de Abdelkarim Basti. Un spectacle qui ressuscitait les chansons orientales et tunisiennes marquant différentes époques du siècle dernier. Nous étions donc dans le cadre du pur « tarab » qui faisait appel aux oreilles et au cœur plus qu'aux corps. C'est ce qui explique le départ de pas mal de monde dès les premières minutes du spectacle. Non que ce spectacle soit de qualité médiocre, loin s'en faut, mais parce que le public était venu essentiellement pour se déhancher et non pour écouter. Le spectacle a réussi artistiquement et non publiquement : on en comptait au moins mille personnes tout au début de la soirée, mais il n'en restait qu'une centaine, un quart d'heure avant la fin. Chose bizarre ! Le public des festivals serait-il devenu aussi hostile aux chansons classiques qui font partie de son histoire et de son patrimoine culturel ? Ou simplement se rend-il au festival pour se divertir, se défouler en chantant et en dansant aux rythmes endiablés des instruments à percussion, sans pour autant prêter l'oreille aux paroles ni aux performances artistiques des chanteurs ? C'était le cas des assistants à cette soirée de clôture dont la majorité ont quitté les lieux, étant déçus de n'avoir pas trouvé à quoi ils s'attendaient. « Je croyais qu'il s'agissait d'une troupe folklorique où il y avait beaucoup de danse et d'ambiance ; nous a confié un jeune homme, j'avouerai que le spectacle de ce soir n'est pas mon genre ! Et puis, si les gens sortent par dizaines, c'est la faute des organisateurs qui n'ont pas annoncé dans l'affiche de quoi il s'agissait. Regardez le programme ! Il n'y a aucune mention à part « soirée de la fin » ; ce qui a induit la majorité des spectateurs en erreur, surtout les jeunes ! Le spectacle de ce soir est plutôt destiné aux adultes qui apprécient ce genre de chansons classiques ! » Cet avis était d'ailleurs partagé par plusieurs personnes interrogées qui avaient préféré rentrer avant la fin du spectacle. Faute de programmation, dira-t-on ! Cependant, cela n'a pas fait perdre au spectacle ni sa qualité ni sa noblesse. Une troupe musicale formée de 8 instrumentistes et de trois chanteurs dont l'artiste Rachid Ouerfelli, président de l'Association de l'orchestre arabe de la ville de Tunis, Mourad Garraj, chanteur tunisien émigré et Sarra Louz, une véritable découverte ! Les membres de l'orchestre, coiffés de la fameuse « chéchia stambouli », rappelaient le bon vieux temps ! A vrai dire et selon les témoignages des mélomanes avides des anciennes chansons arabes et tunisiennes, la soirée était bien réussie. Elle comportait deux parties : la première était destinée aux chansons orientales qui eurent un grand succès au siècle dernier ; la seconde comportait des chansons tunisiennes qui ont marqué l'époque ancienne et qui sont ignorées par les générations d'aujourd'hui. Des chansons datant des années 20, 30 et 50 du siècle dernier ont été merveilleusement interprétées par le jeune Mourad Garraj; il s'agissait essentiellement de « Ochek El Hawa Wassafouli… », « Imta Azzamen Yasmeh Ya Gamil », « Yelli Hzamek Satani », « Lamma Rametna El Aïn » et d'autres chantées par l'artiste Sarra à la voix forte et claire, comme « Fat El Miâd », « Ya hawa El Widiane », « Mouhal Kilmet Ah », « Safer Mazel Aïni Tirida ». Quant à l'artiste Rachid Ouerfelli, il a excellé dans la chanson « Isêl marra Alaya » qui fut très appréciée des rares amateurs de la chanson classique présents, ce soir au théâtre de plein air. Le malouf tunisien était également au rendez-vous : des « wasslet » choisis dans le répertoire traditionnel ont été exécutés par la troupe. « Par la reprise de ces chansons, nous a déclaré Abdelkarim Basti, producteur du spectacle, j'ai voulu réconcilier les jeunes d'aujourd'hui avec leur patrimoine arabe et tunisien. Je sais que c'est un défi pour moi que de pouvoir retenir un public de festival d'été à ce genre de musique classique, ce public habitué plutôt à des rythmes diaboliques qui font bouger les corps ! Or, notre spectacle s'adresse aux oreilles avant toute chose ; nous comptons sur le bon goût des mélomanes intéressés par ce genre de musique. » Disons que ce défi n'a été relevé qu'à moitié ce soir-là ; car le chef d'orchestre, ayant remarqué le désintérêt de la majorité des assistants et le grand nombre des départs pendant le spectacle, a dû annuler les toutes dernières chansons programmées dans cette soirée pour se plier devant les vœux des quelques dizaines de spectateurs en faisant exécuter des chansons tunisiennes au goût du jour qui ont mis ce petit public restant en transe jusqu'à la fin de la soirée. Ainsi a pris fin cette 33è session du festival d'Ezzahra qui, il faut le dire, n'est pas aussi réussie que les sessions précédentes. Ceci revient au fait que la nouvelle direction, désignée à la dernière minute, n'a pas trouvé le temps nécessaire pour préparer une bonne programmation digne de ce festival, le plus ancien dans la banlieue sud. La majorité des spectacles organisés n'étaient pas à la hauteur des attentes du public zahraoui, pourtant très fidèle à son festival. M. Rachid Hajlaoui, directeur du festival nous a exprimé ses impressions en ces termes : «Franchement, je ne suis pas tout à fait satisfait de cette session pour des raisons multiples dont la principale est la désignation trop tardive de la direction du festival. Cependant, les efforts louables de toutes les parties locales et régionales nous ont aidés à franchir toutes les difficultés rencontrées ; je remercie tous les responsables à tous les niveaux pour leur coopération ! Je peux dire que je suis satisfait à 75% et j'espère que les prochaines sessions seront meilleures ! »