" Pourquoi ai-je toujours été convaincu que c'est l'honnêteté qui finit par triompher ? suis-je aussi naïf ? " cogita " tonton " attablé à la terrasse d'un café, une après-midi du mois de juin, après avoir passé toute la matinée à courir à travers les services de l'administration des PTT pour contester une facture qui lui sembla un peu plus salée que d'habitude. Il était allé de bon matin dès l'ouverture pour être au rendez-vous qu'il fixa préalablement avec Mme Ourida, responsable du service de la facturation. C'était de bon augure, pensa-t-il, ce nom signifiant petite rose, outre la jolie voix de cette dame gentille et affable qui au téléphone était aussi courtoise qu'attentionnée avec " Tonton ". Ce fut la raison pour laquelle il était rassuré, et tenant à ce rendez-vous, il avait tout fait, lui qui n'était pas un lève-tôt, pour se réveiller de bonne heure, afin d'y être fin prêt. Mais ses déceptions commencèrent, dès qu'il se présenta au service de Mme Ourida. " Ah, désolé, monsieur, elle n'est pas là pour la journée, elle accompagne son fils à la visite médicale pour le permis de conduire... Revenez demain, elle sera sûrement là,ou alors, allez voir M. Besbess qui la remplace ; c'est le bureau 13 " Besbess c'est aussi de bon augure, c'est l'aneth au goût agréable que j'adore ; et puis 13, c'est un chiffre qui m'a toujours porté bonheur ". Pensa Tonton,et sans attendre il fonça au bureau 13. Il frappa deux, trois, cinq fois à la porte, mais personne ne répondit. Il tourna la poignée et poussant le battant de cette porte capitonnée,il pénétra dans ce bureau pour ne voir qu'une grande table, sur laquelle des dossiers étaient amoncelés en désordre, et derrière laquelle le grand fauteuil était vide. Il n'y avait personne.Rebroussant chemin, il fut interpellé en sortant, par un homme en uniforme qui lui demanda comment il était entré comme pour lui reprocher son intrusion. " On m'a envoyé pour voir M. Besbess " lui dit-il sur un air confus et étonné. " M. Besbes est en réunion avec le directeur général,lui dit l'homme en uniforme qui était en fait l'appariteur. Mais allez voir M. " Battikh " il est là pour ce genre de problème c'est le bureau 32 au deuxième étage. Tonton à 60 ans, en paraissait quarante cinq. Il n'avait pas de problèmes de tension ni cardio-vasculaire. Le seul problème qu'il avait, c'était le manque de quiétude d'esprit. Mais il était un fonceur et un battant, et rien ne pouvait l'arrêter ou le résigner à accomplir ce qu'il avait à faire. Il enjamba deux à deux les marches de l'escalier menant au deuxième étagen pour se diriger au bureau 32 au plus vite. Essoufflé,il s'arrêta devant la porte dudit bureau, devant laquelle se trouvait déjà une dame qui attendait en sueur depuis un quart l'heure, et s'éventant avec un carton qu'elle avait ramassé parmi les fiches de renseignement qui traînaient sur la table se trouvant dans le couloir, elle lança à Tonton un regard inquisiteur puis lui dit sur un ton candide. " Vous venez pour payer notre facture ? " " c'est trop long à vous expliquer, mais on m'a dirigé vers M. Battikh. Est -il à son bureau ? répondit-il à la dame. " ça fait un quart d'heure que j'attends. Il est en rendez-vous avec une demoiselle "lui dit la dame, comme pour lui expliquer, en continuant à s'éventer, qu'il fallait qu'il attende son tour. Tonton l'avait comprise, et il alla s'asseoir sur un banc qui se trouvait dans le couloir. Il attendit plus d'une heure pour voir enfin arriver son tour. Mais M. Battikh qui l'accueillit sur le seuil de la porte, lui dit sur un ton assez expéditif " moi je m'occupe seulement des règlements. Pour les contestations c'est Mme Ourida au rez-de-chaussée " " Justement j'en viens, lui dit Tonton, mais il s'avérait qu'elle était empêchée aujourd'hui. C'est pour cela que, M. Besbess étant en réunion, on m'a dirigé vers vous ". " Désolé !il faut revenir à Mme Ourida c'est la seule qui puisse satisfaire à votre doléance. De toute façon, c'est l'heure de la fermeture, maintenant...Excusez- moi, je dois partir " lui dit M. Battikh avant de le quitter le laissant seul à cogiter dans le couloir maugréant, déplorant sa situation et maudissant le jour où il était né. Après avoir repris ses esprits,il quitta l'administration des PTT Dehors,le soleil était au Zenith. La plupart des commerçants avaient fermé boutique et dans la rue c'était la cohue. Tout le monde pressait le pas pour regagner le domicile et être à l'abri de cette chaleur de plus en plus suffocante. Tonton décida d'aller dans un bistrot, pour se désaltérer et se rafraîchir. Après avoir siroté sa citronnade, il eut l'idée de téléphoner à son épouse pour la prévenir qu'il rentrait un peu tard. Il se dirigea vers la cabine téléphonique du bistrot où il se trouvait, et après avoir mis une pièce de monnaie dans l'appareil, il composa son numéro et fut surpris par un répondeur des services des PTT qui ne cessa de répéter. " Le numéro que vous demandez est actuellement hors service. Prière de rappeler ultérieurement ". La ligne était déjà coupée alors que Tonton allait de bon matin aux PTT afin d'éviter un tel désagrément !