Le 26 juin dernier, au cours de la projection du film de Nadia El Fani : ni Dieu ni maître, des barbus ont envahi la salle de cinéma Africa Art, pour saccager le matériel et menacer les organisateurs ainsi que tous ceux qui venaient assister à la projection du film. Plusieurs de ces agresseurs ont été arrêtés et inculpés de trouble à l'ordre public et violence grave. La réaction des leurs amis ne s'est pas fait attendre un autre groupe parmi ces barbus ayant, le 28 juin, manifesté devant le palais de justice et s'en prenant à des avocats, ils en ont agressé violemment deux d'entre eux. Une plainte a été donc déposée par les victimes et plusieurs agresseurs ont été également arrêtés et inculpés de voie de fait. Dans la première affaire, les cinq détenus qui ont comparu devant le tribunal le 11 juillet ont été libérés et elle a été renvoyée au 27 octobre prochain. Dans la deuxième affaire, parmi les 16 inculpés, 11 ont été libérés, le tribunal n'ayant cru bon de garder en détention que cinq accusés, en renvoyant l'affaire pour le 19 juillet prochain. Par ailleurs, un groupe d'avocat a déposé plainte au parquet contre la productrice Nadia El Fani pour blasphème, atteinte aux bonnes mœurs et aux préceptes de la religion. Cette requête est encore à l'étude, et au jour d'aujourd'hui il n'y a encore aucune résolution prise par le procureur. Voilà où en est la situation, depuis la projection du film en question, qui a suscité la polémique de part et d'autre. Pour ceux qui soutiennent la productrice, Nadia El Fani ce n'est pas le film en soi qui pose problème. C'est la liberté d'expression qui est en jeu. Ils estiment que ceux qui se montrent choqués, ne peuvent tolérer qu'on puise s'exprimer par des idées contraires à leurs conceptions et leur manière de voir les choses. Pour les antagonistes, ce film constitue une atteinte au culte et un blasphème inadmissible. Cela entre dans la diffamation, délit prévu et puni par la loi. Qu'en est-il au juste sur le plan juridique ? En réalité le problème est lié à la liberté de chacun qui s'arrête là où commence celle de l'autre. En l'occurrence, seul le juge peut apprécier, au cas par cas si tels faits sont blasphématoires et constituent une atteinte à la liberté du culte Quoi qu'il en soit, le problème ne peut être résolu par la violence. Celle-ci n'est jamais excusable quelle qu'en soit la cause. Toute atteinte aux personnes ou aux biens, est punie par la loi. On ne peut en aucun cas user de la violence au nom de la défense du culte. Les avocats agressés, tiennent à poursuivre leur plainte non pas par dépit mais au nom de la défense des droits de l'homme. Le droit à l'intégrité physique est parmi les fondements même des droits de, l'Homme. Il y va de même pour le droit à l'intégrité morale ; et c'est sur cette base que les autres avocats ont porté plainte contre la productrice du film en question, qu'ils jugent provoquant, car il constitue une atteinte à la liberté du culte et aux croyances religieuses. C'est au parquet, qui a l'opportunité des poursuites de se prononcer favorablement à leur requête ou de classer l'affaire sans suite. La limite entre la liberté d'expression et la diffamation est très fragile, et peut être facilement franchie dans un sens ou dans l'autre. Le problème peut être résolu, par la concertation, ou par le juge en cas de litige, mais jamais par la violence.